B- LES EFFETS INDUITS DE LA
DECENTRALISATION
Partout où elle s'est développée,
l'action extérieure des collectivités locales a
bénéficié d'un contexte déterminant de
décentralisation territoriale (1) ; - qu'il s'agisse de
dispositions juridiques anciennes, de réformes récentes ou d'un
desserrement progressif du contrôle étatique sur l'action des
collectivités locales (Petiteville, 1995 :16)- et surtout des
politiques de démocratisation (2).
1) Le contexte de la
décentralisation : le cas du Cameroun
Introduit dans le vocabulaire politico-administratif du pays
depuis plus d'une décennie, la décentralisation occupe une grande
place dans la vie politique camerounaise et suscite de nombreuses
préoccupations aussi bien chez les différentes
personnalités politiques nationales que chez les organismes d'aide
bilatérale et multilatérale. Après les fondations
engagées avec la récente révision constitutionnelle de
Janvier 1996, d'autres jalons viennent d'être posés en vue de la
transformation effective du Cameroun en « Etat unitaire
décentralisé ».
En effet, la session parlementaire de Juin 2004 a eu pour
point d'orgue l'adoption de trois lois relatives à la
décentralisation. Il s'agit de la loi n°2004/017 portant
orientation de la décentralisation, celle n°2004/018 fixant les
règles applicables aux communes et la loi n°2004/019
régissant les régions. Sursaut républicain pour les
adeptes bien endoctrinés à l'hymne de la gouvernance, pis-aller
pour les fédéralistes convaincus, artifice pour les
séparatistes abreuvés à la source d'un irrédentisme
malveillant (Obam-Evina, 2004 :12), la décentralisation reste pour
le Cameroun une entreprise noble que l'on devrait bâtir d'une
démarche circonspecte. Il suffit de se munir des lunettes de sociologue
pour comprendre l'utilité d'en rappeler les principes de base qui ne
sont pas aussi clairement compris que pourrait le laisser penser la
banalisation du concept.
Par opposition à la centralisation, la
décentralisation est caractérisée par une
répartition des compétences entre plusieurs personnes
morales : l'Etat, les collectivités locales, les
établissements publics... Il ne s'agit pas pour le pouvoir central de
déléguer quelques unes de ses prérogatives à des
représentants locaux mais, de transférer certaines de ses
compétences administratives à des personnes morales distinctes
(Finken, 1996 :12). L'article 2 de la loi d'orientation de la
décentralisation définit d'ailleurs la décentralisation
comme un « transfert par l'Etat aux collectivités
territoriales [...] des compétences et des moyens
appropriés ». Dans cette perspective, le pouvoir central
n'exerce plus sur les collectivités décentralisées un
pouvoir hiérarchique mais, un simple contrôle plus ou moins
serré qui en Afrique subsaharienne en général et au
Cameroun en particulier, porte le nom de « tutelle ».
Suivant les conseils de Jacques Baguenard, la décentralisation suppose
l'existence d'une sphère de compétences spécifique au
bénéfice des collectivités locales, des activités
locales prises en charge par les autorités locales indépendantes
du pouvoir central tant pour leur nomination que pour leur révocation et
une gestion autonome des affaires locales (Baguenard, 1980). C'est même
la maturation de cette décentralisation dans les pays
industrialisés (Finken, 1996) et le caractère progressif des
politiques de décentralisation dans les pays du Sud qui auraient
favorisé l'envol de la coopération décentralisée
Nord-Sud car, ils auraient accru la marge d'autonomie des collectivités
locales et crée les conditions de la dynamique d'extension de leurs
activités hors des frontières nationales (Petiteville, 1995). La
coopération décentralisée est donc l'un des multiples
effets induits de la décentralisation (Thoenig, 1992) dont on ne saurait
prématurément disjoindre de la démocratisation de
l'Etat.
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