Conclusion chapitre II
Plusieurs autorités sont concernées par la
juridiction et la prise en charge de la Saône à Lyon au
XVIe siècle. Tout d'abord, l'archevêque et les
chanoinescomtes de Lyon, seigneurs temporels de la ville, disposent de la
juridiction fluviale depuis le Moyen Age. Cependant, une suspension de ce
pouvoir pendant la première moitié du XVIe
siècle est à noter, à l'avantage des rois de France. En
effet, les souverains cherchent à affermir leur pouvoir sur la
Saône ; quoiqu'il en soit, comme c'est une rivière navigable, elle
est dans leur giron. A cela s'ajoute le consulat lyonnais, qui gère
toutes les affaires courantes et communes de la ville, et
particulièrement la voirie. Les prérogatives de ces
différents pouvoirs, pourtant identifiables, ne sont pas
cloisonnées ; l'affaire autour de la reconstruction de la maison de
Françoise de Pierrevive met au jour des conflits d'autorités
sous-jacents qui peuvent entraîner facilement des différends entre
les acteurs de la juridiction de la Saône.
Conclusion de la première partie
Les juridictions qui s'exercent sur les cours d'eau peuvent
être détenues par différentes autorités et de
manières diverses. Eric Rieth explique d'ailleurs qu'il existe, pendant
le Moyen Age et l'Ancien Régime, « un contrôle des fleuves et
des rivières de nature locale, régionale, nationale d'une part,
et d'ordre administratif, juridique, économique, politique, d'autre part
»67. Au niveau national, nous l'avons montré, le roi
détient les droits régaliens sur les cours d'eau navigables du
royaume. Il exerce son pouvoir par l'intermédiaire d'une administration,
les Eaux et Forêts, dont il tente d'améliorer l'efficacité
et le champ d'action au cours du XVIe siècle.
La maîtrise des Eaux et Forêts ne semble que peu
intervenir, voire pas du tout, dans la juridiction de la Saône à
Lyon. Celle-ci relève de l'autorité des comtes de Lyon,
c'est-à-dire de l'archevêque et du chapitre Saint-Jean, même
si les rois de France tentent de s'en saisir. Cela n'est pas aisé car
même si les seigneurs de Lyon reconnaissent le pouvoir des rois sur les
rivières navigables, ils légitiment leur juridiction par son
ancienneté et la conservent pendant l'Ancien Régime.
Les comtes de Lyon disposent, en théorie, de
l'essentiel des droits sur la Saône. Cependant, le consulat, qui
détient le pouvoir municipal, est en charge de la gestion quotidienne et
particulièrement, de la voirie. Ainsi, plusieurs autorités
interagissent dans la gestion de la Saône à Lyon, ce qui n'est pas
une particularité ni de cette ville, ni de l'administration des cours
d'eau, puisque « l'entrecroisement des institutions et des fonctions
semble avoir été un caractère ordinaire
»68 des villes sous l'Ancien Régime.
67 RIETH, Eric, Des bateaux et des fleuves,
Archéologie de la batellerie du Néolitique aux Temps modernes en
France, Paris, Editions Errance, collection des Hespérides, 1998,
page 17.
68 ZELLER, Olivier, "La ville moderne", in
PINOL, Jean-Luc (dir.), Histoire de l'Europe urbaine, de
l'Antiquité au XVIIIe siècle, tome 1, Paris,
Editions du Seuil, Collection L'Univers historique, 2003, page 856.
Deuxième partie : Représentations et usages de
la Saône à Lyon
La rivière de Saône, plus qu'un enjeu
juridictionnel, est un espace au coeur de la ville de Lyon. C'est à la
fois un lieu d'activités mais c'est aussi un élément
naturel, avec tous les avantages et les risques impliqués par ce
qualificatif. Il s'agit d'étudier le rapport entre une communauté
urbaine et la rivière qu'elle côtoie. Cela implique de
caractériser les usages de la Saône par les Lyonnais ainsi que de
s'intéresser à l'importance de la rivière pour la ville.
De plus, il est important de déterminer les avantages et les
inconvénients de la présence d'une rivière dans un espace
urbain c'est-à-dire, la façon dont les riverains et les
autorités tirent profit des ressources et des possibilités
qu'elle offre mais aussi comment ils s'adaptent aux difficultés que la
présence d'un cours d'eau implique.
Afin d'appréhender cette relation particulière
entre une ville et ses habitants d'une part et une rivière d'autre part,
nous tenterons, dans un premier temps, d'esquisser la perception de cette
rivière en nous intéressant particulièrement à son
caractère propre, c'est-à-dire naturel, et donc à la
conscience et à la prévention des risques intrinsèques
à sa présence, dans un espace dans lequel l'homme s'est
installé. Puis nous nous intéresserons aux activités et
aux usages de la Saône à Lyon. Il s'agira donc d'analyser à
quel point la rivière est au coeur de la vie de ses riverains lyonnais
et de décrire les usages principaux qui en sont fait. Tout au long de
cette présentation, la prise en charge politique constituera l'enjeu
principal puisque après avoir défini, dans la première
partie, les autorités qui sont impliquées dans la juridiction de
la Saône, il s'agira de se pencher sur la gestion concrète et sur
ses implications.
|