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les juridictions administratives et le temps;cas du Cameroun et du Gabon

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par Olivier Fandjip
Université de Dschang - D E A 2009
  

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SECTION II : LE CARACTERE D'ORDRE PUBLIC DES DELAIS

La durée prescrite par le législateur pour l'accomplissement des actes a un caractère impératif. En effet, ils ne peuvent se négocier et s'imposent aux juges tout comme aux parties et apparaissent de ce fait comme un couperet. C'est pourquoi, l'irrespect entraîne des sanctions. En droit camerounais tout comme en droit gabonais, cette règle est affirmée.

Toutefois, le juge administratif camerounais se montre très sévère alors que son homologue gabonais adopte une position nuancée. Ainsi l'on peut affirmer d'une part que le caractère d'ordre public des délais bien qu'étant un principe consacré dans les deux législations (paragraphe I) connaît des atténuations (paragraphe II).

PARAGRAPHE I : LE PRINCIPE D'ORDRE PUBLIC

Deux questions méritent d'être posées et auxquelles nous essayerons d'apporter les éléments de réponse : d'abord quels sont les fondements du caractère d'ordre public des délais (A), ensuite quelles sont les sanctions prévues afin d'assurer le respect desdits délais (B).

A- Les fondements de la règle d'ordre public des délais

Le caractère impératif des délais peut trouver des justificatifs au regard de deux éléments.

D'abord, il y a un souci de maintenir une certaine stabilité des situations juridiques. En effet, la sécurité des relations juridiques implique l'existence même d'un délai au terme duquel, les actes ne peuvent plus être remis en cause, même devant le juge194(*). L'on ne saurait de ce fait mettre en cause éternellement les décisions administratives même si elles sont illégales. Cela trouve toute son importance dans le fait que, l'action de l'administration ne pourrait ou alors ne peut s'accommoder des actes juridiques dont les citoyens seraient dans la possibilité de contester la validité195(*).

Ensuite, l'autre fondement découle du principe de l'égalité des armes, qui suppose que toute partie à une action en justice doit avoir la possibilité raisonnable d'exposer sa cause au juge dans les conditions qui ne la désavantage pas d'une manière importante par rapport à la partie adverse196(*) ; ce qui suppose donc que le délai imparti à l'administré pour intenter son recours ou (produire même un mémoire) lui donne la possibilité de prendre connaissance de l'acte litigieux, de réfléchir, se renseigner sur la portée juridique de cet acte et savoir donc quelles sont les possibilités à lui offertes afin d'obtenir du juge une éventuelle annulation ou réformation de l'acte en cause197(*). Le juge administratif camerounais a eu à rappeler l'importance de cette règle qui rentre dans les droits de la défense198(*).

En définitive, l'on peut retenir que c'est la nécessité d'assurer la stabilité des situations juridiques, et offrir la possibilité à l'administré de bien préparer sa saisine qui essentiellement justifie l'institution de cette règle199(*). Et si le requérant venait à violer ce délai, la loi a prévu des sanctions.

B- Les sanctions

Les sanctions prévues en vue de veiller au respect du caractère d'ordre public des délais en droit camerounais tout comme au Gabon sont notamment l'irrecevabilité des recours précoces (1) et la forclusion (2).

1- L'irrecevabilité des recours précoces

L'irrecevabilité est l'une des sanctions prévues par la loi contre les actes posés en violation des prescriptions légales. Celle-ci consiste en un rejet sans examen de la demande de l'administré, laquelle demande présentée ici, non sans avoir respecté les délais, mais plutôt avant l'expiration des délais impartis à l'Etat pour se prononcer quant au recours précontentieux. Si en droit gabonais l'irrecevabilité des recours prématurés est expressément formulée par le législateur (b), en droit camerounais par contre, elle peut découler d'une analyse faite des textes (a).

a- La consécration tacite de l'irrecevabilité comme sanction des recours prématurés au Cameroun

En droit camerounais, la prescription expresse de l'irrecevabilité n'apparaît qu'en ce qui concerne les recours collectifs, elle a été prévue par la loi de 1975 et reprise par celle de 2006/022200(*). L'irrecevabilité retenue comme sanction, est une résultante de l'analyse des textes, notamment l'article 17 alinéa1 de la loi n°2006/022 précitée.

En effet, la loi prévoit que le recours n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux. Ce qui suppose qu'a contrario, si le recours gracieux n'a pas encore connu d'issue, l'irrecevabilité s'en suivra.

Sous l'égide même de la loi de 1975, le juge administratif national s'est montré rigoureux à ce propos. A titre d'exemple, dans l'espèce qui opposait l'Aigle Royale de DSCHANG à l'Etat du Cameroun (FECAFOOT) objet du jugement n° 48 rendu le 25 Mai 1989 par la Chambre Administrative de la Cour Suprême, le juge déclara la requête introduite par le requérrant en date du 16 Décembre 1987 irrecevable parce que prématurée. En fait, elle était introduite dans les deux (02) mois suivant la publication de l'acte attaqué. Ledit acte ayant été pris en date du 22 Novembre 1987201(*). Les délais relatifs à l'introduction d'un recours contentieux de même que ceux relatif à l'introduction d'une voie de recours sont d'ordre public.

Dans l'espèce Mbarga Richard, jugement n°33/83-84 du 14 Juin 1984, le juge de la Chambre Administrative de la Cour Suprême affirme : « Attendu qu'en l'espèce, la saisine de la Chambre administrative par le sieur Mbarga Richard à la date du 09 Août 1982 a été précédée du recours gracieux adressé le 05 juillet 1982 par l'intéressé...que par la suite ledit recours contentieux est prématuré comme ayant été formé avant l'épuisement du délai légal réservé à l'administration pour se prononcer. » Cette fermeté est de nature à mettre en mal le droit des administrés car, l'on se souvient que l'Etat prend nécessairement et dans la majorité des cas tout son temps pour agir.

En fait, si l'on fait le bilan dans le contexte camerounais, l'on note que l'Etat dispose de trois (03) mois pour se prononcer, deux (02) mois pour désigner son représentant, au total cinq (05) mois, ce qui prolonge la procédure. En droit gabonais, l'irrecevabilité comme sanction contre des actions intentées avant l'expiration des délais découle expressément de la loi en la matière.

b- La consécration expresse de l'irrecevabilité comme sanction des recours précoces au Gabon

Au Gabon, le législateur a de façon explicite prescrit l'irrecevabilité comme une sanction pour les recours intentés avant que l'administration ne se soit prononcée au sujet du recours administratif préalable introduit par le requérant. A cet effet, l'article 46 du Code des Tribunaux dispose : « le recours en annulation contre les décisions administratives n'est pas recevable lorsque le requérant dispose encore pour faire valoir ses droits, du recours administratif sus-mentionné ».

Ainsi, dans son arrêt du 08 Mai 1987, YOUIN BANKOUA Seydou, contre Etat gabonais, le juge déclare : « Considérant que YOUIN BANKOUA Seydou a saisi directement la Chambre administrative de sa requête alors qu'il n'avait pas exercé le recours administratif préalable qu'exigent les dispositions du code... ; que par ailleurs, l'article 46 dispose que, le recours en annulation contre les décisions administratives n'est pas recevable lorsque le requérant dispose encore du recours administratif sus-mentionné ;... considérant qu'on ne peut passer outre ces dispositions impératives qui sont d'ordre public ; que dès lors la requête de l'intéressé doit être déclarée irrecevable. »

Mais, le juge administratif français dans son arrêt du 17 Décembre 1955 Dame veuve GOISSON ARDENNES, a jugé que si le requérant présente une demande prématurée, il peut toujours saisir régulièrement la Cour, en introduisant une seconde demande dans le délai202(*). L'on est ainsi presque définitivement convaincu de ce que le délais, autant que la règle du recours précontentieux, sont des dispositions légales qui ne peuvent être écartées par une volonté individuelle contraire ; le cas échéant, sanction s'en suivra, telle que le font remarquer les deux juges aussi dans l'hypothèse de la forclusion.

2- La forclusion

Les délais de saisine tels que prévu par les législateurs camerounais et gabonais sont prescrits à peine de forclusion. Au Gabon, l'article 6 de l'ancienne loi n° 28/59 du 22 Juin 1959 relative au contentieux administratif le prévoyait déjà.

Ainsi dans l'espèce ONGALLA, rendue par la Chambre Administrative le 06 Avril 1979, le juge affirme : « Considérant par ailleurs que s'il avait voulu contester la validité de l'arrêté portant son détachement, il appartenait au requérant de le faire dans les délais légaux. Qu'ainsi, le pourvoi formé contre l'arrêté... est irrecevable pour avoir été introduit hors délai et entraîne les conséquences de droit »203(*). Cette disposition a été reprise par le Code des Tribunaux de 1984.

A cet effet, le juge a-t-il pris une position semblable dans l'espèce ENGONO OBIANG Barthélemy, objet de l'Arrêt rendu le 30 Janvier 1987 en ces termes : « Considérant qu'aux termes de l'article 101 de la loi n° 17/84 du 29 décembre 1984 portant code des juridictions administratives, le recours en révision doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision intervenue... que le recours intenté ...le 27 juin 1986 soit six mois après la notification de l'arrêt querellé, a été formé en violation des dispositions légales susvisées ; que dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le fond de l'affaire, la requête... doit être déclarée irrecevable pour forclusion. » La Jurisprudence camerounaise n'est pas en reste dans l'application de cette sanction.

Les lois n°2006/022 et 2006/016 ont repris les dispositions de la loi n° 75/17. Elles disposent que les délais de recours sont prescrits à peine de forclusion204(*).

C'est ainsi que,dans l'espèce SEBA NDONGO Jean, le requérant introduisit un recours le 14 Octobre 1983, son recours précontentieux ayant été rejeté le 2 Mars 1982, celui-ci attendit le 14 Octobre 1983 pour saisir la juridiction. Le juge devait en tirer les conséquences en ces termes : « le demandeur ayant reçu notification du rejet de son recours gracieux le 10 avril 1982, et ne pouvait dès lors se pourvoir valablement ... que jusqu'au 11 juin 1982, inclus...il en résulte que le recours est frappé de forclusion...par conséquent être rejeté. »

Dans un autre jugement n°42/93-95 rendu le 30 Mars 1995, MEYONG BAHIE contre Etat du Cameroun, le juge affirma : « Considérant que le recours devant la Chambre administrative de la cour suprême doit à peine de forclusion être formé avant l'expiration d'un délai de 60 jours suivant le rejet implicite du recours gracieux...Que le droit de recours s'éteint avec l'expiration des délais légaux... Qu'il s'en suit que le recours contentieux formé le 07 avril 1994 (date d'enregistrement au greffe de Céans), ne satisfait pas au voeu de la loi et doit par conséquent être déclaré irrecevable ». Cette sévérité des différents juges est susceptible de connaître cependant des atténuations.

* 194 LOMBARD (M.), Op.cit, Ibid.

* 195 BOCKEL (A.), Droit administratif, nouvelles éditions africaines, Université de Dakar, Faculté des Sciences Economiques et Juridiques, 1978, pp.469-490.

* 196 NGONO (S.), « L'application des règles internationales du procès équitable par le juge judiciaire », Juridis Périodique n° 63, Juillet-Août-Septembre 2005, p.38.

* 197 ODENT (R.), cité par NJOCKE (H.C.), article précité, p. 56.

* 198 Lire NYETAM TAMGA (A.), « Les droits de la défense dans la jurisprudence de la Cour Suprême du Cameroun statuant en matière administrative », Juridis Périodique n°52, Octobre-Novembre- Décembre 2002, p.72.

* 199 CHAPUS (R.), Droit administratif général, Paris Montchrestien, Tome 1,12ème édition, 1998, p.701.

* 200 Voir articles 2 de la loi n°75/17 et 33 de la loi n°2006/022 précitées, respectivement.

* 201 KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Les mutations récentes du droit administratif camerounais », article précité, p.86.

* 202 Voir MBOME (F.), Le contentieux fiscal camerounais, P.U.A, pp. 55-56 (Annexe).

* 203 Voir C.A, 06 Avril 1979, ONGALLA, rep n°49, G.D.J.A.G, p.24, obs. PAMBOU TCHIVOUNDA (G.).

* 204 Voir les articles 73 et 89 de la loi n° 2006/016 et article 18 alinéa 1, de la loi n° 2006/022 précitées respectivement.

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