De mauvais diagnostics : une approche du
probl»me alimentaire mondial incohérente
Difficulté à mesurer la faim
Le bilan de la faim dans le monde est catastrophique, ce sont
les chiffres qui le montrent. Néanmoins, ces chiffres que les
institutions internationales diffusent ne sont que des approximations.
Le nombre de malnutris varient selon les institutions entre
950 millions et plus d'1 milliard dans le monde en 2009. Une différence
non négligeable lorsque l'on regarde de plus prés et que l'on
aper»oit que ce sont des hommes, des femmes et des enfants dont l'on
parle.
Selon Sylvie Brunel, cette différence est «
une marge d'erreur considérable liée au fait que personne
n'est en réalité en mesure de déterminer l'ampleur exacte
de la faim19.»
Il faudrait pour cela conna»tre la population exacte de
chaque pays, la production totale d'aliments et pas uniquement de
céréales de ce pays, le niveau d'échanges avec
l'extérieur, les habitudes de consommations des familles et la
répartition exacte de la nourriture au sein des familles. Selon
l'auteur, seules les enquetes locales de consommations
réalisées à l'intérieur des familles sur une
durée suffisamment longue peuvent permettre d'appréhender
l'ampleur de la malnutrition chronique.
Et actuellement, seule l'unité VAM du Programme
alimentaire mondial, qui effectue des évaluations d'analyse et de
cartographie de vulnérabilité afin de mieux
19 Sylvie Brunel, Nourrir le monde, Larousse
2009, p.46.
comprendre la nature de l'insécurité alimentaire et
des risques pesant sur les moyens de subsistance des populations est reconnue
comme fiable20.
En 2008, Jean Ziegler21 chiffre à 12
millions le nombre de déc»s annuels d'enfants de moins de cinq ans,
en estimant que la moitié d'entre eux sont dus directement ou
indirectement à la malnutrition, alors que l'UNICEF22 chiffre
ce même nombre à 5 millions et l'OMS23 à 1
million.
Qui croire? Un rapporteur indépendant ou des
institutions produisant des chiffres pour souligner leur utilité et
« justifier un catastrophisme de principe susceptible de leur
permettre de reconduire leur budget24.»
Les chiffres de la faim et de l'insécurité
alimentaire sont souvent l'objet de manipulations techniques. Ils sont sujets
à des modifications de typologies, à des variations des seuils et
échelles, à des calculs d'indicateurs dans le but de renforcer ou
limiter l'ampleur statistique et spatiale d'un phénom»ne
précis25. Et ainsi servant les intérêts des ONG
et des agences internationales justifiant leurs actions et leur budget.
Pour pouvoir agir correctement, là oü le besoin s'en
ressent, des outils et une base de données communes sont essentiels pour
évaluer les param»tres de la faim.
Les institutions internationales doivent se donner les moyens de
travailler ensemble et suivre les recommandations du rapporteur spécial
sur le droit à l'alimentation.
20 L'unité du VAM utilise toutes une
série d'outils technologiques et de méthodes analytiques : images
transmises par satellite, analyse spatiale, suivi des prix des denrées
alimentaires sur les marchés locaux, enquêtes approfondies
aupr»s des ménages et discussions avec les ménages pauvres
en situations d'insécurité alimentaire.
21 Rapporteur spécial pour le droit à
l'alimentation du Conseil des droits de l'Homme de l'Organisation des
Nations-Unies de 2000 à 2008.
22 Fond des Nations-Unies pour l'enfance.
23 Organisation Mondiale de la Santé.
24 Op.cit. Sylvie Brunel, Nourrir le monde,
Larousse, 2009, p.48.
25 Pierre Janin, « Le soleil des
indépendance [alimentaire] ou la mise en sc»ne de la lutte contre
la faim au Mali et au Sénégal.», Hérodote, n 131, 4e
trimestre 2008.
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