IV-5 : Synthèse et discussion des
résultats
Les analyses effectuées nous ont permis de constater
que les déterminants de la prise en charge médicale des enfants
impaludés au Gabon sont les variables socio culturelles et socio
économique suivant :
- la religion de la mère
- l'activité du partenaire de la mère
- l' « expérience de la mère » en soin
infantile
- la région de résidence.
Au niveau de l'appartenance religieuse, les mères
musulmanes sont celles qui présentent une meilleure prise en charge
médicale de leurs enfants impaludés comparativement aux
mères catholiques. Par contre, ces dernières ont une meilleure
prise en charge médicale par rapport aux mères sans religions. Ce
résultat confirme ce que nous avons relevé au niveau de l'analyse
bi variée. En fait, cette forte association que nous observons
s'expliquerait par le fait que beaucoup de ces mères musulmanes sont
d'origine étrangère. Elles n'ont généralement pas
les mêmes pratiques culturelles en matière de soin que les
nationaux d'où leur propension à recourir aux soins modernes dans
la prise en charge médicale de leurs jeunes enfants car elles seraient
prudentes au regard des thérapies traditionnelles de leur nouvel univers
culturel.
A propos de l'activité du partenaire de la mère,
les résultats montrent que celle-ci a un effet très significatif
sur la prise en charge médicale de l'enfant impaludé. Ceci se
vérifie aussi au niveau bi varié.
En effet, nous constatons que l'effet de l'activité du
partenaire de la mère sur la prise en charge médicale de l'enfant
impaludé est resté significatif au seuil de 5% malgré
l'introduction des variables intermédiaires d'une part et la variable
régionale de contrôle d'autre part. Autrement dit, quelque soit la
région au Gabon, plus le statut socioprofessionnel du partenaire de la
mère augmente moins le pouvoir financier ou l'accessibilité
géographique au centre de santé ne sont significatifs en
matière de prise en charge médicale de l'enfant impaludé.
En particulier, les mères dont les partenaires sont commerçants,
ont 51% de chance en moins d'assurer une prise en charge médicale
à leurs enfants impaludés que celles dont les partenaires sont
des techniciens.
Cette différence entre les deux groupes pourrait
s'expliquer par des facteurs culturels notamment l'instruction et les pratiques
médicinales. En effet, le groupe de commerçant au Gabon est
constitué d'individus qui vendent plusieurs produits parmi lesquels les
produits pharmaceutiques contrefaits essentiellement. La tendance serait pour
ce dernier d'y recourir habituellement en automédication pour soigner
leurs proches, sans penser à aller par la suite à un centre de
santé immédiatement.
S'agissant de l'expérience de la mère en
matière de soin, elle est la seule des variables intermédiaires
introduites qui joue un rôle important dans l'action des variables socio
culturelles et socio démographiques sur la prise en charge
médicale de l'enfant impaludé. Les différences
observées entre les mères pourraient s'expliquer du fait que l'on
remarque que 67,1% des mères gabonaises ayant une naissance de rang1
contre 58,4% des mères ayant une naissance de rang4-5 ont mené en
consultation dans un centre de santé leurs enfants en cas de
fièvre (EDSGI,2000). Ceci s'expliquerait aussi par le fait que
généralement au Gabon une jeune mère
bénéficie de la solidarité familiale ou de celle de ses
copines à propos des meilleures attitudes à tenir au cours d'une
maladie touchant son enfant .
Enfin, la région de résidence est un
déterminant de la prise en charge médicale de l'enfant
impaludé. En effet, son introduction dans le modèle a rendu
l'impact du milieu de résidence et de l'ethnie des mères non
significatif par rapport la variable en étude. Ceci pourrait s'expliquer
par le fait que la majorité de la population quelque soit la
région vit essentiellement en ville d'une part, et d' autre part hormis
la région Nord où l'on retrouve au plus trois groupes
éthiques, les autres régions du Gabon ont plus de quatre groupes
ethniques qui essentiellement ont les mêmes pratiques culturelles. Par
conséquent, les mères ont tendance à avoir dans ces autres
régions les mêmes comportements thérapeutiques.
Certains travaux abordant la problématique qui a
guidé ce travail à savoir l'offre et la demande de soin de
santé ont abouti plus ou moins sur quelque uns des déterminants
trouvés ici. Notamment l'étude de WAMBERT (2005) montre entre
autres que la religion est un déterminant du recours
thérapeutique à Libreville (Gabon). Il ajoute que parmi les types
de recours thérapeutiques, 53,7% de la population de Libreville se rend
dans les centres de santé. Ce taux se rapproche de celui que nous avons
trouvé dans notre travail c'est-à-dire 57,6% sur le plan national
quand on sait que Libreville abrite plus de la moitié de la population
gabonaise.
S'agissant des facteurs socio économique, WAMBERT
(2005) montre que les individus qui sont occupés professionnellement
à Libreville ont 67% plus de chance de recourir à un centre de
santé que ceux qui n'ont pas d'occupation. Nous avons trouvé
aussi, à peu près dans le même sens, que les mères
dont le partenaire est inactif ont 36% de chance en moins de fournir une prise
en charge médicale (antipaludique approprié et recours à
un centre de santé) à leurs enfants impaludés de moins de
cinq ans que celles dont le partenaire est technicien.
Dans une étude réalisée au Congo
Brazzaville en 1995, TALANI et al (2003) montrait que le manque d'argent
explique essentiellement la non prise en charge efficace des signes
annonciateurs du paludisme. Ce facteur constaté dans cette
étude corrobore en quelque sorte les résultats que nous
avons trouvés. En effet, une mère qui a un
partenaire exerçant une activité aura le moyen financier de
prendre en charge médicalement son enfant impaludé.
GLICK, DC (1989) dans une étude menée dans une
région de Guinée Conakry souligne que l'insuffisance de centre de
santé dans certaines régions du pays expliquerait le niveau de
prise en charge médicale du paludisme de l'enfant. En effet, la
région de Libreville/Port gentil offre 61% plus de chance à une
mère de faire une bonne prise en charge à son enfant que celle de
la région Nord ; car Libreville/ Port gentil regroupe plus de 60% de
population et des infrastructures sanitaires et que la région du Nord
est l'une des région qui est la moins couverte en infrastructures
sanitaires par rapport à sa population.
Enfin, une étude menée dans une vallée au
sud du Bénin en 1996 montrait que les facteurs tels que le lieu de
résidence de la mère, le niveau socio économique de la
mère et faiblement la religion de la mère expliquent cette
attitude des mères enquêtées (KINIFFO, I.R et al, 2000).
|