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Lyon et la Saône au XVIe siècle

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par Katherine DANA
Université Jean Moulin - Lyon III - Maitrise 2009
  

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Chapitre III : Perception et gestion des risques

L'intérêt de ce chapitre est de déterminer la représentation de la Saône en tant que rivière c'est-à-dire la Saône comme élément naturel, potentiellement imprévisible, dans un cadre urbain organisé et maîtrisé. Il s'agit donc de s'intéresser à la perception de la rivière par les auteurs mais surtout par les individus, particuliers comme autorités, qui la côtoient. Pour cela, nous nous pencherons, dans un premier temps, sur les descriptions de la Saône, puis nous présenterons les risques qui résultent de sa présence pour la ville de Lyon et la façon dont ils sont perçus. Enfin, nous nous pencherons sur la question de la pollution de cette rivière, qui révèle des usages mais aussi une certaine vision de l'eau, ainsi que sur le rôle des autorités dans ces questions.

A. Une rivière paisible

La mention de la rivière de Saône est un élément fondamental de toute présentation de la ville de Lyon. En effet, la ville est systématiquement associée à cette rivière autour de laquelle elle s'est peu à peu construite, depuis l'Antiquité. La Saône traverse la ville de Lyon en son milieu à la période moderne c'est-à-dire avant que le site urbain ne s'étende également à la rive gauche du Rhône. En effet, l'actuel quartier de la Guillotière, qui existait déjà au XVIe siècle, n'était qu'un faubourg de la ville, très peu peuplé, qui ne sera intégré au royaume de France qu'après le Traité de Lyon en 1601, et à l'espace urbain plus tardivement. La rivière

de Saône, au XVIe

siècle, est donc au

coeur de la ville de

Lyon comme cela

est figuré sur le

plan ci-contre,

réalisé vers 1564

par Antoine du

Pinet1. C'est une

rivière familière

pour ses riverains puisqu'il la côtoie quotidiennement. L'installation progressive de la ville sur les deux berges de ce cours d'eau révèle son caractère urbain, dans les différents sens du terme. D'ailleurs, « il est symptomatique que tous les premiers établissements humains se sont succédés sur ses rives »2. Ainsi, le choix antique d'installer des habitats au bord de la Saône, au détriment du Rhône pourtant tout proche, semble être révélateur d'une certaine crainte de ce dernier ou, à l'inverse mais de façon logique, la marque d'une perception plus sereine de la Saône.

1 DU PINET, Antoine, « Plantz, pourtraictz et descriptions de plusieurs villes et forteresses... », Lyon, Jean d'Ogerolles, 1564, tiré de KRUMENACKER, Yves (dir.), Lyon 1562 capitale protestante, Lyon, Editions Olivétan, 2009, page 261.

2 DELLUS, Jean, FREBAULT, Jean, RIVET, Martine, «Lyon, ville fluviale», in La ville et le fleuve, actes du colloque de Lyon (avril 1987), Paris, Editions du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 1989, page 38.

Ces deux cours d'eau, profondément liés à l'histoire de Lyon, sont souvent comparés par les auteurs. En effet, la Saône et le Rhône, généralement décrits de paire, sont présentés comme complémentaires, justement en raison de leurs caractères si différents. Tout d'abord, ces cours d'eau sont souvent assimilés aux deux constituantes d'un couple amoureux. La Saône est régulièrement présentée allégoriquement comme une femme en raison de la douceur de son courant et le Rhône comme son amant. En 1537, Clément Marot les décrit ainsi : « La Saône et son mignon / Le Rhosne qui court de vistesse »3. La confluence des deux fleuves est alors assimilée à une union. Celle-ci est, en général, présentée comme dominée par le puissant fleuve du Rhône, que Charles Fontaine présente comme « courant d'une forte alaine : /Afin que d'un brave et beau train / Saone son amie il emmeine »4. Dans ces deux descriptions, la puissance du Rhône est mise en exergue et implique, par conséquent, une moindre intensité du cours de la Saône.

Des l'Antiquité, les descriptions de ces deux cours d'eau insistent sur leurs oppositions. Par exemple, selon René Choppin, l'auteur latin Tibulle les qualifie ainsi : « Mitis Arar5, Rhodanusque celer »6. Il présente donc la Saône comme une rivière « calme, tranquille »7, à l'opposé du fleuve « rapide » qu'est le Rhône. François de Belleforest, auteur du XVIe siècle, confirme cette description puisque selon lui, « la Saone coule doucement, et le Rhosne est tout ravageant, enflé et tourbilloneux »8. Le procédé de comparaison employé par ces auteurs peut sembler exagérer les différences entre ces deux cours d'eau, néanmoins, il est certain que la perception de ceux-ci est nettement définie et que la Saône est perçue comme une rivière beaucoup moins tumultueuse que le fleuve voisin. D'ailleurs, l'absence de moulins sur cette rivière alors qu'ils sont nombreux sur le Rhône9 est un indice

3 Extrait d'un poème de Clément Marot, cité dans GARDES, Gilbert, Le voyage de Lyon, Lyon, Editions Horvath, 1993, page 90.

4 FONTAINE, Charles, Ode de l'antiquité et excellence de la ville de Lyon, Lyon, Société des bibliophiles lyonnais, 1890 (1e éd. en 1557), pages 12 et 13.

5 Nom de la rivière de Saône durant l'Antiquité.

6 Citation extraite de CHOPPIN, René, Trois livres du domaine de la couronne, Paris, Michel Sonnius, 1613, page 169.

7 GAFFIOT, Félix, Dictionnaire Latin-Français, Paris, Editions Hachette, 2001, page 464, définition de mitis, e.

8 BELLEFOREST, François (de), De l'effroyable et merveilleux desbord de la rivière du Rhosne en 1570, Lyon, J. Nigon (imprimeur), 1848 (ouvrage de 1570), page 3.

9 Cela est précisé dans le chapitre IV, B.

supplémentaire de la vision de ces cours d'eau par les contemporains mais aussi de leur débit constaté.

Si l'on s'écarte de ces présentations comparatives des fleuves qui passent à Lyon pour se restreindre aux seules descriptions de la Saône, les auteurs sont également unanimes au sujet du caractère apaisé de cette dernière. Encore une fois, un auteur antique nous permet de commencer cette présentation. Il s'agit de Jules César, qui a écrit à propos de la Saône que « son cours est d'une incroyable lenteur, au point que l'oeil ne peut juger du sens du courant »10. Cette affirmation, quoique exagérée et lapidaire, qualifie le cours de la Saône d'une lenteur et d'une tranquillité indéniables. Nicolas de Nicolay, qui réalise une description de Lyon et sa région au début des années 1570, confirme cette présentation, mais de façon plus mesurée, puisqu'il considère que la Saône « est fleuve tres doux et lent »11.

Une anecdote de F. Vinchant confère même à cette rivière, sur le ton de l'humour, des qualités de guérison du fait de sa lenteur. En effet, il raconte qu'en 1589, Guillaume Michel, un individu souffrant de la goutte, se fait conduire à l'Ile Barbe, au nord de Lyon, afin d'obtenir une guérison. Au retour, la barque, menée par une batelière ivre et suite à une collision avec le pont de Saône, se renversa. Le malade « se sentant en l'eau, donna si bien des pieds et des mains qu'il estendit ses membres et se délivra de l'eau et de la goutte »12. L'auteur précise au préalable que « ce fleuve coule bien paisiblement et si doucement qu'il peut rendre garison aux goutteux ». Quelle que soit la valeur de ce récit et le ton sur lequel il semble être raconté, il confirme à nouveau que la Saône est perçue depuis l'Antiquité, et en ce qui nous concerne au début de la période moderne, comme une rivière calme et paisible.

Ainsi, les propos des auteurs, antiques comme modernes, concordent et leur vision unanime de la rivière de Saône révèlent donc une perception favorable de celle-ci. Cependant, cette perception n'est pas forcément représentative et la vision qu'ont les riverains de ce cours d'eau n'est pas aisée à déterminer. Il est tout de

10 CESAR, Jules, La Guerre des Gaules, 1937, livre premier, XII, cité dans GARDES, Gilbert, Le voyage~ op. cit., page 194.

11 NICOLAY, Nicolas (de), Généralle description de l'antique et célèbre cité de Lyon, du païs de Lyonnois et du Beaujolloys selon l'assiette, limites et confins d'iceux païs, Lyon, Société de Topographie historique de Lyon, 1881 (édition de l'ouvrage manuscrit de 1573), page 214.

12 Citation tirée de GARDES, Le voyage~, op. cit., page 194.

même possible de supposer que la présence de maisons tout au long de la rive droite de la Saône, de façon presque continue, ainsi que sur la rive gauche dans une moindre mesure13, montre que la Saône ne représente pas une menace importante.

Ces maisons « plantées dans l'eau »14, dont une partie est représentée sur

l'image ci-dessous15, sont caractéristiques des rives de la Saône dans le cadre de la

ville de Lyon. A l'inverse, les maisons au bord du Rhône ne sont pas accolées à la

berge, ou seulement de façon sporadique, et la rive droite du Rhône n'est bordée en

certains points que par des remparts. Ainsi, il semble possible d'affirmer que la rivière de Saône, tant par les auteurs, que par les riverains, est perçue comme un cours d'eau calme et paisible. D'ailleurs, l'on sait aujourd'hui que le débit moyen de la Saône est beaucoup

moins élevé que celui de Rhône : 250 m3 pour la rivière alors que 650 m3 pour le

fleuve16. Il semble donc logique qu'il existe une forte différence de perception de

ces cours d'eau et que la Saône est considérée comme une rivière au cours

favorable.

Le régime de la Saône a été étudié par des géographes, notamment par Laurent Astrade. Ce dernier, dans un article qu'il consacre aux débordements de cette rivière17, explique que les crues de la Saône sont nombreuses et très fréquentes. Cependant, la plupart de ces débordements se concentre en amont de

13 Cependant, dans la partie nord de la ville, la rive gauche semble comporter un chemin de halage qui empêche la présence d'édifices au bord de l'eau.

14 LABASSE, Jean, «Réflexion d'un géographe sur le couple ville-fleuve», in La ville et le fleuve, actes du colloque de Lyon (avril 1987), Paris, Editions du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 1989, page 15.

15 CHAMPDOR, Albert (introduction), Plan scénographique de la ville de Lyon au XVIe siècle, Trévoux, Editions de Trévoux, 1981, extrait de la planche XIII.

16 GARDES, Gilbert, Lyon, l'art et la ville, Paris, Editions du CNRS, 1988, page 17.

17 ASTRADE, Laurent, "Les crues et les inondations de la Saône", in La Saône, axe de civilisation, Actes du colloque de Mâcon (2001), Presses universitaires de Lyon, 2002, pages 157 à 171.

Lyon ou, en ce qui concerne les crues dites « méditerranéennes », elles sont en aval de cette ville. Ainsi, la ville de Lyon semble plutôt épargnée par ces phénomènes ; ce qui explique en partie la perception de la Saône comme une rivière paisible. A cela s'ajoute bien sûr la comparaison avec le Rhône, fleuve puissant, qui permet de rendre la Saône d'autant plus familière pour les Lyonnais. Cependant, les dangers de la présence d'une rivière, même s'ils peuvent sembler lointains, font partie des aléas climatiques que la ville de Lyon peut ponctuellement subir.

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