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Les révisions constitutionnelles au Sénégal

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par Ibrahima DIALLO
Université Cheikh Anta Diop de Dakar -  Maitrise en droit public 2008
  

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2°) La prorogation du mandat des députés :

A la veille des élections législatives, une révision constitutionnelle est faite pour proroger le mandat des députés et organiser le couplage des élections législatives et présidentielle qui devaient se tenir respectivement en 2006 et en 2007.Ce fut l'objet de la loi constitutionnelle n°2006-11 du 20 juin 2006. A la lecture de l'exposé des motifs, la réforme était justifiée par le souci de faire face aux dégâts causés par les pluies diluviennes en procurant des abris provisoires aux sinistrés et en finançant le plan « Jaxaay » du chef de l'Etat pour reloger les sinistrés et en même temps éradiquer les bidonvilles autour de la capitale. A cet effet la somme de 45 milliards représentant les ¾ des 60 milliards destinés à la décentralisation des fêtes de l'indépendance ainsi que les 7 milliards prévus pour l'organisation des législatives étaient visés. Il était question également d'éviter deux années de campagne électorale par le couplage des deux scrutins. Pour y parvenir, l'article unique de la loi de révision dispose : « Par dérogation à l'alinéa premier de l'article 60 de la constitution, le mandat des députés élus à l'issue des élections du 29 Avril 2001 est prorogé pour être renouvelé le même jour que l'élection présidentielle en 2007 »26(*). Cette révision connaît deux limites tenant à ses motifs et à son contenu.

S'agissant du fondement de la réforme en dépit de la nécessité de venir en aide aux sinistrés, l'utilisation des recettes allouées aux législatives ne se justifiait guère pour deux raisons. La première est d'ordre financière. En effet dans le budget annuel de l'Etat, il est toujours prévu une catégorie de ressource pour faire face à des dépenses imprévues que l'Etat aurait dû utiliser au lieu de celles prévues pour les législatives. Au cas où ces recettes seraient épuisées et c'est là la deuxième raison, il serait plus judicieux pour un Etat qui se réclame de la démocratie d'utiliser la somme restante des fonds alloués à la décentralisation des fêtes de l'indépendance et préserver celles allouées à l'organisation des élections afin de respecter le calendrier électorale.

Concernant le contenu de l'article unique de la loi constitutionnelle, il faut souligner qu'il n'est pas conforme à l'orthodoxie constitutionnelle. Par définition une constitution est destinée à contenir des principes et règles d'ordre général et non pas des situations particulières. Elle doit régir le structurel et non le conjoncturel. En conséquence cette loi qui s'intéresse à une situation éminemment conjoncturelle ne devrait pas intégrer le corpus constitutionnel. Cette vision n'est pas partagée par le juge constitutionnel, qui, à la suite du recours intenté par l'opposition considère  « ...que le pouvoir constituant est souverain, que sous réserve d'une part des limitations qui résultent des articles 39,40et 52 du texte constitutionnel touchant aux périodes au cours desquelles une révision de la constitution ne peut être engagée ou poursuivie et, d'autre part, du respect des prescriptions de l'alinéa 7 de l'article 103 en vertu desquelles la forme républicaine de l'Etat ne peut faire l'objet d'une révision, il peut abroger,modifier ou compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu'il estime appropriée et introduire explicitement ou implicitement dans le texte de la constitution des dispositions nouvelles qui,dans le cas qu'elles visent, dérogent des règles ou principes de valeur constitutionnelle, que cette dérogation soit transitoire ou définitive »27(*). A travers cette décision, le juge constitutionnel considère qu'il n y a de limite au pouvoir constituant dérivé que la forme républicaine de l'Etat et en cas de suppléance du Président de la République ou d'exercice des pouvoirs exceptionnels. Cela étant les tenants du pouvoir peuvent, en ce qui concerne leur mandat, effectuer une révision constitutionnelle pour procéder à sa prorogation sans que cela soit irrégulier sur le plan juridique dès lors qu'ils respectent la procédure décrite par l'article103 de la constitution. En rendant une telle décision le juge constitutionnel contribue à la remise en cause d'un des piliers de la démocratie à savoir l'élection. Ce faisant il faillit à sa fonction de protecteur des principes de la démocratie face aux dérives du pouvoir. Sa décision avalise un précédent dangereux dans un pays africain où la démocratie demeure fragile et réversible. L'absence de barrière juridique quant au pouvoir de proroger le mandat par le biais d'une révision constitutionnelle va conduire à une seconde prorogation à la suite de la décision du conseil d'Etat du 12 janvier 2007 annulant le décret de répartition des sièges des députés. Ce fut l'objet de la loi constitutionnelle n°2007-21 du 19 février 2007.

L'attitude du juge constitutionnel sénégalais, est en déphasage avec celle de son homologue béninois qui, confronté à la même situation, s'est constitué en un véritable rempart contre les dérives du pouvoir politique.

En effet au Bénin les députés avaient prétexté d'une nécessaire rationalisation des finances publiques pour proroger leur mandat. Le juge constitutionnelle, saisi de cette affaire, pour préserver les principes de la démocratie considéra que le mandat :   «( ...) de 4 ans qui est une situation constitutionnellement établie est le résultat du consensus national dégagé par la conférence des forces vives de la nation de février 1990 et consacré par la constitution en son préambule qui réaffirme l'opposition fondamentale du peuple béninois à la confiscation du pouvoir que même si la constitution a prévu les modalités de sa propre révision, la détermination du peuple béninois à créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, la sauvegarde de la sécurité juridique et de la cohésion nationale commandent que toute révision tienne compte des idéaux qui ont présidé à l'adoption de la constitution du 11 décembre 1990 et puis le consensus national principe à valeur constitutionnelle. Qu'en conséquence ; les articles 1 et 2 de la loi portant révision de la constitution n°2006 /13 adoptés par l'Assemblée nationale le 23 juin 2006 sans respecter le principe constitutionnel à valeur rappelée sont contraires à la constitution et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens »28(*).

Avec cette décision, le juge béninois avait tenu son rôle de gardien de la constitution au nom du consensus national en refusant que le pouvoir soit confisqué par les députés. Ce ne fut pas le cas du juge constitutionnel sénégalais qui privilégie les intérêts du pouvoir sur le consens national en lui permettant indirectement d'apprécier l'opportunité d'un report des élections en se déclarant incompétent pour connaître de la constitutionnalité des lois de révisons. Cela va permettre au pouvoir de reporter une seconde fois les élections législatives à la suite de la décision du conseil d'Etat annulant le décret de répartition des sièges des députés29(*).Ce second report fut l'objet de la loi constitutionnelle n°2007-21 du 19 février 2007 qui considérait que « la tenue des élections législatives n'est plus possible dans les délais prévus par l'article L 168 du code électoral qui fait obligation aux déclarations de candidatures d'être déposées soixante jours avant la date du scrutin » compte tenu de la décision du conseil d'Etat.

La conséquence de cette révision fut le découplage des élections qui, auparavant devaient se tenir à la même date, ce qui avait entraîné une seconde prorogation du mandat des députés.

En somme on aura constaté dans ce contexte électoral une fréquence de révisions à des fins de préservation du pouvoir sans que la juridiction constitutionnelle ait joué son rôle de régulateur de la vie politique en préservant la constitution des dérives du pouvoir.

Ces dernières vont par ailleurs entraîner une instabilité institutionnelle compte tenu de la fréquence des création et suppression d'institutions

En effet la dynamique révisionniste que connaît la constitution de 2001 n'est pas spécifique aux règles du jeu démocratique. Certes celles-ci ont été largement secouées, il n'en demeure pas moins que les institutions républicaines sont également concernées. Dans ce sens le premier objet des révisions constitutionnelles fut le conseil de la République pour les affaires économiques et sociales. Plutard pour renouer avec le bicaméralisme, le Sénat est réintroduit. Aujourd'hui, il est question d'un retour de la cour suprême.

* 26 Loi n°2006-11 du 20 juin 2006, JORS n°6260 du 20 janvier 2006

* 27 Conseil constitutionnel du Sénégal, décision n°3/2005 du 18 janvier 2006

* 28 Cour constitutionnelle béninoise, DCC 2006-74, www.sonagnon.net

* 29 Décret du 8 décembre 2006 :celui-ci donnait à des départements moins peuplés plus de sièges que des départements plus peuplés violant ainsi l'article L 143 du code électoral qui prévoyait la prise en compte de « l'importance démographique ». Exemple le département de Podor avait deux sièges, celui de saint -louis trois alors que le premier compte 343346 habitants contrairement au second n'en compte que 231228.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams