2) De la dissonance entre
politique parlementaire et politique pragmatique.
A partir de Bailey, il convient d'effectuer une distinction
entre "politique parlementaire" c'est-à-dire la politique telle que
prescrite par les normes, telle que annoncée dans le discours et la
"politique pragmatique" c'est-à-dire telle qu'elle se fait
concrètement. Dès lors, il peut arriver que la politique
parlementaire consacre la liberté communale et que, au même
moment, la politique pragmatique reconduise l'idée de tutelle
d'où la dynamique de décentralisation (dans les normes, le
discours) et de recentralisation (dans les faits). Il est évident que le
caractère illusoire de la liberté communale est tributaire du
manque de cohérence mieux de la dissonance apparente entre le discours
politique et l'action politique : il y a une sorte de discontinuité
entre le discours, les normes et les faits. Ainsi, au mépris de la
formule chère à Bourdieu selon laquelle le discours politique est
une "parole créatrice qui fait exister ce qu'elle énonce" (Kombi
Mouelle, 1996 : 46), l'autorité Camerounaise s'est plutôt
consacrée au maintien de la tutelle (jugée stérilisante
)sur les collectivités locales. Par cet acte, elle a contribué au
raidissement de la tutelle sur les collectivités locales, mettant par
ricochet à nu la rupture entre la politique parlementaire et la
politique pragmatique au cameroun.
A titre d'illustration, dans son projet de
société Pour le libéralisme communautaire, l'actuel
chef de l'Etat Camerounais, son excellence Monsieur Paul Biya annonçait
dans son « objectif n°9 » que les populations
devraient être capables de choisir librement leurs représentants
(Biya, 1986 :140). Précisant davantage sa promesse
généreuse, l'auteur ajoutait que la pleine participation
démocratique des citoyens à la gestion de leurs communes
respectives sera garantie par l'élection compétitive et libre de
leurs représentants au niveau des municipalités (Biya, 1986).
Pourtant, curieusement, même l'instauration des communes urbaines
d'arrondissement dans les villes de Douala et de Yaoundé qui sont les
deux plus grandes métropoles municipales au Cameroun laisse l'essentiel
de la gestion urbaine aux communautés urbaines dirigées par des
autorités locales sans assise démocratique aucune (Nach Mback,
1994 :188). C'est le lieu de rappeler que, nommé par décret
présidentiel, le délégué du gouvernement dispose de
tous les pouvoirs et détient toutes les attributions normalement
dévolues à un Maire ; ce qui est calamiteux pour la
décentralisation car, si l'on s'en tient aux conseils de Jacques
Baguenard (1980), elle suppose la prise en charge des affaires locales par les
autorités locales indépendantes du pouvoir central tant pour leur
nomination que pour leur révocation , l'élection de la
municipalité n'étant qu'un gage réel de l'autonomie
communale (Nlep, 1986).
De façon laconique, il est clair que les politiques de
décentralisation au Cameroun sont marquées par la dynamique de
décentralisation (dans les normes, le discours politique) et de
recentralisation (dans les faits). Sans doute, cette situation trouve son
explication dans le caractère progressif de la décentralisation
au Cameroun. Mais, soulignons tout de même que les collectivités
locales disposent d'une autonomie qui se consolide progressivement.
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