PARAGRAPHE 2 : DE LA
TUTELISATION RIGIDE A L'AUTONOMISATION PROGRESSIVE DES COLLECTIVITES
LOCALES : UN PASSAGE EXISTENTIEL DE LA COOPERATION DECENTRALISEE FRANCE -
CAMEROUN
Les collectivités locales sont une création de
l'Etat. Elles participent de la politique de décentralisation
administrative dans les Etats à structure unitaire. La politique de
décentralisation administrative est largement tributaire du pouvoir
central qui en est l'inspirateur philosophique. Cette politique est
tendanciellement totalisante et ne laisse aux collectivités locales que
des interstices d'autonomie. Dans ce domaine bien plus qu'ailleurs, le pouvoir
central exerce son magistère répressif sur toute
velléité périphérique ambitieuse. Cette attraction
centripète des collectivités "périphériques" se
traduit par la haute surveillance tutélaire du pouvoir central (A). Elle
a même une ambition totalisante (Njoya, 2006 :258). Mais, la
coopération décentralisée dispose aussi d'une autonomie
qui se consolide progressivement (B). D'ailleurs, comme le précise
Réné Chapus, l'idée même de tutelle comporte celle
d'autonomie (Chapus, 1988 : 265).
A- LES COLLECTIVITES
LOCALES ET LA HAUTE SURVEILLANCE TUTELAIRE DU POUVOIR CENTRAL : LE CAS DU
CAMEROUN.
Alors que la coopération décentralisée
nécessite une grande souplesse dans les formes et une certaine
célérité dans les procédures des autorités
de tutelle qui doivent laisser aux magistrats municipaux une marge de manoeuvre
considérable dans leurs contacts avec leurs homologues étrangers,
la tutelle sur les communes au Cameroun, à entendre les experts de la
Banque mondiale est jugée actuellement stérilisante. Par sa
lourdeur, son manque de discernement quant aux actes qui y sont soumis, le fait
qu'elle provoque la remontée de tous les contrôles, elle paralyse
le développement des initiatives (Nach Mback, 1994 : 34). Dans le
cadre de notre analyse, c'est la loi n°77/91 du 25 Mars 1977 (et ses
modifications subséquentes) déterminant les pouvoirs de tutelle
sur les communes, les syndicats de communes et les établissements
communaux qui réglemente la coopération
décentralisée au Cameroun. Au-delà du caractère
rigide des textes régissant le pouvoir de tutelle sur les communes (1),
l'on peut également noter des dissonances dans les politiques de
décentralisation au Cameroun (2).
1) La rigueur des
textes
Le régime juridique de l'action extérieure des
collectivités locales au Cameroun tel que prévu par le
décret n° 77/91 du 25 Mars place celles-ci sous une forte tutelle
assurée par le Ministre chargé de l'Administration Territoriale.
Ce texte donne la possibilité aux collectivités locales de mener
des actions au-delà des frontières nationales à travers
les magistrats municipaux ; mais, fait dépendre une telle
possibilité d'une autorisation préalable du Ministre
chargé de l'Administration Territoriale. En effet, ce texte dispose en
son article 89 : « Le Ministre de l'Administration
Territoriale décide des missions à accomplir hors du territoire
national par les délégués du gouvernement, les Maires et
les Administrateurs Municipaux, ainsi que de l'opportunité des jumelages
des communes avec celles des pays étrangers » (Nach Mback,
1994 : 30).
Cette subordination des relations transnationales des
collectivités locales Camerounaises à l'autorité du MINATD
révèle ni plus ni moins le caractère centralisateur de
l'organisation territoriale de l'Etat au Cameroun dans la pure tradition
jacobine ; c'est une politique restrictive et même
« tendanciellement totalisante » qui ne laisse aux
collectivités locales que des interstices d'autonomie. Dans le cas
d'espèce, le MINATD semble jouir d'un pouvoir quasi-absolu car
contrôlant de près ou de loin les collectivités locales
à travers certaines autorités déconcentrées ;
les gouverneurs ou les préfets eux-mêmes placés sous son
contrôle. Il y a comme l'écrit Roger Gabriel Nlep, une graduation
entre les différentes autorités investies du pouvoir de tutelle,
mais le Ministère de l'Administration Territoriale se trouve être
le lieu géométrique vers lequel doivent converger [...] les
mesures prises en matière de tutelle par ses représentants
territoriaux (Nlep, 1986). La lourde tutelle du pouvoir central
hypothèque ainsi la liberté des collectivités
décentralisées et donne à la décentralisation un
caractère retenu et même illusoire. Les difficultés de
municipalisation de la coopération décentralisée au
Cameroun révèlent également un hiatus jamais comblé
entre les normes et les réalisations, entre la parole et l'acte.
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