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Le contrôle des armes légères et de petit calibre en afrique de l'ouest

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par Salamane YAMEOGO
Institut de Hautes Etudes Internationales et du Dévelppement (IHEID) - Master en Etudes du Développement 2009
  

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§II : LA PROLIFÉRATION DES ALPC, UNE MENACE POUR LE

DÉVELOPPEMENT

Les rapports entre l'armement et le développement impliquent de très longs développements théoriques. Pour certains auteurs comme John Maynard Keynes, repris par la production d'armement conjuguée avec l'augmentation des dépenses militaires sont des atouts favorables à un essor économique. L'idée défendue est que l'économie des armes permanente à travers les dépenses militaires exerce une influence positive sur les profits, la technologie capitaliste et la demande de travail (Fontanel et Guilhaudis 1986, 17-33 et Daloz 2001, 1-23). Cependant, John Kenneth Galbraith dans « Economie Hétérodoxe » (Galbraith 2007) en tant qu'économiste de la paix, invalide la théorie du militarisme excessif. C'est Jacques Fontanel qui résume la quintessence des arguments de Galbraith. Selon lui, dit-il « le secteur militaire illustre parfaitement le pouvoir des technostructures. Celles-ci sont partiellement autonomes échappant à tout contrôle démocratique. Le pouvoir militaire, dans les pays en développement, mais aussi dans les pays développés, est en contradiction avec la démocratie et le développement économique. Même si les dépenses militaires peuvent influencer positivement l'économie à court terme, à long terme, elles représentent un gaspillage qui entrave le développement économique des régions pauvres et favorise l'émergence de conflits sanglants qui ne profitent qu'à certains ». En conséquence, Galbraith plaide pour le désarmement et pour la réduction de l'aide militaire aux pays en développement. Il en va de même la Charte onusienne aux termes de l'article 26 : « Afin de favoriser l'établissement et le maintien de la paix et de la sécurité internationales en ne détournant vers les armements que le minimum des ressources humaines et économiques du monde, le Conseil de sécurité est chargé, avec l'assistance du Comité d'état-major prévu à l'article 47, d'élaborer des plans qui seront soumis aux Membres de l'Organisation en vue d'établir un système de réglementation des armements ». (Nations Unies 1945).

Peu importe les arguments, en Afrique de l'Ouest, il est de notoriété publique que la prolifération des ALPC porte un coup d'arrêt aux programmes de développement. Les menaces sont d'une part au niveau micro-économique et d'autre part, au niveau macro-économique.

Au plan micro-économique, la disponibilité des ALPC mine le développement micro-économique en incitant certains individus à investir, non dans l'éducation, mais bien dans le développement de leurs activités criminelles et combattantes. La disponibilité des armes fragmente, en outre, les réseaux sociaux préexistants étant donné que les personnes se sentent isolées et de plus réticentes à quitter leur logis. La disponibilité et l'utilisation largement répandues des ALPC perturbent la production agricole, les réseaux de transport et le trafic commercial (Muggah Berman 2001) et contribuent donc à des pénuries alimentaires prolongées, à la flambée des prix du marché et à la nécessité des programmes alimentaires d'urgence. Dans les Etats dits fragiles comme la Guinée Bissau, le Libéria, la Sierra Leone, la Guinée et la Côte d'Ivoire et presque les autres Etats d'Afrique de l'ouest, la violence et les conflits armés au moyen de ces armes, «  pèsent lourdement sur le bien-être économique et le développement régional. Dans cette sous-région, la plupart des victimes de la violence armée sont des hommes jeunes, qui représentent le potentiel économique le plus important. Les armes font plus de blessures non mortelles que de morts, mais ces blessures ont un coût qui pèse sur la productivité et les dépenses de santé et ce sont, dans la plupart des cas, les particuliers, les foyers et les communautés qui subissent ces coûts » (Kelli 2008, 10). Le foisonnement de ces armes crée un climat de peur, de manque de confiance et amoindrit l'essor économique. Cette situation, dit Kelli «  empêche les gens de faire des affaires ; elle freine le commerce et les investissements étrangers. La violence a des répercussions considérables sur le tourisme. Cela touche aussi les services publics : la prolifération des armes dans la sous-région gêne l'accès à des infrastructures et services essentiels comme les centres de soins, les écoles et les marchés. Il existe un lien très fort entre la violence par les armes et la dégradation des services publics. Les services gouvernementaux et les programmes d'aide doivent être réduits ou supprimés à cause de l'insécurité. Les taux de scolarisation et d'alphabétisation ont reculé, tout comme ceux de vaccination, tandis qu'augmentaient la mortalité infantile et maternelle. Au fil des années, cela représente une perte considérable du point de vue de la productivité et de la richesse. Ce sont des décennies de développement et de progrès qui sont annulées ». Par exemple, selon le Rapport Mondial sur le Développement Humain 2005, la violence armée, rurale ou routière empêche la production agricole et la réduction de la famine : les campagnes et les zones rurales ou règne l'insécurité sont désertées et les activités agricoles abandonnées. C'est le cas de la Casamance au Sénégal et de nombreuses régions en Cote d'Ivoire, au Liberia et en Sierra Leone. Elle limite aussi la commercialisation des produits agricoles et, par conséquent, l'augmentation du revenu monétaire des paysans, ce qui limite encore plus les progrès dans la lutte contre la pauvreté. Les analyses d'experts montrent, par exemple, que pendant la guerre civile en Sierra Leone, environ 500 000 familles agricoles ont été déplacées, la production de riz (la principale culture de base) à chute, au cours de la guerre civile de 1991 à 2000, à 20 % du niveau d'avant-guerre (PNUD 2005). En outre, la violence faite aux femmes et aux filles et aux jeunes gens compromet gravement la réalisation de l'Objectif 1 du Millénaire qui est la réduction de la pauvreté et de la faim d'ci 2015.

Au niveau macro-économique, comme le souligne le Rapport 2001 du Small Arms Servey, la prolifération des ALPC décourage non seulement les investissements étrangers et directs, mais aussi l'épargne interne, car les personnes perdent confiance dans les perspectives de croissance de leur pays. Le conflit, la criminalité et la violence conjugale, poursuit-il, hypothèquent également les perspectives de développement économique en affectant le taux de scolarisation et la productivité générale (Small Arms Servey 2001, 250). Par exemple, en Côte d'Ivoire, le domaine des enseignements a subit des difficultés depuis la guerre de 2002. Ainsi, le taux de scolarisation brut des enfants est passé de 10 % en 1960 à 73 % en 2002. Cependant avec la guerre, on observe la baisse du taux brut de scolarisation (de 73 % en 2002 on est passé à 69 % en 2008). Il y a également l'enrôlement des élèves dans la rébellion ; l'apparition des enfants soldats évalués à environ 4 000 par la Croix Rouge ; la déscolarisation massive (2 000 jeunes filles de 12 à 16 ans sont livrées à la prostitution dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire) et l'insuffisance du personnel de l'éducation dû à leur départ massif vers l'administration générale (Doumbia 2008).

Aussi, le climat d'insécurité crée t-il une situation de méfiance entre les acteurs étatiques et non étatiques favorise de nouveau la conservation ou l'achat d'armes. Ce qui crée des impacts indirects sur le développement. En effet, il y aura une réaffectation des ressources consacrées au bien-être ou au commerce vers l'expansion des forces de sécurité ou l'acquisition de services de sécurité privatisés. Pour aggraver encore la situation, tout gouvernement impliqué dans de tels conflits sera tenté d'accélérer l'exploitation de ressources disponibles - pétrole, minéraux, bois, afin de payer la facture des armes. Des groupes d'insurgés ou des seigneurs de guerre locaux, s'ils le peuvent, feront de même. Des programmes de développement sont détournés ou supprimés au profit des groupes criminels. Les situations de conflit armé et de violence sont non seulement inséparables au développement mais aussi liées à la pauvreté.

Dans leur étude « Les milliards manquants de l'Afrique : Les flux d'armes internationaux et le coût des conflits », Oxfam International, IANSA et Saferworld, ont évalué le coût économique des conflits armés pour le développement de l'Afrique. Pour ces organismes. « Environ 300 milliards de dollars ont été perdus, depuis 1990, en Algérie, en Angola, au Burundi, en République centrafricaine, au Tchad, en République démocratique du Congo (RDC), en République du Congo, en Côte d'Ivoire, au Djibouti, en Érythrée, en Éthiopie, au Ghana, en Guinée, en Guinée-Bissau, au Libéria, au Niger, au Nigeria, au Rwanda, au Sénégal, en Sierra Leone, en Afrique du Sud, au Soudan et en Ouganda ». Ce qui est paradoxale, c'est que la même étude montre que « Cette somme correspond à l'aide internationale des principaux donateurs au cours de cette même période ». Selon la recherche, les pertes de l'Afrique dues aux guerres, guerres civiles et insurrections s'élèvent à environ 18 milliards de dollars par an. Les conflits armés réduisent, en moyenne, l'économie africaine de 15%. Et ce chiffre est probablement sous-estimé. Les coûts réels de la violence armée seraient bien plus élevés. Les coûts proviennent de bon nombre de facteurs. Il y a les coûts directs évidents de la violence armée - coûts médicaux, dépenses militaires, destruction des infrastructures et soins apportés aux personnes déplacées - qui détournent l'argent utilisé à des fins plus productives. Les coûts indirects qui résultent d'opportunités perdues sont encore plus élevés. L'activité économique faiblit ou s'immobilise. Les revenus qui découlent des ressources naturelles de valeur finissent dans les poches d'individus, plutôt que de profiter au pays. Ce dernier souffre d'inflation, de dettes et de la diminution des investissements, tandis que les populations souffrent du chômage, du manque de services publics et de traumatismes. De plus en plus de personnes, en particulier des femmes et des enfants, meurent des conséquences des conflits, plutôt qu'à cause des conflits en eux-mêmes. Les recherches menées dans le cadre de ce rapport ont montré que le coût des conflits armés pour le développement de l'Afrique s'élève à 284 milliards de dollars depuis 1990 - un chiffre choquant. (Oxfam International, IANSA et Saferworld 2007). La circulation incontrôlée des armes prend en otage les plans de développement. Contrairement aux approches selon lesquelles le développement de l'armement rimerait avec essor économique, ici les armes, sans être directement contre le développement, sapent en tout cas les programmes de développement.

En somme, que ce soit au titre de la sécurité humaine qu'au titre du développement, le peu de contrôle des ALPC et leur emploi abusif sont néfastes pour la société. La prolifération des ALPC n'est pas seulement une question de sécurité ; c'est aussi une question de droits de l'homme et de développement. La prolifération des ALPC prolonge les conflits et les exacerbe. Elle met en danger les Casques bleus et les travailleurs humanitaires. Elle nuit au respect du droit international humanitaire. Elle menace les gouvernements légitimes mais peu solides et profite au terrorisme et à la criminalité organisée (Small Arms Servey 2001, 2). C'est donc à juste titre que la CEDEAO a mis sur pied des normes et des institutions afin de mieux contrôler les flux de ces engins de mort qui ne font que mettre en péril toute la région. Cependant que renferme l'architecture de ce cadre normatif et institutionnel ?

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld