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La coopération décentralisée entre la France et le Cameroun : un véritable partenariat ?

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par Cyprien BASSAMAGNE MOUGNOK
Université de Yaounde II - Soa - Master II 2007
  

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B- LA VILLE DU CAMEROUN : NOUVEL ENJEU DE LA COOPERATION INTERNATIONALE ?

Jusqu'à la décennie 1980, l'urbanisation du tiers monde n'était pas un thème prioritaire de la coopération internationale (ACTconsultants-GRET, 1992). Elle était plutôt perçue comme un symptôme de mal développement qu'il fallait endiguer. Pour ne pas être totalement inexistante, la coopération urbaine demeurait marginale, qu'il s'agisse de la coopération bilatérale française en Afrique ou de l'action du PNUD dans l'ensemble des pays en développement (Petiteville, 1995: 56). La France a été l'un des premiers pays à traduire sur le plan institutionnel de nouvelles priorités en matière de coopération urbaine, avec la création d'un bureau du développement urbain au Ministère de la coopération (Petiteville, 1995).

La coopération décentralisée entre villes françaises et grandes métropoles du Sud constitue l'aspect le plus spectaculaire et le plus innovant de la coopération Nord-Sud, tant il est vrai que les villes françaises se présentent comme détentrices d'une véritable expertise de l'ingénierie urbaine dont elles prétendent capitaliser les acquis auprès de leurs homologues du Sud aux prises avec des problèmes d'aménagement, de gestion et de planification qui sont à la mesure d'une croissance urbaine incontrôlée . Il ne s'agit en aucun cas d'une coopération délestée de tout enjeu politico-idéologique, celle-ci étant d'ailleurs conçue comme une politique de faire-valoir et de rayonnement international. On ne manquera pas alors de retrouver à l'échelle de la coopération entre villes françaises et Camerounaises, le syndrome du rapport narcissique que la France entretient avec le Sud où la générosité du verbe dissimule la parcimonie des moyens (Adda et Smouts, 1989) : il s'agit d'un enjeu de puissance. La notion de puissance est à nouveau au coeur des débats car toute réflexion soucieuse de bien cerner les relations internationales fait intervenir le concept de puissance.

Classiquement, la puissance d'un Etat se mesurait à sa capacité à contrôler un espace donné, à dégager les ressources matérielles ou symboliques indispensables à l'exercice d'une stratégie d'influence durable, à dessiner un projet politique mobilisateur de soutien. Cette problématique de la puissance reste dans bien de cas pertinente (Efangon, 2000 : 199) mais, elle commence à être relativisée dans le cadre des théories de l'interdépendance dont Norbert Elias semble faire figure de précurseur dans les années 1970. Ces théories, dans le cadre de la compétition mondiale, mettaient beaucoup plus l'accent sur les plans économique et financier (Keohane ; Nye, 1977) que sur le plan militaire. Finalement, les théoriciens de l'interdépendance en arrivent à la conclusion selon laquelle il n'existe plus de puissance hégémonique au sens Gramscien du terme, ni de puissance purement politico-stratégique.

Bertrand Badie et Marie-Claude Smouts quant à eux pensent que la puissance se définit à présent comme la capacité de contrôler les règles du jeu dans un domaine clé de la compétition internationale (Badie ; Smouts, 1995). Ce qui compte, c'est la capacité d'un pays à structurer une situation de telle sorte que les autres pays fassent des choix ou définissent des intérêts qui s'accordent avec les siens propres (Nye, 1990 :173) : c'est le pouvoir de cooptation (Soft power) qui s'oppose ici au pouvoir de commandement "Hard power" (Nye, 1992).

Le grand apport des interdépendantistes fût de montrer les faiblesses des analyses antérieurs en terme de puissance globale, d'hégémonie totale en y substituant ce que Pierre Hassner a appelé une théorie de l'interdépendance inégale comme réciprocité imparfaite (Hassner, 1974). Dans un système d'interdépendance inégale, la relation est logiquement asymétrique (réciprocité imparfaite) mais nul ne peut complètement imposer sa volonté (domination incomplète). D'où la question de savoir comment utiliser les atouts dont dispose une collectivité locale A dans un domaine donné pour en tirer bénéfice dans une collectivité B (Efangon, 2000 : 201). C'est tout le problème de la transférabilité de la puissance d'un domaine dans un autre "fungibility". La puissance se compose aujourd'hui de phénomènes réels comme l'économie, les stratégies culturelles ou les communications mais aussi, et c'est beaucoup plus neuf d'une capacité de jouer sur une toile de fond multilatérale et de s'adapter continuellement à la nouvelle géométrie mondiale (Boniface, 1998 :41-42). Dans cette perspective, c'est au fond moins le rang que l'on peut tenir qui importe que le rôle que l'on peut concrètement jouer qui devient décisif. Il s'agit donc ni plus ni moins d'une politique de commercialisation de l'image de la France. L'importance de l`image est d'ailleurs ce qui est certainement le plus nouveau dans la détermination de la puissance - non les images de la télévision - mais la perception que l'on a d'un pays (Boniface, 1998).

La coopération urbaine entre les villes françaises et leurs homologues Camerounais offre finalement, à n'en point douter, un cadre d'exhibition, de monumentalisation de la puissance. Il semble ici que le syndrome narcissique de la coopération Nord-Sud que Jacques Adda et Marie-Claude Smouts ont mis en valeur dans la politique de la France face au Sud soit également inhérent à la coopération décentralisée France - Cameroun.

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