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Le contrôle des armes légères et de petit calibre en afrique de l'ouest

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par Salamane YAMEOGO
Institut de Hautes Etudes Internationales et du Dévelppement (IHEID) - Master en Etudes du Développement 2009
  

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CHAPITRE III : LA NECESSITE DE CONTENIR LES LIMITES

POUR UN REEL CONTRÔLE DES ALPC

Les réflexions antérieures ont décelés des acquis tant au plan normatif et institutionnels dans les politiques CEDEAO de contrôle de transferts des ALPC. En termes de comparaison, la CEDEAO est même en avance par rapport aux régions d'Asie Centrale et Orientale où les systèmes de lutte des ALPC sont encore lacunaires et gangrénés par les conflits latents et ouverts aussi bien intra-étatiques qu'interétatiques (Kytömäki 2005). Partout dans le monde, peu d'Etats parviennent à contrôler les flux des ALPC. C'est un domaine complexe. Ainsi, il serait déraisonnable de flécher le système ouest-africain sans montrer ces aspects positifs. Le faire reviendrait à jeter le bébé avec l'eau du bain. Mais, les acquis ne doivent pas être pris pour une satisfaction complète car de ce qui précède, il ressort des handicapes non des moindres. Ces limites sont tant normatives et institutionnelles qu'extra normatives et institutionnelles (SECTION I). Par ailleurs, s'il est bien de relever ces limites, il est encore mieux de faire des propositions, peut-être audacieuses, pour un contrôle réel des transferts des ALPC (SECTION II).

SECTION I : LES LIMITES AU SYSTÈME DE CONTRÔLE

DE TRANSFERTS DES ALPC

Quelques soient les progrès législatifs, institutionnels et pratiques, le système CEDEAO comporte des limites qui méritent d'être analysées. Ces limites sont d'une part d'ordre normatifs et institutionnels (§I) et, d'autre part d'ordre extra-normatifs et institutionnels (§II).

§I : LES LIMITES NORMATIVES ET INSTITUTIONNELLES

Au titre des limites normatives et institutionnelles, deux idées centrales sont à mettre en exergue : les sources normatives sont caractérisées par la fragmentation et l'imbrication. Les institutions souffrent aussi de manque de capacité.

Le transfert des ALPC est à multiples facettes dans son objet, ses acteurs et/ou ses finalités. Il se prête mal à une règlementation générale qui prenne en compte tous ses aspects surtout que cette activité est au coeur des enjeux économiques, militaires, politiques et stratégiques. De fait, l'atomisation de ses bases normatives est plausible à la simple observation. Il y a aussi bien au plan vertical qu'horizontal une fragmentation matérielle et spatiale des règles.

D'une part, la pluralité des règles sur le transfert des ALPC est le miroir de la diversité de l'objet, des sujets et des techniques. La diversité des règles reflète la diversité de l'objet d'une manière mécanique. Il n'est pas facile de parvenir à une règlementation générale des ALPC dès lors que l'objet à règlementer est diversement défini. La Convention CEDEAO intègre les munitions et les matériels connexes au titre des ALPC au même titre que le Protocole onusien de 2001. Cependant, la définition des armes à feu retenue par l'ONU et celle de l'Organisation des États américains (OEA) sont différentes (Alfonso De Alba 2002, 57-60). Un autre différence est que la CEDEAO ne considère pas les armes comme les autres marchandises ainsi que le prévoit l'article 45 du Traité Révisé CEDEAO alors que très souvent, les gouvernements insistent pour que les ALPC soient considérées comme n'importe quel autre produit commercial et s'opposent à un contrôle strict argumentant que le commerce des ALPC relève d'une politique souveraine et étrangère des Etats (Berkol 2007). Par exemple, Au sein de la CEDEAO, aucun pays n'a encore intégré la définition communautaire dans sa législation. Il ressort une panoplie de définition, de classification, de principes directeurs. Une autre distinction majeure qui complexifie l'objet concerne les transferts des ALPC en faveur des Acteurs Non Etatiques. L'opposition reste forte entre les USA et les pays en voie de développement. La CEDEAO interdit formellement les transferts vers les Acteurs Non Etatiques aux termes de l'article 3 alinéa 2 alors que les USA par exemple sont opposés à ce principe.

La diversité des règles est le reflet de la diversité des sujets. Les transferts des ALPC n'est le seul fait des personnes de droit privé pratiquant « l'aventure » (Yakemtchouk 1979, 71). Ces transferts sont à la charge de divers Etats et plusieurs sociétés multinationales. Les Etats peuvent être exportateurs, importateurs ou les deux à la fois, en guerre ou neutres, alliés ou non alliés et surtout dotés ou des industries d'armement. Des armes peuvent être achetées par un Etat A qui les réexporte au moyen des moyens matériels d'un Etat B en faveur d'un autre Etat C. Cette diversité de situations augmente les divergences d'intérêts et constitue autant d'embûches pour le contrôle des ALPC. Le commerce des armes revêt des implications politiques, économiques stratégiques que les pouvoirs publics ne veulent en aucune manière abandonner aux mains des sociétés privés. Les grands Etats exportateurs mondiaux sont devenus eux-mêmes des industriels par l'entremise des nationalisations et de prises de participations majoritaires. En France par exemple, la majorité du domaine de l'armement est chapoté par les pouvoirs publics depuis les nationalisations de 1937. La diversification des sources juridiques est issue des regroupements de sociétés. Lesquelles signent des accords de coproduction, des consortiums. Depuis 1990, sous la pression des groupes militaires et économico-industriels, il s'est crée en Europe plusieurs regroupements : 1990, Matra Marconi Space (Matra, GEC-Marconi); en 1991, Eurocopter ( DASA, Aérospatiale); en 1994, Thomson Dasa Armement (Thomson-Brandt Armement, Wirksystem); en 1996, Thomson Marconi Sonar (Thomson-Csf, GEC-Marconi); en 1996, Matra BAe Dynamics (Matra, BAe); en 1998, Alenia Marconi Systems (Finmeccanica, GEC-Marconi) (Masson 2009, 2). Du coup, « la fiscalité, le calcul des profits, le régime des droits de propriété industriels et surtout la procédure des exportations varient par conséquent au gré de la localisation de ces consortiums » (Martinez 1984, 149).

Enfin, la diversité des règles reflète la diversité des techniques juridiques d'une façon évidente. L'acquisition des ALPC peut s'effectuer suivant diverses formules, depuis la vente de la matière première jusqu'à la coproduction avec la possibilité intermédiaire et fréquente d'une production sous licence. C'est une totale parcellisation des règles commerciales et contractuelles.

Ces fragmentations juridiques auxquelles les règles bilatérales entre Etats viennent complexifier le contrôle des transferts des ALPC. Le flou est renforcé dès lors que l'harmonisation des législations ouest n'est pas effective. Aussi, ces armes circulent entre diverses mains. Elles sont portatives et ont un cycle de vie souvent long et complexe. Les règles de droit ne comblant pas tous ces éléments, il est évident que les hiatus existent.

D'autre part, l'imbrication des sources normatives des ALPC tient au fait que le commerce des ALPC résulte des compromis entre les pouvoirs publics et privés. Activités qui engagent l'Etat, les importations et les exportations des ALPC demeurent en majorité le fait de sociétés de droit privé. Ce qui engendre une imbrication des règlementations internationales et internes, publiques et privées. Cette situation est assez forte avec le foisonnement des sociétés de sécurité privée et la privatisation de la violence. C'est ce que résume fidèlement Jean-Michel Martinez lorsqu'il écrit « L'universel des problèmes posés, par le commerce des armes, s'imbrique ainsi avec le régional de certains solutions et la liberté de principe, pour les transactions, cherche un compromis avec des prohibitions diverses » (Martinez 1984, 150). Grosso modo, le phénomène s'observe à deux niveaux : l'imbrication des règles posées et l'imbrication des champs d'action définis. Ces points ont déjà fait l'objet de réflexions au titre des critères de cohérences de normes concernant la CEDEAO. Mais, cette évidence se trouve aussi dans les pays exportateurs d'armes. Le dénominateur commun reste que « le commerce des armes est soumis à un jeu juridique qui se joue en double mixte. Le droit international s'interprète avec le droit interne et le droit privé avec le droit public ». (Martinez 1984, Ibid.). Par exemple si le gouvernement Malien fait une commande d'armes à une entreprise Suisse d'armement. Cette dernière étant régie par la « Loi fédérale sur les entreprises d'armement de la Confédération (LEAC) du 10 octobre 1997 » qui reconnaît la mixité juridique. Ces mêmes armes peuvent être livrées par une société de droit privé basée en France au profit du Mali. C'est les législations Malienne, Suisse (mélangeant peut-être le droit public et privé Suisse), Française (mélangeant peut-être le droit public et privé Français) en passant par les normes CEDEAO qui sont en jeu. Ces transactions sont coiffées par des règles de droit international car même si les exportations et les importations des ALPC sont pour l'essentiel régentées par les droits internes, le droit international conditionne la passation du contrat de fournitures et parfois aussi son application. Ce phénomène est plus observables dans les transactions des avions de combats, des chars et autres types d'armement plus lourds. Un autre exemple d'imbrication du droit administratif pour l'octroi des autorisations, du droit douanier pour le contrôle aux frontières et le droit fiscal qui soumet les stocks à des prélèvements.

La diversité des règles aussi bien au sein des pays producteurs et vendeurs qu'au sein des pays acheteurs, alors même que ces différents Etats ont élaborés des normes communautaires auxquelles ils sont sensés se soumettre, n'est pas aisée à saisir pour le commun des mortels. C'est le cas de l'UE et de la CEDEAO. En réalité, ces disparités rendent le contrôle des transferts des ALPC difficile (Marinez 1984) quoiqu'une fois la Convention en vigueur tous les Etats CEDEAO devraient se soumettre au cadre général règlementant les transferts des ALPC et du droit international public. Les difficultés deviennent plus ardues dès lors qu'il s'agit des transferts gris, illicite ou la production artisanale des ALPC. Lesquels transferts sont faits par le contournement ou la violation des normes. En tout état de cause, les limites ne sont pas seulement normatives, elles sont aussi institutionnelles.

Concernant les limites institutionnelles, il est évident que les institutions CEDEAO sont en carence de capacités : capacité organisationnelle et capacité dynamique. Le concept anglais de « capability », qui tire son origine du latin « capacitas » et « capax » convient au terme de capacité en français. Il renvoie selon le Robert de poche soit à l'idée de la contenance soit à celle de l'aptitude, de l'habileté, de la faculté, de la force ou du pouvoir de réaliser quelque chose de même qu'à la qualité de quelqu'un qui est en état de comprendre ou de faire quelque chose (Robert de poche 2009, 102). Le concept de capacité remplit l'espace qui existe entre l'intention et le résultat, en prenant pour acquis que le résultat est conforme à l'intention initiale. Du reste, si le concept de capacité convient parfaitement à la description d'un individu, nous pouvons toutefois l'employer au niveau organisationnel pour décrire l'habileté ou l'aptitude d'une organisation pour réaliser ses activités (Renard et St-Amant 2005, 3).

Plusieurs auteurs en management, administration publique ont traité de la capacité organisationnelle d'une entreprise, d'une organisation ou d'une institution. Selon Laurent Renard et de Gilles E- St-Amant la capacité organisationnelle est : « l'habilité ou l'aptitude de l'organisation pour réaliser ses activités productives de manière efficiente et efficace par le déploiement, la combinaison et la coordination de ses ressources et compétences à travers différents processus créateurs de valeur, selon les objectifs qu'elle avait définis précédemment, c'est-à-dire en prenant pour acquis que le résultat est conforme à l'intention initiale ou à tout changement dans cette intention » (Renard et St-Amant 2005, 8). Quant à la capacité dynamique, ces mêmes auteurs la définissent comme : « tout processus composé d'un ensemble d'activités identifiables, qui permet la transformation d'une capacité organisationnelle ou la création d'une nouvelle capacité à travers l'investissement dans les ressources et l'apprentissage de nouveaux savoir agir pour soit réagir aux transformations de l'environnement ou bien pour les initier (adaptation ou transformation). La capacité dynamique est liée à la nécessité de gérer organisationnellement une capacité organisationnelle et en corollaire les savoir agir de l'organisation » (Renard et St-Amant 2005, 14).

Ce sont ces capacités organisationnelle et dynamique qui font défaut aux institutions CEDEAO en matière de contrôle des ALPC ; et ce aussi bien les institutions communautaires que les institutions nationales. Au niveau des domaines de l'armée et des services de police, il règne dans presque tous les pays un certain manque d'organisation interne pour coordonner les activités sur le terrain. Les armées ouest-africaines et même africaines sont en déficit de capacité organisationnelle. Elles sont généralement contrôlées politiquement et traversées par les réseaux de corruption, de clientélisme, de patrimonialisation et de personnalisation du pouvoir. Les divisions au sein des forces armées et de sécurité témoignent de la cacophonie qui y règne. La « politique du ventre » au sens de François Bayart avec son lot de conflits internes ne sont pas en faveur d'un réel contrôle des ALPC. Les 21 et 22 décembre 2006, au Burkina Faso, les militaires et les policiers se sont affrontés avec des armes lourdes en plein centre ville de la capitale Ouagadougou faisant d'énormes dégâts matériels et des pertes en vie humaines. Les conflits entre les régiments présidentiels et les autres corps militaires et policiers sont monnaie courante surtout que le syndrome des coups d'Etats a refait surface : les cas de la Guinée le 23 Décembre 2008, du Togo en avril 2009 ; les assassinats : le cas de Bernardo Vierra en mars 2009. Ceci montre que l'organisation au sein des services en charge d'aider les Commissions nationales est traversée de conflits latents et/ou ouverts rendant les règles d'organisation internes presque impossible. Au sein de Commissions nationales, le remplacement des dirigeants conduit chaque fois à une reprise d'organisation interne. C'est le cas au Burkina Faso, au Sénégal, en Gambie. Une étude de terrain menée par le Centre Canadien et de Coopération Internationale (CECI) en 2006 dans les localités de Koina en Gambie, de Samine au Sénégal, de Koumbia en Guinée et de Bigene en Guinée-Bissau ont permis de déceler les failles suivantes : Les critères de sélection et termes de références des membres du Comité local et des acteurs de sensibilisation ne sont pas assez discutés et compris au sein des communautés ; les Comités de pilotage ne se réunissent pas selon la fréquence souhaitée ; il y a des difficultés de communication et de coordination entre l'ONG locale et le point focal ; la méconnaissance des législations nationales ; l'animation insuffisante des ONG locales et les points focaux sur les projets locaux ; la discontinuité dans les descentes de terrain ; les acteurs locaux ne sont pas encore suffisamment outillés sur les stratégies des projet s locaux de lutte contre les ALPC ; les heurts et les incompréhensions parfois entre partenaires sur le terrain ; l'insuffisance de l'information des autorités sur l'état d'avancement des programmes sur le terrain auprès des populations locales et la non définition des modalités de collecte, stockage et de destruction des ALPC. Les capacités organisationnelles et dynamiques sont faibles. Par conséquent, les limites institutionnelles sont à renforcer au risque de ne pas pouvoir contrôler les flux d'ALPC. Aussi, existe-t-il des limites extra-normatives et institutionnelles.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein