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La coopération décentralisée entre la France et le Cameroun : un véritable partenariat ?

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par Cyprien BASSAMAGNE MOUGNOK
Université de Yaounde II - Soa - Master II 2007
  

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CHAPITRE II :

ENJEUX ET DEFIS DE LA COOPERATION DECENTRALISEE FRANCE - CAMEROUN

L'émergence, le positionnement et les actions des collectivités locales s'organisent selon les lectures de leur environnement et surtout des objectifs qui sont combinés de manière protéiforme, si bien qu'on ne peut construire sans risque de se tromper une typologie des stratégies qui soit à la fois simple et exhaustive. On peut néanmoins caractériser les composantes majeures de ces stratégies à partir de leurs finalités et des questions qu'elles posent aux collectivités locales. Comme le remarque Santus (2003), du point de vue de l'Etat français, l'action des collectivités françaises et de leurs groupements à l'international constitue un enjeu majeur de promotion

- de l'Europe par leur dynamique d'ouverture des citoyens et des territoires, du transfrontalier aux pays de l'Europe centrale et orientale (PECO),

- de l'aide au développement par leur engagement croissant dans la politique française de coopération internationale,

- de la présence et de l'influence française économique et culturelle par leur contribution essentielle au rayonnement de la France (Santus, 2003 :15).

De même, la coopération décentralisée au niveau intercommunal poursuit des objectifs similaires à ceux dévolus au niveau communal à savoir :

- oeuvrer pour un territoire ouvert sur le monde,

- contribuer à promouvoir à l'extérieur l'activité économique, culturelle ou encore touristique des acteurs de son territoire,

- se préparer pour l'avenir dans le contexte de la mondialisation et de la concurrence accrue entre les territoires ... (Santus, 2003).

Par la présente, qu'il nous soit permis d'analyser essentiellement les enjeux et défis de cette nouvelle forme de coopération internationale pour la France tant il est vrai que les collectivités locales françaises dans leur dynamique d'extension hors des frontières nationales (Petiteville, 1995 :16) seraient mus par un « désir narcissique » (Adda et Smouts, 1989) de rayonnement international à bon marché (Section I), corollaire des politiques françaises d'aide au développement (Section II). Il ne faut pourtant pas tomber dans le piège de croire que cette forme de coopération ne présente aucun enjeu ni défi pour le Cameroun, ce qui ne serait qu'un leurre, car la France comme le Cameroun attend chacun quelque chose de celle-ci.

Seulement, il faut reconnaître que le choix de la "France" nous est imposé en partie par le thème car, n'oublions pas que certains clament haut et fort que les faits ne permettent de définir la coopération décentralisée que comme un apport essentiel des collectivités du Nord à leurs homologues du Sud (Nach Mback, 1994), ce qui doit être pris en compte dans le cadre de cette étude de façon provisoire.

SECTION I : LA PROBLEMATIQUE DE LA CONSOLIDATION DU RAYONNEMENT INTERNATIONAL DE LA FRANCE

Dans un contexte d'accélération de l'interdépendance entre sociétés et de brouillage de la distinction entre interne et externe, il est difficile d'envisager l'établissement et la survie d'un régime politique sans prendre en considération les facteurs d'ordre externe. A la différence de l'Angleterre, la France n'a jamais pleinement accepté le verdict de l'histoire des relations internationales au XXe siècle. Le basculement de la puissance au détriment des vieux Etats européens lui est toujours apparu comme une injustice et comme un danger contre lequel il convenait de s'organiser (Bourmaud, 1997).

Depuis la formation du système franco-africain, les enjeux franco-africains sont fondés, d'une part sur la volonté de puissance française dont le rayonnement est en partie lié à la stabilité politique et au développement économique des Etats africains francophones. Les longs discours sur le devoir de solidarité de la France vis-à-vis de ces Etats n'étaient que subterfuges masquant les objectifs plus réalistes à savoir entretenir ou relancer les activités économiques, les flux internationaux de manière à maximiser les profits des opérateurs tant publics que privés français (Efangon, 2000 :131). La coopération décentralisée pour le développement signifiait que la prospérité des collectivités locales Camerounaises pourtant conditionnée par celle de leurs homologues de l'hexagone devait donner la priorité à l'expansion de celles-ci.

Quoi qu'il en soit, le rayonnement international de la France passe inéluctablement par la promotion d'une modernisation administrative dans "les Suds" calquée sur le modèle Français d'administration publique (Paragraphe 1), bien que celle-ci subit des logiques de réinvention et de réinterprétation de la part des autorités locales politiquement intéressées (Sindjoun, 2002a). Il est même tributaire des "dynamiques des nouvelles politiques urbaines" (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : L'ENJEU DE L' « OCCIDENTALISATION » DE L'ORDRE POLITIQUE LOCAL

Au sens de Bertrand Badie, l'«occidentalisation » de l'ordre politique est utilisée de manière synonymique avec le concept de "mimétisme administratif" qui consiste notamment en la position de centralité ou en la valeur de référentiel attribuée à l'occident en général, à la puissance colonisatrice en particulier dans l'imaginaire institutionnel et la pratique politique des Etats post-coloniaux africains (Sindjoun, 2002a :47). Il s'agit ni plus ni moins d'une tentative de transposition du modèle français d'administration publique en Afrique (Badie, 1992) ayant pour principale vocation de contribuer à consolider l'influence de la France dans le monde (Petiteville, 1995: 120). Curieusement, Marcel Merle met en doute l'existence d'un modèle occidental d'Etat. Il préfère parler des modèles occidentaux car la catégorie "Etat" n'est qu'un modèle abstrait dont les formes ont revêtu dans son propre terroir d'origine, des incarnations très diverses (Merle, 1993 :166)6(*). Luc Sindjoun constate pour sa part que le concept d'"Etat européen" utilisé par Jacques Lagroye dans son désormais célèbre Sociologie politique est dans une large mesure un fétiche ou alors un baobab qui cache mal la forêt des trajectoires multiples et contradictoires du politique dans l'espace dit Européen. Le concept d'"Etat Occidental" est dans une certaine mesure une construction au même titre que le concept d'"Occident" qu'il faut éviter de naturaliser. D'ailleurs, l'analyse de l'Etat en Afrique est un biais référentiel qui s'aplatit dans les jugements éthiques et verse en définitive dans un universalisme hypocrite qui consiste à la tentation d'imposition d'un modèle déposé d'Etat et à la disqualification des trajectoires indigènes du politique (Sindjoun, 2002a :15-16).

Il ne s'agit pas pour autant de tomber dans le piège de l'absolutisation de la réinvention étatique (Badie et Hermet, 1989 : 171-175) qui admet le quasi-enfermement de l'analyse dans le ghetto de la spécificité érigée en irréductibilité car, avant la réinvention et la réinterprétation locales, l'Etat moderne dans la plupart des pays d'Afrique noire procède du rapport de dépendance avec l'Occident (Sindjoun, 2002a). Il serait donc judicieux d'analyser le phénomène en procédant d'une démarche diachronique (A) voire évolutive, ce qui permettra éventuellement de cerner la quasi-opérationnalité du phénomène au Cameroun (B).

A- AUX RACINES DU PHENOMENE

L'« occidentalisation » de l'ordre politique au Cameroun est une construction historique coloniale et néocoloniale. Sa fonctionnalité actuelle est tributaire de cet "imprinting". S'il est vrai que la coopération décentralisée peut être soupçonnée de contribuer, toutes proportions gardées, au façonnement du système administratif Camerounais sur le modèle français - façonnement qui date de la colonisation (1) et qui a été entretenu par la coopération post-coloniale (2) - il est tout aussi vrai que ce sont précisément les analogies historiques, juridiques et linguistiques (Petiteville, 1995 :122) entre le système administratif français et celui du Cameroun qui permettent et justifient cette nouvelle forme de coopération internationale.

1) L'administration coloniale au Cameroun

Comme l'écrit Louis Paul Ngongo (1987), ce terme imprécis recouvre toutes les formes d'organisation imposées au Cameroun par les métropoles anglaises et françaises, institutions politiques et structures administratives. Il s'agit en fait d'un régime d'exception comme en témoignent ses origines, la confusion des pouvoirs qui le caractérise et les structures administratives qui le supportent (Ngongo, 1987 :119).

Si l'on s'en tient à l'histoire du continent africain, personne ne peut nier que la plupart des modèles d'encadrement qui ont fini par prévaloir à l'époque contemporaine ont été exportés et implantés par les Occidentaux7(*). L'Etat au Cameroun serait donc un Etat exporté (et non importé), et implanté par les occidentaux (Sindjoun, 2002a : 37). Dans le cas d'espèce, la colonisation ne saurait être considérée comme une parenthèse dans l'histoire du pays. Elle a été un modèle de socialisation administrative, de transmission des attitudes politiques, des modèles régaliens. Elle a même servi de paravent pour projeter dans les colonies les habitudes métropolitaines (Ngongo, 1987 : 114). Dans le cadre de cette étude, nous proposons d'analyser le phénomène au Cameroun en prenant pour point de départ l'année 1916, date de départ des derniers Allemands du Cameroun (Mveng, 1963 ; Ngongo, 1987 ; Finken, 1996).

En effet, au sortir du début de la première guerre mondiale principalement en 1916, la résistance Allemande contre l'invasion du condominium franco-britannique va être réduite après la prise de la forteresse de Mora. L'Allemagne est alors boutée hors du Cameroun mais consciente de ce que la victoire finale se fera en Europe, elle amène avec elle tous ses fidèles pour s'installer à quelques encablures de Douala c'est-à-dire dans l'île de Fernando Pô. Les Allemands partis, Anglais et Français décident de se partager le territoire ainsi obtenu comme ils l'avaient fait des territoires de l'empire Ottoman en Asie. La France récupère d'abord la portion du territoire qu'elle avait cédée aux Allemands en Novembre 1911 suite à l'affaire du Maroc. Le reste est partagé avec l'Angleterre qui ne prend cependant que 1/5 du territoire conquis alors que c'est elle qui avait menée toute la campagne de conquête, la France ayant été battue au début des hostilités. La France prend les 4/5 dont le port de Douala qui reste l'unique voie de communication navigable avec l'AEF.

La France - puisque c'est elle qui nous intéresse ici - opte pour l'administration directe, bras séculier de la politique d'assimilation (Finken, 1996 : 28). Louis Paul Ngongo remarque que l'assimilation vise l'intégration de l'empire à la métropole et suppose comme moyen la réduction des écarts (économiques, culturels et politiques) entre les deux entités. Un tel objectif ne peut être atteint que si l'on met en place dans les colonies des structures administratives et politiques identiques à celles de la France. Ainsi, pour les français, il s'agirait d'organiser les colonies sur le modèle de la centralisation napoléonienne (Ngongo, 1987 :112). Contrairement aux britanniques, les français procèdent dans leur territoire à une administration territoriale centralisée et assimilationniste inspirée de la tradition jacobine. La décolonisation du Cameroun aurait-elle permis d'enrayer le phénomène ? La réponse à cette question n'est pas aisée d'autant plus que certaines pratiques administratives ont survécu à celle-ci.

* 6 Note critique consacrée à l'ouvrage de Bertrand Badié, L'Etat importé (PP 102 - 167) publié dans Revue Esprit, n°197, Décembre 1993 (sous le titre "La crise des relations internationales".

* 7 On pourrait, pour s'en convaincre, partir par exemple de la conférence de Berlin qui symbolise le partage de l'Afrique par les occidentaux. Les pays Africains, en raison du principe sacro-saint de l'intangibilité des frontières n'ont pas modifié les frontières héritées de la colonisation.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard