1.1.2.3 Sécurité foncière et
sécurisation
La sécurité foncière
est définie comme « étant le droit ressenti par le
possesseur d'une parcelle de terre, de gérer et d'utiliser sa parcelle,
de disposer de son produit, d'engager les transactions, y compris les
transferts temporaires ou permanents, sans entrave ou interférence de
personne physique ou morale » (BRUCE J et MIGOT- ADHOLLA cité
par MUKABARAGA B. 2003 : 12).
Le concept de sécurité
foncière ne semble guère avoir de définition stricte. Il
renvoie à l'idée que les producteurs ne peuvent accomplir leur
tâche et investir du travail, et/ou du capital dans la terre que s'ils
ont une garantie suffisante de pouvoir bénéficier du fruit de
leurs investissements : récolte à court terme, garantie du
droit d'usage à plus long terme en droit de transmission pour des
investissements d'amélioration foncière. Le besoin de
sécurité foncière se pose tant pour un
« propriétaire » que pour détenteur de droit
secondaires (locataire, métayer, emprunteur, etc.) (LE ROY E,
1993 : 26).
La sécurité foncière
est étroitement liée à la sécurité
économique : pour les familles paysannes, elle conditionne la
possibilité de produire. Inversement, un certain niveau de revenus peut
être une condition pour valoriser la terre, acheter des intrants, etc.,
l'insécurité économique pouvant obliger à
hypothéquer ou vendre la terre ou à vendre sa force de travail au
lieu de cultiver ses champs.
La question de la sécurité
foncière se pose différemment pour les différentes
catégories sociales. Il en est de même pour la terre ou les
ressources sur lesquelles une famille a des droits d'usage permanents et celles
qu'elle a empruntées et sur lesquelles elle ne détient que des
droits temporaires. La sécurité foncière est donc
nécessairement une notion relative : il existe différents
niveaux de sécurité foncière, qui ne sont pas des
degrés sur une échelle linéaire. Un métayer peut se
sentir sécurisé tandis qu'un propriétaire menacé
(LE ROY E, 1993 : 27).
La sécurité d'accès
à la terre ou à une ressource dépend de plusieurs
paramètres :
- Le contenu des différents droits détenus sur
cette parcelle ou cette ressource (droit d'usage : droit d'accès,
de prélèvement, de gestion ; ou de contrôle :
droit d'exclusion, droit d'aliénation) ;
- Leur inscription dans le temps (tout ou partie d'un cycle
annuel d'exploitation ; limitée dans le temps ou sans
échéance définie, transmissible ou non) ; leur
origine (hérité, acquis par défrichement, par emprunt, par
achat, par affectation de la part du chef de la famille, par affectation, par
l'Etat, etc.) ; mais aussi selon la possibilité de les faire valoir
effectivement, et l'assurance qu'ils ne seront pas contestés, ou qu'il
ne sera pas trop difficile ou coûteux de les faire reconnaître en
cas de contestation.
Pour l'Etat, la sécurité
foncière passe donc par le titre foncier, qui établit une
relation directe entre l'Etat (via son appareil politico-administratif) et
l'individu, indépendamment de ses liens sociaux. La simplification du
statut foncier des terres (une parcelle, un droit, un titre) est censée
supprimer les causes du conflit foncier. L'Etat donne ainsi aux instances
administratives et judiciaires le pouvoir d'administrer le foncier, à la
place des autorités coutumières : affectation par la
procédure de concession ; droit de désaffectation en cas
d'absence de « mise en valeur », arbitrage en cas de
conflit, etc. Autant qu'une question d'efficacité, il y a là une
volonté de se substituer aux autorités coutumières comme
instance de gestion de ressources, ce que traduit que l'Etat s'affirme
propriétaire des terres (LAVIGNE DELVILLE P, 1998 : 265).
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