C/ Etudes de cas
Lors de ce stage il m'a été permis de
réaliser des prises en charges. Nous présentons ici deux
études de cas.
1/ Anna
a)- Le comportement général d'Anna a
motivé son indication en art-thérapie
Les raisons suivantes ont été
évoquées par l'équipe lors de la décision
d'orientation d'Anna vers une prise en charge en art-thérapie.
Selon le personnel :
Anna est qualifiée, personnalité narcissique. Elle
se plaint de façon fréquente et répétitive.
Notamment au sujet des incapacités de l'équipe de soin. .
Agressive, son comportement vis a vis de l'équipe est
ponctué de réflexions voir d'insultes. En constante opposition,
la résidente refuse que le ménage soit fait dans sa chambre et
est très peu coopérative lors des soins médicaux ou
hygiéniques que l'équipe lui procure.
Accumulant divers objets, son environnement est en
désordre constant.
En plus de sa réticence de contact avec l'équipe,
Anna refuse de prendre ses repas en salle à manger et ne participe
à aucune animation, s'isolant de plus en plus chaque jour.
b)- La prise en connaissance de l'Etat de base d'ANNA nous
permet de mieux comprendre les difficultés qu'elle rencontre
L'anamnèse d'ANNA nous renseigne sur son passé :
Anna est née en 1916 en Espagne, et vit en France depuis
l'âge de 7 ans.
D'abord veuve de guerre, elle est aujourd'hui également
veuve de son second mariage. Mère, elle garde contact avec son fils avec
lequel les relations sont difficiles.
Anna a connu une vie professionnelle très active,
coiffeuse esthéticienne et gérante de plusieurs
établissements. Issue d'un tissu social aisé, Anna a
été habituée à un certain confort de vie et a
souvent eu du personnel à son service.
Son entrée en institution date du mois d'Aout 2006.
Anna présente des polypathologies :
Anna est atteinte d'une arthrose généralisée
des membres inférieurs (OMI), mais souffre également de lourds
problèmes cardiaques , une hypertension artérielle et une
décompensation cardiaque ont nécessité la
pose d'une prothèse aortique Un oedème des membres inferieurs et
une maladie d'Hashimoto (hyperthyroïdie) viennent compléter ses
atteintes physiopathologiques.
Ces atteintes nécessitent la prise d'un traitement
médical régulier pouvant avoir un impact sur la prise en charge
de par les effets secondaires de certains médicaments.
c)- Portons un regard sur les pénalités
d'Anna
La détérioration physique ainsi que la perte
d'autonomie et d'indépendance liées au placement en institution
ont provoqué chez Anna une baisse de l'estime de soi.
Sa désocialisation impacte sur sa perte du sentiment
d'identité et impacte sur sa qualité de vie. Physiquement l'OMI
empêche la patiente de se déplacer sans un accompagnement
personnel ou une canne. Les déficiences cardiaques influent sur ses
capacités respiratoires ainsi sa voix est fatigable et son souffle
devient court lors d'échanges verbaux prolongés.
Son expression verbale est cependant compréhensible et la
patiente s'exprime clairement.
d)- La revalorisation de l'estime de soi constitue l'objectif
général de la prise en charge, le projet est organisé en
vue de cet objectif.
Objectif général :
Suite à des séances de rencontre, la prise en
charge en art-thérapie a été axée autour d'un
objectif principal : la restauration de l'estime de soi.
A partir de cet objectif général sont
également impliquées les notions de confiance en soi, d'image
corporelle et de relation sociale et constituent des objectifs
intermédiaires inévitables.
Objectifs intermédiaires :
Des objectifs intermédiaires ont été
fixé afin de permettre un cheminement progressif de la prise en charge.
Et, ils joueront le rôle de tremplin vers l'objectif
général.
- Etablir une relation de confiance avec l'art
thérapeute.
- Retrouver du plaisir dans l'activité
- Permettre la mise en oeuvre des capacités
méconnues et/ou oubliées
Enfin, un objectif intermédiaire a également
été fixé à la demande de l'équipe : -La
prise des repas en salle à manger
La méthode est élaborée en fonction des
objectifs thérapeutiques fixés.
Dans un premier temps la méthode envisagée pour la
prise en charge d'Anna sera de stimuler ses capacités oubliées
.Cette approche se fera premièrement par le biais de la stimulation
sensorielle, en lui proposant de feuilleter des magazines de mode et de
coiffure.
Puis il s'agira de l'emmener a témoigner de ses
capacité par des traces graphiques, en lui proposant de réaliser
des fiches de conseils de mode, associant l'écriture, le collage..
Enfin, la démarche se poursuivra dans l'objectif d'emmener
la patiente à réaliser des fiches pour certains membres du
personnel et/ou résidents dans un souci de resocialisation.
Le projet imaginé pour Anna est à dominante art
plastique, avec les phénomènes associés pliage, collage,
sur divers supports.
Les moyens utilisés se basent en premier lieu sur une
dynamique de présence aux séances, en favorisant le contact, la
relation et l'écoute avec l'art-thérapeute.
Suivi par un temps de stimulation sensorielle par le biais des
magazines, ou il s'agira de permettre à Anna de redécouvrir ses
capacités et connaissances, lui permettant de trouver du plaisir dans
l'activité.
Enfin, à partir de cette base de travail sera
associé le travail plastique dans une phase dynamique active, par la
réalisation de fiche conseil.
e)- Les réticences d'Anna et son traitement
médical ont motivé la décision de séance en
chambre
Le comportement agressif envers l'équipe et son refus de
côtoyer les autres résidents constituent les premières
raisons de décision de prise en charge en chambre. Si l'un des objectifs
est bien de resocialiser Anna, la pousser brusquement à sortir de sa
chambre pour aller à la rencontre d'autres personnes risquerait de
provoquer une boucle d'inhibition. L'intimité du contact en
séance individuelle sera présentée comme axe dynamique.
De plus, ses difficultés de déplacement et
certains effets secondaires de son traitement médical contribuent
à cette décision.
Prendre en considération le traitement médical
d'Anna nous permet également de différencier certains effets
secondaires d'autres effets lors des séances.
f)- Le plaisir est l'élément moteur de la
stratégie thérapeutique de la prise en charge.
(Cf Annexe n°3)
En fondant la réflexion sur l'opération
artistique, tout en distinguant les mécanismes qui fonctionnent et les
sites d'action, une stratégie thérapeutique est
élaborée pour la prise en charge d'Anna.
En s'appuyant et en utilisant comme processeur la relation
à l'art thérapeute, la stratégie est d'amener Anna
à, dans un premier temps, retrouver plaisir dans une activité
gratifiante.
L'utilisation de ses connaissances personnelles qu'elle tient
de son passé permettra à Anna de se sentir revalorisée non
pas à travers ce corps douloureux et vieillissant, mais plutôt
à travers ses connaissances et ses capacités oubliées.
En lui permettant de se sentir utile et entourée,
d'entretenir sa mémoire, de réapprendre à être
coquette, de se rendre utile aux autres.
Mais aussi transmettre un savoir dont la personne est la seule
détentrice.
Le plaisir est une source de motivation et permet à la
prise en charge d'évoluer et de solliciter des prises d'initiative chez
Anna. L'appréciation d'une gratification sensorielle va inciter la
patiente à chercher à nouveau cette sensation agréable.
Engendrant ainsi un élan corporel dans l'activité qu'elle
apprécie et par la même occasion qui lui permet de s'inscrire dans
un projet plus long lui offrant ainsi un objectif personnel.
Le plaisir retrouvé et les capacités
révélées, l'atmosphère sécurisant de
l'atelier et la relation de confiance avec l'art thérapeute offrent
à Anna une liberté de choix et de possibilité de prise
d'initiative contribuant ainsi à l'approche d'une revalorisation de
l'estime de soi.
.
g)- Les items sont évalués de façon
objective sur une échelle de 1 à 5
Au sein des rubriques que nous allons présenter sont
regroupés plusieurs faisceaux d'items se rapportant chacun à des
faits précis. Les items seront mesurés sur la base d'observation
et évalués de façon objective sur une échelle de 1
à 5.
Le 1 correspondant au résultat le plus négatif et
le 5 étant celui de l'idéal.
Les mesures d'items utiliseront des termes progressifs (toujours
du moins au plus) et adaptés à la nature de ceux ci.
1)- L'évaluation de l'implication relationnelle est
relative à l'objectif général
L'estime de soi se développe au contact des autres. La
relation à l'art thérapeute étant moteur dans la prise en
charge il convient d'évaluer l'évolution des capacités
relationnelles d'Anna au cours de la prise en charge.
|
(-) 1
|
2
|
3
|
4
|
5 (+)
|
Relation art thérapeute
|
Absence
|
Ecoute
|
Expression
|
Relation
|
Relation privilégiée
|
Mode relationnel
|
Agressivité
|
Opposition
|
Indifférence
|
Respect
|
cordialité
|
Quantité des contacts
|
Inexistants
|
Rares
|
Ponctuels
|
Nombreux
|
systématiques
|
Qualité des contacts
|
Agressifs
|
Polis
|
Cordiaux
|
Affectueux
|
agrippants
|
Sourire
|
Aucun
|
Un
|
Rares
|
Quelques
|
nombreux
|
plaisanteries
|
Aucunes
|
Une fois
|
Rares
|
Quelques
|
nombreuses
|
Dans la même rubrique sera évaluée
l'expression orale :
|
(-) 1
|
2
|
3
|
4
|
5 (+)
|
Quantité
|
Sans
|
Rare
|
Moyenne
|
Importante
|
incessante
|
Qualité
|
Incohérente
|
Troublée
|
Compréhensible
|
Claire
|
élaborée
|
Fonction
|
Aide matérielle
|
Ecoute
|
Porte parole
|
reconnaissance
|
Réhabilitation
|
Sera également évaluée la conduite plaintive
d'Anna au travers des expressions verbales Ce sous ensemble correspondant
à une conduite d'échec.
|
(-) 1
|
2
|
3
|
4
|
5 (+)
|
Quantité de plaintes
|
Souvent
|
Quelques fois
|
rares
|
Une fois
|
Jamais
|
plaintes au sujet du personnel
|
Perte de capacité
|
Placement
|
2)- L'évaluation des capacités esthétique
est ciblée sur le plaisir dans l'activité
Permettre à Anna de retrouver du plaisir dans une
activité constitue l'un des objectifs intermédiaires, en voici
les items spécifiques.
|
(-) 1
|
2
|
3
|
4
|
5 (+)
|
Thymie durant l'activité
|
Agressivité
|
Mauvaise humeur
|
Humeur égale
|
Bonne humeur
|
enthousiasme
|
Regard durant l'activité
|
Absent
|
Triste
|
Présent
|
Intéressé
|
rayonnant
|
Tension nerveuse
|
Agressivité
|
Agitation
|
Nonchalance
|
Calme
|
dynamique
|
Intérêt dans la participation
|
Refusé
|
Récitante
|
Hésitante
|
Motivée
|
enthousiaste
|
3)- L'image de soi est un élément qu'il convient
d'évaluer
L'image de soi est un élément constituant de
l'estime de soi. Ainsi son évaluation est un élément
indispensable nous permettant d'observer l'évolution du cheminement vers
l`objectif général.
Dans ces observations sera également pris en compte
l'environnement que constitue la chambre d'Anna.
|
(-) 1
|
2
|
3
|
4
|
5 (+)
|
La patiente est habillée
|
Non
|
non
|
Exprime le souhait
|
oui
|
oui
|
La patiente a une apparence soignée
|
Non
|
Faible
|
Simple
|
Bon
|
Sophistiquée
|
Apparence générale de la chambre
|
Mauvaise
|
Faible
|
Simple
|
Bonne
|
Très bonne
|
4)- L'évaluation de la confiance en soi est faite au
regard du phénomène artistique
La confiance en soi constitue un élément essentiel
de la prise en charge d'Anna, son évaluation se fait ici au regard du
phénomène artistique. Chacun est présenté ci
dessous comme des sous ensembles.
Intention :
|
(-) 1
|
2
|
3
|
4
|
5 (+)
|
Reconnaissance du projet
|
Oubli total
|
Reconnaissance
|
Réminiscence
|
Souvenir particulier
|
Evocation spontanée
|
Début de l'activité
|
Après aide
|
Après stimulation
|
Hésitant
|
Lent
|
rapide
|
Intérêt
|
Refusé
|
Réticente
|
Hésitante
|
Acceptée
|
enthousiasme
|
Volonté de
participer a la prochaine séance
|
Refusée
|
Réticente
|
Hésitante
|
Acceptée
|
aide
|
Action :
|
(-) 1
|
2
|
3
|
4
|
5 (+)
|
Anna fait des choix
|
Aucun
|
Un
|
Rares
|
Quelques
|
nombreux
|
Prise d'initiative
|
Aucune
|
Une
|
Rares
|
Quelques
|
nombreuses
|
concentration
|
Non perçue
|
Perturbée
|
Faible
|
Moyenne
|
grande
|
autonomie
|
Aidée
|
Accompagnée
|
Guidée quelques fois
|
Guidée une fois
|
autonome
|
Durée de l'activité
|
nul
|
<10 min
|
<20 min
|
> demi- heure
|
séance
|
dynamique
|
Absence
|
Présence vide
|
Contemplatif
|
Acteur passif
|
Récepteur actif
|
Implication physique dans l'activité
|
(-) 1
|
2
|
3
|
4
|
5 (+)
|
Participe physiquement
|
Non
|
Une fois
|
Rares
|
Quelques
|
nombreux
|
Implication physique
|
Refusée
|
Réticent
|
Hésitante
|
Encouragée
|
autonome
|
Position
|
Dangereuse
|
Inconfortable
|
Inadaptée
|
Adaptée
|
dynamique
|
Faire/subir
|
Passivité
|
Attente d'aide
|
Demande d'aide
|
Respect
des
consignes
|
initiatives
|
Production :
|
(-) 1
|
2
|
3
|
4
|
5 (+)
|
Devenir de la production
|
Jetée
|
oubliée
|
confiée
|
gardée
|
exposée
|
Auto évaluation de la production
|
Dévalorisation
|
Indifférence
|
Satisfaction mitigée
|
Auto- satisfaction
|
Fierté
|
i)- Nous décrivons les dix séances dont a
bénéficié Anna
S << rencontre >>
La première rencontre avec Anna a eu lieu dans sa chambre.
L'accueil froid au premier abord est devenu plus ouvert dés lors que je
lui expliquais ma fonction.
Lors de cette rencontre, je lui fis la proposition de participer
à des séances d'art-thérapie, en lui laissant le choix de
l'horaire en fonction de mes jours d'intervention. .
Anna accepta avec enthousiasme en me précisant qu'elle ne
souhaitait pas avoir à sortir de sa chambre, ni à partager ces
séances avec d'autres résidents. Nous concluons sur des
séances d'une heure chaque mercredi après midi de 16H30 à
17H30.
S1
C'est lors de cette séance qu'a été
proposé le projet << fiche conseil esthétique >>
à Anna. Projet accueilli avec enthousiasme par Anna, qui a
commencé l'activité sans sollicitation, tout en me demandant
régulièrement mon avis sur ses choix , Anna a
sélectionné avec intérêt diverses tenues et
accessoires .
Cependant, Anna a refusé clairement de s'impliquer
physiquement dans l'activité , malgré mes sollicitations, Anna
choisira les éléments lors de toute la séance et me
demandera de réaliser la fiche.
Fait important apparu lors de la séance :
Lors de l'activité et plus particulièrement lors
des choix de tenues vestimentaires, Anna s'est exprimée sur je cite :
<< le peu de soin accordé à ses vêtements par les
lingères >>.
Cependant celle ci s'est spontanément reprise en disant :
<< ce n'est pas intéressant, revenons en à nos moutons
>>
S2
Si lors de la réunion de transmission, le personnel
signale qu'il trouve le comportement d'Anna moins agressif depuis cette
première semaine d'intervention, précisons cependant que cette
observation ne peut pour le moment être validée , ou
accordée à l'art-thérapie le fait étant qu'il n'y a
eu qu'une seule séance.
Anna m'accueille chaleureusement me saisissant les deux mains
pour me saluer.
La quantité d'expression verbale d'Anna est importante,
voir incessante ponctuée de plaintes. Malgré mes rappels, Anna ne
semble pas se souvenir du projet, mais à la vue de la fiche que nous
avons réalisée la semaine passée elle s'exclame : «
c'est une très bonne idée », et elle démarra de
façon autonome l'activité.
Ne souhaitant toujours pas s'impliquer physiquement dans
l'activité, Anna m'a cependant repris sur la manière dont j'avais
réalisé un collage, se saisissant de la colle pour reprendre mon
erreur.
En fin de séance Anna me dit vouloir relier les quelques
fiches que nous réaliserons sous forme de livret que nous pourrions
mettre à la disposition d'autres résidents dans le hall de la
structure.
Fait important :
Lors de cette séance Anna était habillée et
non en pyjama. Les volets de sa chambre étaient ouverts et la patiente a
pris l'initiative d'éteindre la télé lors de mon
arrivée.
S3
Fait important avant séance :
Précisons qu'il n'y a pas eu de séances depuis deux
semaines en raison de mon absence pour raisons scolaires.
Lors de la réunion de transmission, j'apprends que le
traitement médical d'Anna a connu quelques modifications que je prends
en connaissance.
Lors de cette séance, l'environnement de la chambre d'Anna
était particulièrement peu soigné.
Des tas de journaux accumulés jonchaient le sol et les
meubles, les volets étaient fermés et j'ai du demander à
Anna de bien vouloir baisser le son de la télé.
En pyjama Anna se dit heureuse de me revoir mais me dit ne pas
vouloir réaliser de fiche pour cette séance
préférant « papoter », ce sont ses termes.
En pyjama, elle me dit être fatiguée, dormir
beaucoup et me précisant qu'elle s'est réveillée la nuit
dernière sans reconnaître les lieux.
Cette information apparaissant comme un site d'action, je prends
l'initiative d'éliminer cette difficulté thérapeutique en
modifiant les horaires des prochaines séances afin qu'Anna n'interrompe
pas sa sieste. Je relate cette information à l'équipe soignante
en fin de séance. Anna étant née en Espagne et moi
même pratiquant cette langue, nous passons la séance à
discuter en espagnol.
S4
Fait important avant séance :
A la réunion de transmission j'apprends qu'Anna suis un
nouveau traitement pour son oedème des membres inferieurs, qui offre de
très bons résultats.
A la demande d'Anna, j'ai relié les quelques
premières fiches que nous avons réalisées.
Si Anna est en pyjama, sa chambre est cependant plus
rangée que d'habitude. Sa télé est allumée et elle
ne baissera pas le son lors de ma venue.
Lorsque je lui dis avoir appris que son nouveau traitement
portait ses fruits, elle me fait savoir que le médecin lui a
conseillé de marcher mais qu'il n'y a personne pour l'accompagner. Je
lui propose donc de faire un tour en ma compagnie. Elle accepte. Dans le
couloir où nous rencontrons sa voisine de palier qui nous salue, Anna
entame spontanément la discussion. Puis, au bout de dix minutes, nous
reprenons notre marche et retournons dans sa chambre. Spontanément elle
me demande ce que j'ai amené. Je lui montre le petit livret.
L'idée lui plait et elle se félicite du résultat.
Fatiguée de la marche Anna ne désirera pas
réaliser de fiche cette séance.
S5
Fait important avant séance:
Lors de la réunion de transmission l'équipe me
signale qu'Anna a été déjeuné en salle à
manger dimanche.
Apparition d'un nouvel objectif intermédiaire :
l'équipe s'est exprimée sur le fait des prises de repas en salles
à manger. L'objectif à leur demande étant qu'Anna puisse
descendre prendre ses repas au moins une fois pas semaine.
Anna ayant la visite de sa coiffeuse, la séance ne durera
que 20 min. Ayant peu de temps pour la réalisation d'une fiche, La
méthode sera donc une situation ouverte. L'accueil est très
chaleureux, Anna est souriante, et, dés mon entrée, me demande de
lui passer une veste de tailleur car elle ne se trouve pas présentable.
Son état de santé s'est amélioré et elle se
déplace sans déambulateur dans la chambre jusqu'à son
fauteuil.
Avec enthousiasme elle me montre qu'elle a conservé le
petit carnet de recueil de conseils. Je lui demande comment s'est
déroulé son repas en salle à manger.
Elle me dit que c'était très bien, et que
c'était agréable de voir que les gens ne l'avaient pas
oubliée et que tous voulaient manger à côté
d'elle.
Lors de cette séance, l'animateur est intervenu pour
distribuer les menus de la semaine. A sa lecture Anna s'est exclamé avec
joie : « demain il y a du foie gras ».
Je lui dis que cela pourrait être l'occasion de
renouveler l'expérience de la salle à manger. Elle accepte mais
précisant qu'elle n'a rien à se mettre. Nous cherchons donc
ensemble une tenue qui lui plait.
Avant mon départ je signale à l'équipe
qu'Anna désire manger parmi les autres résidents le lendemain
afin qu'ils la préparent et qu'ils la sollicitent.
S6
Fait importait avant séance :
Lors de la réunion j'ai appris qu'Anna avait bien
été manger avec les autres résidents comme nous avions
prévu ensemble.
Pour cette séance l'accueil est chaleureux, la chambre est
un peu plus désordonnée que la fois passée. Elle n'est pas
habillée (haut pyjama) elle me dit être fatiguée et elle ne
désire pas poursuivre le projet.
S7
Lors de la réunion de transmission j'apprends qu'Anna
depuis une semaine coupe ses bandes qui lui permettent de soigner ses
oedèmes. L'équipe me signale qu'il est important pour elle de
poursuivre ce soin. Mais la deuxième difficulté est qu'Anna
refuse de mettre les chaussures adaptées à son oedème, les
trouvant peu esthétiques.
Ce nouveau site d'action est pris en compte comme un nouvel
objectif intermédiaire.
A mon arrivée Anna me demande d'aller marcher, en me
précisant qu'elle désire voir l'atelier où je travaille
Je lui propose d'enfiler pour ce faire ses chaussures
orthopédiques, à ma surprise elle accepte, mais je
m'aperçois que celles ci sont trop grandes de plusieurs pointures et
qu'elles entravent sa marche. J'en informe l'équipe en fin de
séance.
Anna remet donc ses chaussures habituelles et nous partons
marcher.
Sur le chemin, nous croisons des membres de l'équipe et
des résidents avec qui elle discute chaleureusement. Cependant, toutes
les discussions et expressions verbales sont principalement prétexte
à des plaintes.
L'atelier lui plait, mais lui rappelle que sa chambre est plus
petite et moins jolie, nous rebroussons donc chemin jusqu'à sa chambre
pour de pas risquer de faire rentrer Anna dans une boucle d'inhibition. La
marche aura duré toute la séance.
S8 :
Fait important : Il n'y a pas eu de séance la semaine
dernière, en effet, Anna dormait profondément à l'heure du
rendez vous que nous nous étions fixé. Je n'ai donc pas
souhaité la réveiller
Si des progrès avaient pu être observés lors
des 5 premières séances, le comportement général
d'Anna depuis deux séances semble se dégrader à nouveau.
Elle s'oppose aux soins, elle est agressive avec le personnel qui lors de la
réunion de transmission a déclaré : « nous capitulons
».
Lors de la séance Anna avait un comportement
très confus, installée dans son fauteuil en pyjama, elle me
questionne incessamment sur mes activités journalières. L'heure
de mes repas, de mes levers, horaires de travail. Son discours est peu
cohérent et elle me répète régulièrement les
mêmes questions et les mêmes phrases.
Enfin elle me demande si j'avance sur mon livre de conseil, je
lui dis que c'est son livre mais elle me répond agressivement que non
Elle désire mettre fin à la séance, sur ce,
nous nous quittons tandis qu'elle me confond l'espace d'un instant avec une
résidente.
S9
Fait important avant séance :
Durant la semaine, le fils d'Anna s'est adressé aux
infirmières concernant le comportement de sa mère. Malgré
les baisses de résultat de ces dernières séances, il dit
trouver sa mère moins agressive et en net progrès depuis la prise
en charge en Art-Thérapie.
La réunion de transmission m'informe qu'Anna est un peu
plus calme depuis peu de temps
Lors de la séance Anna a sorti spontanément le
livre de fiche en s'exclamant : « c'est pas mal, mais y'en faudrait
d'autre », saisissant les magazines à la recherche de nouvelles
tenues. Nous réalisons, en tout et pour tout, deux fiches lors de cette
séance.
Précisons qu'Anna ne s'est que très peu plainte.
Impliquée dans l'activité elle a pris de nombreuses initiatives.
L'ambiance générale fut très chaleureuse.
Fait important intervenu durant la séance :
Anna s'est rendue aux sanitaires durant la séance, en
sollicitant mon aide, elle a souhaité se coiffer et se maquiller.
S'exclamant : « voilà je suis plus présentable ».
S10
Fait important : Il s'agit de la dernière
séance.
J'apprends à la réunion de transmission qu'Anna
accepte de remettre ses bandes, son comportement est plus calme avec
l'équipe dont certains membres la qualifie de
« sympathique ».
Anna est très souriante et se dit heureuse de me voir.
Installée dans sa salle de bain, elle se maquille se
coiffe, tout en me tenant en discussion. . Elle s'habille, et me propose de
goûter ensemble en me disant que c'est agréable de recevoir du
monde chez soi.
Nous discutons, communiquons, échangeons. Anna ne parle
pas de notre projet.
j)- L'évaluation des observations des séances
nous permet de tirer un bilan sur la prise en charge d'Anna
Anna s'est impliquée relationnellement avec l'art
thérapeute
Rappelons qu'Anna a été orientée vers
l'Art-thérapie notamment en raison des difficultés relationnelles
qu'elle rencontrait avec le personnel et les autres résidents.
Ainsi, l'implication relationnelle, d'abord avec l'art
thérapeute était l'un des premiers objectifs de la prise en
charge.
Graphique n°1 Evaluation de l'implication
relationnelle
Nous pouvons observer qu'une relation s'est très vite
installée lors des séances.
Une variante est cependant observable notamment lors des
séances 7 et 8, nous montrant que si ce premier objectif a pu être
atteint, il reste cependant fragile.
Anna a su retrouver du plaisir dans le projet :
L'objectif général étant la revalorisation
de l'estime de soi, la stratégie était de proposer à Anna
un projet lui permettant de révéler ses capacités
oubliées. L'objectif étant de lui permettre de retrouver plaisir
à travers une activité gratifiante.
Graphique n°2 Evaluation du plaisir dans
l'activité
En observant les résultats obtenus lors des séances
1 et 2, nous pouvons dans un premier temps affirmer qu'Anna a
apprécié la proposition du projet.
Même si Anna n'a pas souvent participé
physiquement à l'activité, l'évaluation de ce faisceau
d'item a cependant pris en compte les moments ou Anna abordait oralement le
sujet du projet. On peut ainsi observer qu'elle en a parlé avec
plaisir.
Le plaisir retrouvé Anna a pu retrouver confiance en
elle et s'impliquer dans un projet en retrouvant confiance en elle :
Graphique n°3 Evaluation de l'intention
Graphique n°4 évaluation de la confiance en soi
au travers de l'activité artistique
Si le graphique N° 4 ne prend en compte que les
séances ou Anna s'est impliquée physiquement, on peut cependant
s'apercevoir a travers le graphique n°3 qu'elle a pourtant à chaque
fois abordé le sujet du projet. Et même lorsque les séance
ne donnaient pas lieu à la création d'une fiche, elle a toujours
d'une manière ou d'une autre montré son intention quant à
sa poursuite. Rappelons-nous la séance 2, ou elle a pris l'initiative de
relier les fiches par exemple.
Le projet à eu un impact sur la revalorisation de
l'image de soi : Graphique n°5 Evaluation de la revalorisation de
l'image de soi.
Même si Anna a le plus souvent participé aux
séances en pyjama, nous pouvons observer qu'elle s'est de plus en plus
souciée de son apparence.
Si sa présentation était de plus en plus
soignée, l'aspect de sa chambre est resté en moyenne
égal.
Anna s'est aussi impliquée relationnellement avec les
autres :
Graphique n°6 : Evaluation de l'implication
relationnelle avec les résidents et le personnel.
Nous pouvons noter un progrès dans sa relation avec les
autres.
Il arrivait que les séances soient interrompues par la
venue du personnel. Ces contacts ont également été motif
d'évaluation.
Dans ce graphique, on peut observer une évolution dans la
relation qu'Anna pouvait entretenir avec le personnel.
Au sujet du contact avec les autres résidents
rappelons-nous que la séance 6 correspond à la séance ou
Anna est retournée manger en salle à manger. Ce qu'elle avait
beaucoup apprécié. Une relation peut être faite entre cet
évènement et l'impulsion insufflée à Anna quand
à chercher à aller au contact des autres lors de la séance
7. Malheureusement, nous ne pouvons affirmer que cet objectif est atteint, mais
nous pouvons observer qu'il est « en cours d'acquisition ».
Un regard sur la conduite d'échec d'Anna :
Le personnel avait présenté Anna comme une personne
très plaintive.
Posons donc un regard sur l'évolution de ses expressions
verbales plaintives tout au long des séances d'Art-thérapie.
Ce graphique correspondant à une conduite d'échec,
précisons que l `évaluation s'en trouve inversée.
L'évaluation, de ce fait, étant faite sur une
échelle de 0 à 5, le 0 étant l'absence d'expressions
verbales plaintives, et le 5 des expressions incessantes.
Graphique n°7 : Evaluation des expressions verbales
plaintives.
A la vue de ce graphique nous pouvons observer une baisse
considérable de sa conduite plaintive, des séances 1 à
6.
Puis un pic se représente en séance 7,
séance qui a eu lieu dans la période ou Anna a coupé ses
bandes thérapeutiques pour son OMI.
k)- La synthèse de la prise en charge nous permet
d'observer de façon générale un regard sur la prise en
charge d'Anna
Sont réunis dans cette synthèse l'ensemble des
principaux objectifs intermédiaires nécessaires à la
réalisation de l'objectif général.
Graphique n°8 : Synthèse évaluative de la
prise en charge d'Anna
Les résultats restent encore très variables, et on
ne peut confirmer la validation de l'objectif général.
Si les résultats restent en dents de scie,
l'évaluation de l'image de soi nous permet d'affirmer un réel
progrès.
Nous pouvons faire une observation quand aux résultats
obtenus pour les séances 4 et 5.
C'est à la même période qu'Anna a
bénéficié de sa thérapie pour son OMI.
Thérapie qui avait porté ses fruits en diminuant de moitié
l'inflammation. Ainsi, à cette même période nous pouvons
observer une amélioration des résultats dans l'évaluation.
Une hausse de la confiance en soi. Ces résultats peuvent être mis
en relation.
C'est aussi suivant cette thérapie qu'Anna a
désiré sortir de sa chambre , d'abord dans le couloir, puis,
jusqu'à l'atelier d'art-thérapie.
C'est au court de cette période qu'elle a pris
l'initiative d'aller a la rencontre des autres . De la même façon,
on s'aperçoit également de la baisse des résultats en S6,
S7 et S8 lorsqu'Anna coupait ses bandes ;
l)- Bilan de la prise en charge
Les notions d'impression, d'intention et d'action ont
été délicates à évaluer, considérant
que si lors des séances l'avis de la patiente était
présent, celle ci fut le plus souvent réfractaire à
l'implication physique dans l'activité.
En effet, les pénalités physiques
rencontrées par la patiente ont un impact considérable sur son
image et son estime de soi et le manque de confiance en ses capacités
restantes ont plus souvent donné lieu à des séances
où l'échange verbal prédominait sur le "faire".
Cependant, la patiente a pu renouer avec la notion de plaisir
et s'est très vite engagée dans le projet proposé. Et,
même si la majorité des réalisations ne découlaient
pas de ses mains, l'envie de s'inscrire dans un projet a entraîné
une progression constante de la confiance en soi et des prises
d'initiatives.
L'amélioration de l'estime de soi a permis à la
patiente de s'engager progressivement dans un processus relationnel.
Puisqu'elle a pris, à plusieurs reprises l'initiative de sortir de sa
chambre et d'aller à la rencontre de ses « voisins de palier »
mais également de prendre, à quelques occasions, et grâce
à la sollicitation de l'équipe ses repas en salle à
manger. Ce qu'elle a beaucoup apprécié.
Tout au long des séances il a été permis
d'observer une baisse considérable des expressions verbales plaintives,
notamment celles concernant le personnel de l'institution.
L'amélioration du comportement « caractériel », parfois
agressif et têtu de la patiente a été également
observé par certains membres de l'équipe.
Des progrès ont également pu être
observés dans la présentation physique de la patiente et sont
révélateurs d'une meilleure estime de soi. En effet, au fil des
séances la patiente qui, dans un premier temps était
principalement en pyjama m'a progressivement accueillie de plus en plus
soignée. D'abord habillée, et plus actuellement maquillée,
coiffée.
Il faut préciser que les périodes de net
progrès coïncident avec la période où la patiente a
bénéficié d'un traitement thérapeutique pour son
OMI. Ainsi, les progrès obtenus ont été possibles
grâce à un travail collectif.
Si des progrès ont pu être observés, nous
avons pu également observer lors de 2 séances un net
déclin des progrès réalisés, qui montrent que si
l'objectif principal a pu être touché il ne peut encore être
validé. La prise en charge ayant pris fin en raison de la fin du stage,
il serait bénéfique que la patiente continue à être
sollicitée et que la prise en charge en art-thérapie puisse
être éventuellement relayée par un suivi psychologique, ou
des sollicitations pour participer aux animations afin de permettre à la
patiente de poursuivre le cheminement entrepris.
2/ Le cas de François nous permet de révéler
certaines limites de l'art-thérapie.
a)- L'équipe a orienté François vers une
prise en charge en art-thérapie en raison des conséquences
qu'implique sa récente perte de capacité
L'équipe a orienté François vers une prise
en charge en art-thérapie pour les raisons suivantes : très actif
à l'origine, et en pleine possession de ses capacité cognitives,
François s'isole complètement depuis la dégradation rapide
de son état de santé.
Ses angoisses donnent lieu a un comportement agressif et
grossier. Il ne participe plus aux animations.
b)- L'anamnèse de François participe à
la connaissance de son état de base
François est âgé de 88 ans.
Placé en institution depuis 3 ans, il est
célibataire et sans enfant.
Assureur de profession, il avait pour habitude, avec un groupe
d'amis, de réaliser des représentations les weekends dans un
cabaret.
En l'espace de 3 ans François a perdu toute acuité
visuelle devenant ainsi totalement dépendant pour les gestes du
quotidien. Diagnostiqué dépressif, François n'a cependant
pas de traitement. Mais ses angoisses étant grandes, son sommeil
nécessite la prise de somnifères. De tempérament joyeux et
sympathique, il est devenu aujourd'hui agressif , son vocabulaire est grossier
et il est en proie à un sentiment de persécution constant dans la
situation où il ne retrouve plus ses objets dans sa chambre.
C'est une personne très coquette, à l'apparence
très soignée .
Il est important de souligner que François, avait
l'habitude d'être très entouré et n'a aujourd'hui plus de
visite.
En plus de sa perte totale de capacité visuelle, son
audition baisse considérablement depuis quelques temps.
Malgré ses problèmes de vue, François est en
mesure d'effectuer seul certains trajets. Notamment celui de sa chambre
à la salle à manger. Il est capable sans aide de s'orienter assez
facilement dans l'établissement.
Après une réunion collective avec l'équipe,
l'objectif général de la prise en charge aurait pu être le
maintien des acquis, notamment ceux concernant son orientation dans l'espace.
Mais aussi celui de lui donner la possibilité de redécouvrir ses
capacités restantes dans un processus de revalorisation de l'estime de
soi au travers d'une activité gratifiante.
Mais la connaissance de l'équipe concernant le
comportement de François nous a fait envisager l'idée qu'il
pourrait ne pas accepter l'idée d'une telle prise en charge. Aussi, pour
nous, le premier objectif était celui d'une prise de contact.
L'état de base de François donne lieu à une
situation particulière.
En effet son incapacité visuelle est une source de
souffrance qui ne me permet pas de lui proposer une activité où
cette sensibilité serait sollicitée.
Même si François présente une baisse de
l'audition, nous décidons avec l'équipe d'orienter
l'éventuelle prise en charge vers une dominante musique. En effet, la
musique semblant être un domaine que François apprécie
particulièrement.
c)- Nous présentons les séances de rencontre.
La rencontre avec François s'est faite par une très
belle journée, sa chambre spacieuse présentait de nombreuses
photos aux murs.
Lorsque je me suis présentée à lui, le
contact fut très chaleureux, il se dit "heureux de voir des gens".
Je lui explique la raison de ma présence, mon rôle
dans l'institution. Je lui précise que je suis présente chaque
jeudi. Et je lui demande s'il accepte que je vienne le saluer la semaine
prochaine. François me dit « qu'il accepte avec plaisir , qu'il
aimerait refaire des choses » me précisant à plusieurs
reprises "vous savez ça fait pas longtemps que je suis comme ca".
.
S2
Pour cette deuxième rencontre François a
demandé à se rendre à l'atelier. Une fois rendu sur le
lieu il me dit que ca ne sert à rien, qu'il ne voit rien.
Souvent il s'excuse de sa situation, s'excuse de me faire me
déplacer pour rien,
Lors de la fin de séance il me donne une bise et me sourit
en me disant "vous êtes tenace" et me demande de venir le saluer la
semaine suivante
S3
Lors de cette rencontre, François me reconnaît
difficilement. Désorienté, il s'exprime beaucoup, notamment, sur
sa perte d'acuité visuelle et sur les problèmes qui en
découlent au quotidien.
Comme la semaine passée il me demande d'aller
jusqu'à l'atelier. Sur le chemin il continue de m'expliquer son
désarroi face à ses pertes. Sur le trajet nous rencontrons une
résidente. La conversation s'engage mais François semble
désintéressé et il ne répond pas. Me saisissant par
le bras il me dit : « allons-y ».
Arrivés à l'atelier son comportement est de plus en
plus agressif, cependant, à certains moments il me saisit le bras
gentiment et me complimente sur "ma présence, ma gentillesse". Le temps
avançant François semble de plus en plus énervé, il
hausse le ton , et ses paroles deviennent grossières.
Il me dit clairement « que voulez vous que je fasse, je ne
suis plus capable de rien, pourquoi m'amenez vous ici ? je ne ferai rien et je
ne veux rien faire. ».
Sur ces mots je lui propose de le raccompagner, il accepte et
semble soulagé.
A notre séparation, je lui demande s'il accepte simplement
que je vienne lui dire bonjour la semaine prochaine, il me répond oui,
m'embrasse sur le front en me disant ces mots: « vous êtes bien
gentille, mais je ne vois vraiment pas ce que vous pourrez faire de moi je suis
foutu », il me sourit et s'éloigne...
François est décédé la semaine
suivante.
d)- Une prise en charge en art-thérapie n'a pu
être établie.
Si le désir et la volonté de s'engager a
été exprimé à une reprise par François, la
capacité à le réaliser s'amenuisait peu a peu,
concrétisant une expérience déchirante pour
François.
Face à l'expression de l'angoisse de François
qu'il ne fallait absolument pas banaliser, il me semble que
l'art-thérapie le confortait dans ses échecs en lui proposant de
s'engager au delà de ses possibilités.
Lors de nos quelques rencontres, François a fait part de
sa souffrance, de sa solitude, de sa lassitude de vivre.
Durant cette expérience, il a été difficile
de savoir quoi faire, face à ce comportement. Comment essayer de trouver
des ressources et apporter son soutien.
Si l'on a pu voir que l'addition des pertes dues à
l'âge, (perte du domicile, famille etc..) sont difficiles à vivre,
celle qui m'a semblé la plus accablante était souvent celle
liée à la perte d'autonomie.
Souvent, je suis restée sans voix, car le registre
habituel n'était pas de mise dans cette situation.
Si l'art-thérapie permet d'aider certaines personnes dans
leurs troubles de l'expression, de la relation et ou de la communication,
l'expérience de la prise en charge de François nous permet de
comprendre que l'art-thérapie n'est pas de mise pour n'importe quelle
situation. L'art-thérapie ne peut apporter une solution à tous
les problèmes.
Dans le cas de François, qui faisait face à une
situation difficile, la prise en charge en artthérapie, au lieu de
travailler à la recherche de révélation d'un potentiel, a
plus été perçue comme un révélateur des
difficultés du sujet
La souffrance n'est pas plus productive ou porteuse de
création, mais dans le cas de François plutôt isolante,
stérilisante, enfermante, produisant un repli sur soi.
Il était difficile d'envisager proposer à
François de s'engager dans un projet, puisque cela impliquait de se
projeter dans un futur, qu'il n'imaginait pas.
Ses plaintes portant sur une perte irréparable,
irremplaçable. Et si François avait pu être en mesure
d'accepter ses pertes, ce n'est pas pour autant qu'il en aurait accepté
les conséquences.
Il m'a été difficile de faire face à
l'ambivalence de François, une partie de lui même disant vouloir
faire et apprendre des choses, et une autre partie agressive et souffrante,
s'exprimant sur son désir de mourir.
Avec du recul, la réflexion me pousse à penser que
l'art-thérapie avec une approche différente aurait pu aider
François.
Dans l'idée de lui donner l'opportunité de «
donner un sens, rétrospectif et actuel , dans l'urgence de transmettre
ses aboutissements personnel »9
9 «Que sais-je : l'art-thérapie »
J.P KLEIN p104 Puf/2004
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