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Les révisions constitutionnelles au Sénégal

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par Ibrahima DIALLO
Université Cheikh Anta Diop de Dakar -  Maitrise en droit public 2008
  

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II°) LES REVISIONS DE LA CONSTITUTION DU 22 JANVIER 2001 :

Au lendemain du scrutin présidentiel du 19 Mars 2000, une constitution de rupture est adoptée. Elle met un terme au régime constitutionnel antérieur et instaure un nouveau régime politique. Ce renouveau n'est cependant pas absolu car la constitution continue d'être modifiée au gré des contingences politiques. En effet l'inflation révisionniste qui avait affectée la constitution de 1963 est entrain d'atteindre celle du 22 janvier 2001 En témoigne les nombreuses réformes opérées à la veille des élections présidentielle et législative. Certaines d'entre elles avaient pour finalité la réélection du président sortant tandis d'autres prorogeaient le mandat des députés en raison de l'inopportunité politique des législatives pour les tenants du pouvoir.

Par ailleurs on note aussi des réformes relatives à la création à la suppression voire même à la réintroduction d'institutions ayant existé sous l'empire du régime socialiste

1°) La réélection du Président sortant :

En Afrique, il est de coutume que les candidats aux élections présidentielles, une fois au pouvoir , s'intéressent plus à leur réélection à la fin de leur mandat plutôt qu'à la satisfaction des préoccupations du titulaire de la souveraineté( le peuple dans le cas d'une souveraineté populaire, la nation en cas de souveraineté nationale).Ce qui les amène parfois à truquer les élections , à refuser de quitter le pouvoir à la suite d'une victoire d'un opposant ou parfois même en jouant des subtilités du droit tout en respectant les procédures légales et démocratiques.

Le Sénégal qui nous intéresse plus précisément ne fait pas exception à ces pratiques antidémocratiques en raison de ``l'instrumentalisation'' des mécanismes constitutionnels à des fins de maintien du pouvoir en place. Une illustration en est faite par les révisions constitutionnelles à la veille du scrutin présidentiel de 2007. En effet dans ce contexte préélectorale, une loi constitutionnelle ; celle n° 2006-37 du 15 novembre 2006 modifiant l'article 33 de la constitution de 2001 avait procédée à la suppression du quart bloquant et reconnu aux miliaires et paramilitaires le droit de suffrage.

S'agissant du quart bloquant, sa suppression était officiellement ainsi motivée : « la participation aux différents scrutins n'étant pas une obligation, l'exigence d'un quart des...inscrits communément appelé « quart » bloquant en plus de la majorité absolue des votants pour l'élection du président de la république au premier tour qui, au demeurant n'existe dans aucune grande démocratie, est de nature à fausser le jeu démocratique ».Cette argument en faveur de la suppression du quart bloquant est en déphasage avec la substance de celui-ci. En effet ce dernier a pour fondement le renforcement de la légitimité populaire du futur magistrat suprême de l'Etat, or dans une démocratie il y'a une coïncidence entre la légitimité populaire et la légalité constitutionnelle. Autrement dit il faut être élu par le peuple pour présider légalement à ses destinées ; ce qui inclut l'obtention d'une majorité. Il est dès lors contradictoire que le quart bloquant qui est destiné à conforter cette majorité aille à l'encontre du jeu démocratique.

En réalité les raisons qui militent en faveur de sa suppression ne se trouvent pas dans l'exposé des motifs de la loi constitutionnelle 2006-37.En effet, le contexte préélectorale dans lequel il a été supprimé, sur initiative de l'exécutif en accord avec sa majorité parlementaire, révélait déjà la crainte des tenants du pouvoir quant à la capacité de leur parti d'obtenir, en plus de la majorité absolue des suffrages ,le quart des électeurs inscrits pour la réélection de leur candidat au premier tour. Pour comprendre cette crainte, il faut partir du couplage des opérations d'instauration du fichier électorale nationale et de la confection des cartes d'identité nationale. Celui-ci avait versé dans les tablettes de la direction de l'automatisation des fichiers près de cinq millions d'individus24(*). Or il n'était pas évident que tous ces inscrits le soient pour voter, en plus de ceux qui allaient être dans l'impossibilité de voter en raison d'un casier judiciaire chargé ou pour cause de décès. C'est la raison pour laquelle le pouvoir avait préféré alléger les conditions requises pour être élu au premier tour afin de ne pas être contraint à un second tour.

En ce qui concerne le vote des militaires et paramilitaires à première vue sa consécration s'intègre dans le processus de démocratisation dans la mesure ou ceux qui en sont dépositaires sont des citoyens tout comme les civils. Au demeurant la réalité est différente. En effet suite à son accession au pouvoir le Président de la République avait accordé d'importants avantages aux militaires et paramilitaires consistant entre autres à la revalorisation de leurs rémunérations, à la promotion de nombreux généraux. Ce qui fait qu'il les considérait comme une source potentielle de renforcement de son électorat. C'est la raison pour laquelle le droit de vote leur fut octroyé à la veille du scrutin présidentiel de 2007. Néanmoins les craintes du parti au pouvoir ne se sont pas matérialisées car, même avec le maintien du quart bloquant, il aurait remporté les élections dès le premier tour compte tenu du taux de participation et de son résultat au scrutin présidentiel25(*). En somme qu'il s'agisse de la suppression du quart bloquant ou encore de la constitutionnalisation du vote des militaires, le fondement était le même : il était question de faciliter la réélection du Président sortant.

Par ailleurs dans ce contexte préélectoral marqué par un activisme juridique destiné à optimiser les chances de maintien au pouvoir, on peut noter une autre réforme toujours relative au régime de l'élection présidentielle. En effet le 19 février 2007 une autre loi constitutionnelle avait été promulguée, soit huit jours avant le scrutin présidentiel. Celle-ci était relative à l'article 34 de la constitution qui prévoyait qu'on reprenne l'organisation des élections en cas de retrait d'un candidat entre l'arrêt de publication la liste des candidats et le premier tour. La révision a consisté à rompre avec cette disposition pour permettre la poursuite des opérations électorales même en cas de retrait. Cette réforme était motivée par la prévention contre la mauvaise intention d'un candidat qui, par le jeu des retraits de candidature empêcherait définitivement la tenue des élections. Au demeurant il n'est pas superflu de rappeler le contexte politique dans lequel cette réforme fut opérée pour l'appréhendée. En effet avant la révision de l'article 34, on avait assisté à une série de rencontres entre le chef de l'Etat et son ex premier ministre, lesquelles présageaient une réconciliation entre les deux hommes. Or, le premier ministre avait déjà déposé sa candidature pour l'élection présidentielle en vue. Ce qui fait le retrait de sa candidature, en vertu de l'article 34 allait entraîner une reprise de l'organisation du scrutin. Pour permettre à l'ex premier ministre de retirer sa candidature sans pour autant repousser les élections, il était nécessaire de revoir le contenu de l'article 34 ; d'où la loi constitutionnelle du n°2007-19 du 19 février 2007.Néanmois ce dernier avait maintenu sa candidature et était arrivé en deuxième position à l'issue du scrutin.

En conclusion, on peut dire que le souci de se maintenir au pouvoir a été déterminant dans les nombreuses révisions constitutionnelles opérées à la veille de l'élection présidentielle. Il en est de même avec les élections législatives

* 24 Madior Fall « suppression du quart bloquant : de la portion congrue à la portion magique », sud quotidien mardi 19 septembre 2006

* 25Assane Tham « une constitution ça se révise » Relativisme constitutionnel et Etat de droit au Sénégal, politique africaine n°108, décembre 2007 : « Abdoulaye Wade a été élu au premier tour des élections du 25 février 2007 avec 55,9% des suffrages. Le taux de participation ayant été élevé (70,6%) »

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