2) La dimension
internationale de l'interdépendance
Gilles Breton écrit que l'espace au sein duquel chacun
de nous évolue quotidiennement ne coïncide plus avec celui
défini par les frontières de nos sociétés
d'appartenance. Nous sommes désormais inscrits dans des relations
sociales ou rapports sociaux, qu'ils soient culturels, économiques,
politiques ou autres, qui n'ont pas du tout la même délimitation
socio-spatiale et cette possibilité qui nous est offerte de nous
inscrire dans un nombre plus grand de lieux d'appartenance qui sont
eux-mêmes éclatés spatialement est le résultat d'un
ensemble de processus sociaux qui se condensent dans ce qu'il est convenu
d'appeler la globalisation (Efangon, 2000 : 184).
La coopération décentralisée s'est
développée nous l'avons vu, dans un univers relationnel
essentiellement interdépendant. Michel Crozier et Erhard Friedberg ont
tenu à faire le distinguo qu'il y a entre "interaction" et
"interdépendance". Il y a interaction entre acteurs lorsqu'ils sont ou
se sentent liés par des fonctions complémentaires. Il y a
interdépendance de ces acteurs à l'intérieur d'un contexte
global ; cependant dans l'interaction, un des acteurs peut cesser de se
sentir complémentaire de l'autre, tandis que dans l'organisation ils
doivent le demeurer (Crozier ; Friedberg, 1977: 144).
Dans le cadre des théories de l'interdépendance,
Norbert Elias semble faire figure de précurseur dans les années
70 (Efangon, 2000 : 199-200). Il analyse la société en terme
de configuration c'est-à-dire comme une figure mouvante et changeante et
souligne la différence de vulnérabilité d'un même
Etat selon différents domaines de la compétition
internationale : dans chaque secteur considéré, un jeu
spécifique s'y déroule, une hiérarchie particulière
s'y établit. Un Etat puissant dans le domaine (de l'ingénierie
urbaine par exemple) peut ne pas l'être dans un autre (ingénierie
sociale). Finalement, dans un monde caractérisé par l'entre-
croisement des réseaux et des intérêts, il n'y a plus de
puissance au sens gramscien du terme. L'échange social recouvre une
séquence d'actes créateurs de phénomènes
d'interdépendances. Ce qu'il faut souligner ici et de façon forte
c'est le caractère interdépendant des différents acteurs
de la coopération : les collectivités locales
françaises jouissent d'une expertise en matière
d'ingénierie urbaine qu'elles partagent avec leurs homologues
camerounais, de même, celles-ci disposent d'une expertise en
matière d'ingénierie sociale qu'elles partagent avec
celle-là et vice versa.
Soulignons tout de même que dans un système
d'interdépendance entre "acteurs inégaux", la relation est
nécessairement asymétrique (réciprocité imparfaite)
mais nul ne peut complètement imposer sa volonté (domination
incomplète). Les collectivités françaises et Camerounaises
s'obligent mutuellement. Ceci est d'ailleurs apparent dans les transactions
collusives entre les collectivités locales françaises et
camerounaises.
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