2) L'administration
Camerounaise pendant la période post-coloniale
Toute nation qui a vécu une aventure impériale
en garde une nostalgie de grandeur, même si cette aventure a
été coûteuse humainement et moralement (Defarges,
1994 :65). En dépit de la diversité des puissances
coloniales au Cameroun (Ngoh, 1988), seul le modèle administratif
français antérieur à la réforme des années
1980 semble déterminer la dynamique centralisatrice de l'Etat au
Cameroun (Sindjoun, 2002a).
Le 1er Janvier 1960, le Cameroun, territoire sous
mandat français de 1916 à 1939 puis territoire sous tutelle de
1946 à1959 accéda à l'indépendance. Cet
évènement était une rupture de continuité dans
l'ordre juridique, car il y eut transfert au profit du Cameroun des
compétences jusque - là réservées à la
France (Oyono, 1990 :9). Cela supposait de la part du jeune Etat la
possibilité de devenir maître de son destin et de son attitude
dans le concert des nations. Cela impliquait davantage une autonomie de
décision et un libre arbitre en matière de politique nationale et
internationale. Malheureusement, en modernisant le Cameroun, la France dans sa
volonté de "partir pour mieux rester" (Smith et Glaser, 1997 : 19)
accéléra le processus de socialisation administrative des
autorités locales Camerounaises. C'est la problématique de la
francisation des cadres de l'administration et de la quasi-instrumentalisation
de l'élite politique locale qui servirait éventuellement de
courroie de transmission de l'idéologie néo-coloniale. A ce
propos, Abel Eyinga pense qu'au lieu de parler de la coopération
franco-Camerounaise, il serait peut être judicieux de parler de
coopération franco-française ou des relations de la France avec
son ombre (Eyinga, 1978).
Signalons que cette conception de la coopération entre
la France et le Cameroun est minorisante, voire réductionniste car, non
seulement elle reprend les catégories éculées de l'analyse
dépendantiste, mais elle occulte également les logiques de
réappropriation et de réinvention de la part des autorités
locales politiquement intéressées.
Néanmoins, la coopération a quand même
permis à la France de maintenir ses positions dans ses anciennes
possessions d'outre-mer et de perpétuer en somme certaines
données coloniales (Bourgi, 1980 : 383). Il s'agissait pour la
France d'une façon ou d'une autre de diffuser sa culture administrative
et sa langue. Personne d'autre ne l'a aussi nettement déclaré que
Georges Pompidou : « De tous les pays, la France est celui qui
tient le plus profondément à l'exportation de sa langue et de sa
culture » (cité par Essama, 1984 :71). Cette exportation
de la culture française semble être opératoire au Cameroun
tant il est vrai que la France par le biais de la coopération
décentralisée tend à favoriser le phénomène
d'acculturation, heureusement mis à mal parfois par les trajectoires
politique et socio- culturelle du pays.
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