Première partie : L'évolution ou
ampleur du phénomène de la violence conjugale en Haïti
Chapitre 1: Cadre Conceptuel et Historique de la
Violence Conjugale en Haïti
A travers ce premier chapitre nous montrons l'évolution
du phénomène de la violence conjugale en Haïti plus
précisément dans la ville des Cayes. Avant d'entrer
d'emblée dans le sujet nous définissons quelques concepts
clés comme la violence, la violence conjugale. Puis nous faisons
ressortir les différentes formes de manifestations de la violence
conjugale. Ensuite nous essayons de faire une brève historicité
de la violence conjugale. Et enfin nous montrons l'ampleur de la violence
conjugale sur le plan national et sur le plan international
1. Définition de la violence
Avant de définir typiquement le terme violence nous
allons donner son étymologie. violence vient du latin
« violentia », qui
signifie force de « vis » qui est l'emploi
ou l'abus de la force, la puissance, de violence, des voies de faits, d'outrage
à la pudeur. De part son étymologie nous pouvons la
définir comme une force anormale qu'utilise l'un des deux partenaires
qui débouche sur des mauvais actes pouvant causer du tort a l'autre.
Dans le cadre de notre travail nous allons considérer la
définition du Petit Robert qui la définit le fait d'agir sur
quelqu'un ou le faire agir contre sa volonté en employant la force, la
ruse, l'intimidation.
2. Définition de la violence
conjugale
Nous choisissons de ne pas privilégier une seule
définition mais d'en explorer plusieurs. Dans notre travail la violence
conjugale concerne la violence entre conjoints mariés ou non, entre
ex-conjoints séparés ou divorcés. Car d'après nous
ce ne sont pas seulement dans les familles qui sont unies dans les liens du
mariage que règne la violence conjugale.
Plusieurs définitions sont attribuées à
la violence conjugale, nous allons considérer quelques uns.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
définit la violence en ces termes : « L'usage
délibéré ou la menace d'usage
délibéré de la force physique ou de la puissance contre
soi-même, contre une autre personne ou contre un groupe ou une
communauté qui entraîne ou risque fort d'entraîner
un traumatisme, un dommage moral, un mauvais développement ou une
carence».
D'après le CRI-VIFF (*3) canadien la violence
conjugale est un exercice abusif de pouvoir par lequel un individu en position
de force cherche à contrôler une autre personne en utilisant des
moyens de différentes ordres afin de la maintenir dans un
état d'infériorité ou de l'obliger à
adopter des comportements conformes à ses désirs à
lui. Selon le gouvernement québecquoise la violence conjugale
comprend les agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles ainsi
que les actes de domination sur le plan économique. Elle ne
résulte pas d'une perte de contrôle mais constitue un moyen
choisi pour dominer l'autre personne et affirmer son pouvoir sur elle. Elle
peut être vécue dans une relation maritale extra maritale ou
amoureuse à tous les âges de la vie.
Selon un article de l'encyclopédie libre
Wikipédia, la violence conjugale est la violence au sein du couple,
c'est un processus au cours duquel un partenaire exerce dans le cadre d'une
relation privilégiée une domination qui s'exprime par des
agressions physiques, psychologiques, sexuelles, économiques ou
spirituelles. (*4)
En fait, nous pourrions définir la violence conjugale
comme un phénomène par lequel l'un des deux partenaires utilise
la force quand dans leur union, dans leur vie de couple, dans leur vie à
deux survient un contentieux dont parfois ils ignorent même la cause et
que le seul moyen nécessaire pour trancher leur litige c'est l'emploi de
la force, des actes de violence et le pouvoir de domination sur l'autre et qui
se fait de manière répétitive
3-Définition de la violence à l'égard
des femmes
Il n'existe pas de définition universellement
acceptée de la violence à l'égard des femmes. Toutefois,
un groupe international d'experts réuni par l'Organisation Mondiale de
la Santé (OMS) en février 1996 a estimé que la
définition adoptée par l'Assemblée générale
des Nations Unies constituait une référence utile pour les
activités de l'OMS. La Déclaration sur l'élimination de la
violence à l'égard des femmes (1993) définit en effet la
violence à l'égard des femmes comme « tous actes de
violence dirigés contre le sexe féminin et causant ou pouvant
causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles
ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la
privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou
dans la vie privée ».
Dans le cadre de sa Politique d'aide aux femmes
violentées, le Gouvernement du Québec avait déjà
présenté en 1985 une définition de la violence conjugale
qui adoptait le même esprit : « La violence faite aux femmes peut
revêtir plusieurs formes : coups, brûlures, viols, violence
sexuelle, menaces, violence verbale, violence psychologique. Dans certains cas
elle peut conduire à la mort de la victime (...). Il arrive souvent que
les enfants partagent avec leur mère les conséquences de cette
violence.
Cette situation peut être quotidienne ou occasionnelle ;
dans tous les cas, elle fait naître chez les victimes des sentiments de
peur, d'impuissance et de perte d'estime de soi. Elle est vécue dans la
solitude, à l'intérieur des murs du foyer, face à une
société parfois complice, la plupart du temps
indifférente. C'est une violence cachée, souvent excusée
et sur laquelle on commence à peine à réagir2. Dans le
cadre de notre travail nous définissons la violence à
l'égard de la femme comme tout acte de violence que subissent les femmes
au sein de leur foyer qui lui cause des graves problèmes.
3. Les manifestations de la violence
conjugale
La violence conjugale est la forme de violence domestique la
plus répandue dans notre pays. Pour certains la violence conjugale se
borne seulement à la violence physique. Nous voulons les faire savoir
outre de la violence physique la violence conjugale revêt de nombreux
visages comme la violence morale, psychologique, économique sexuelle,
verbale et même religieuse.
Pour réaliser ce travail nous avons mené une
enquête dans la ville des Cayes auprès de quelques familles ainsi
que dans deux institutions telles que le Réseau Sud pour la
Défense des Droits Humains (RSDDH) et l'Association pour la Promotion de
la Justice dans le Sud (APJS). Après avoir établi les
différentes formes de manifestations de la violence conjugale nous
allons montrer les résultats dans des tableaux variés. Car en
écoutant les victimes nous avons pu déchiffrer et distinguer les
différents types de violence conjugale qui existent.
Dans cette section, nous allons utiliser quelques
données recueillies de la part de quelques victimes de la violence
conjugale en attribuant chaque témoignage à la forme de violence
conjugale correspondante.
a) Violence Physique
C'est la forme de violence la plus reconnue en Haïti et
la plus visible. Car elle laisse souvent de traces comme fractures,
lésions et même décès. Elle atteint le corps de la
personne directement. Elle se manifeste par l'usage de certains objets comme
arme à feu, armes tranchantes, coups portés au moyen d'une
ceinture. La personne violente peut donner des coups de points, des gifles, des
coups de pieds, des sévices, des mutilations, des étranglements
à l'autre personne. Cependant on doit souligner que ce sont les femmes
qui sont le plus souvent victimes de la violence conjugale plus
précisément de la violence physique. Car les hommes sont plus
violents, ils peuvent contraindre la femme soit par leur physique, soit par
leur force. C'est la forme de violence la plus facile à
dépister.
Voici une des témoignages d'une victime féminine
de violence physique : « je suis mariée depuis
dix ans, mère de deux enfants. Mon mari est un juge et moi je suis
comptable. Il ne veut pas que j'aille aller travailler par jalousie. Dans ma
vie de couple, je suis victime de la violence conjugale à maintes
reprises et c'est pour la première fois que j'avoue cette
vérité. Mon époux me bat à l'heure voulue le plus
souvent avec son arme à feu. Actuellement je souffre d'une
céphalée intense. Car je reçois toujours des coups
à la tête et c'est rarement qu'il me donne des coups de pieds et
de poings. Je ne sais quoi faire dans cette situation puisqu'il est juge j'ai
peur de porter plainte contre lui et j'ai peur aussi de ses
menaces. » La violence physique atteint directement le corps de
l'autre donc elle entraine des dommages corporels. Plus grave encore, certains
hommes menacent de tuer leur partenaire avec un objet dangereux (couteau,
revolver, fusil...) la violence physique peut conduire jusqu'à la
mort.
b) Violence verbale
L'éducation, l'art de parler, le respect mutuel jouent
un rôle important dans une famille, dans un foyer. Si dans la vie d'un
couple il n'y a pas un respect réciproque on peut dire sans nul doute
qu'il n'y a pas un avenir certain. C'est dans ce cas qu'on peut parler de la
violence verbale qui se caractérise par l'ensemble des propos malsains,
des insultes graves et publiques que l'un des deux partenaires ou bien les deux
à la fois prononcent à l'endroit de l'autre le plus souvent en
public. Rares sont ceux qui injurient l'autre de façon discrète.
Et les insultes qu'ils profèrent à haute voix sont parfois
fausses et l'autre se sent honteux, humilié. Les victimes de la violence
verbale se questionnent toujours et vit dans le doute.
Au cours de notre enquête nous avons enregistré
plusieurs cas de violence verbale et que ce sont les hommes qui sont victimes
le plus. Reportons un de ces cas. Il s'agit d'une victime
masculine : « je vis en concubinage il y a cinq ans,
père de sept enfants. Je suis un contremaitre maçon et elle une
couturière. Ma concubine est très stupide et peu cultivée.
Elle ne parvient jamais à résoudre un conflit familial dans le
calme. On dirait qu'elle n'a pas la capacité de gérer un
problème. Quand on est entrain de chercher une solution à nos
différends elle m'insulte toujours, médit de moi publiquement et
à haute voix, me profère des propos malsains, me dénigre
et tout le monde croit en ce qu'elle dit ».
La violence verbale met la victime dans une situation
d'embarras. parlent plus fort que la femme pour l'empêcher de parler.
Parfois au contraire, ils opposent à leur femme un silence
méprisant, ils ne répondent pas à ses questions, ne
l'écoutent pas et refusent tout dialogue
c) Violence psychologique
La violence psychologique se coïncide avec la violence
verbale. Elle la complète. La violence psychologique s'exprime par des
attitudes diverses, des propos méprisants, d'humiliations (*5). Le
compagnon violent renvoie à la victime une image d'incompétence
de nullité. Il l'atteint dans son image à travers le regard des
autres. La victime perd progressivement confiance en elle-même et en ses
possibilités. Peu à peu s'installent l'intimidation, le
désespoir, une acceptation passive de la situation. Elle s'isole,
s'enferme dans la honte n'ose plus prendre d'initiative. Cette forme de
violence peut conduire à la dépression, à l'alcoolisme, au
suicide. Elle est plus intolérable pour la victime féminine. Elle
perturbe beaucoup plus l'équilibre psychologique de la femme. Prenons un
des cas de violences psychologiques que nous avons enregistré au cours
de notre enquête : « Je suis mariée il y a
8 ans. J'ai trois enfants, je suis secrétaire et je travaillais dans une
des institutions bancaires la ville .Mon mari est agronome. J'ai
abandonné ma profession, mon travail car à maintes reprises mon
mari m'ordonnait de laisser mon travail à cause du
stéréotype qui existe quand on est secrétaire. Apres
plusieurs années de dénigrements, d'humiliations, de menaces et
d'intimidations, j'ai du laisser mon emploi. Maintenant je ne travail plus. Je
n'ai plus confiance en moi. Je ne vais plus fréquenter une autre
université. Je suis vraiment tourmentée et inquiète pour
mon avenir. »
La violence psychologique est difficile à
discerner et à repérer par la victime. Elle nuit à la
santé mentale et affective de la victime. Presque Toutes les femmes
interrogées ont subi des violences psychologiques. Elles sont nombreuses
à dire qu'elles se sentent humiliées, méprisées,
dégradées, vexées.
d) Violence économique
L'argent joue un rôle important dans la vie de tout un
chacun. Donc tout le monde en fait usage. La violence économique est
toujours présente dans les situations de violence conjugale. Dans
certain couple, la violence fait son apparition quand il manque d'argent. La
violence économique s'exprime par le fait que l'un des compagnons ne
travaille pas ou n'a pas une capacité économique suffisante
pouvant subvenir au besoin de sa famille. Et que l'un d'entre eux refuse de
souffrir, il oblige l'autre à faire parfois ce qu'il ne désire
pas. C'est comme si c'était un amour ou un mariage pour de l'argent.
Quand il y a de l'argent tout va bien au foyer mais quand il survient un faible
moyen de revenu cet amour n'en est plus, c'est la violence au sein de la
famille. Dans ce cas se sont les femmes qui sont victimes car la
majorité des femmes haïtiennes ne travaillent. C'est cette forme de
violence le plus souvent en exploitation financière qui signifie que la
femme ne peut, avoir accès au revenu familial, qu'elle n'a pas voix au
chapitre lorsqu'il s'agit de faire des achats et qu'elle ne dispose d'aucun
argent pour elle-même et ce, même si les ressources
financières de la famille sont suffisantes.
Recueillons les propos d'une femme victime de la violence
économique : « je me suis mariée depuis
quinze ans j'ai quatre enfants. Mon mari est comptable. Nous n'avons pas un
compte collectif mais j'avais droit de signature sur le compte de mon mari et
inversement. Je travaillais et lui aussi. Cela fait quatre années que
j'ai perdu mon emploi. Depuis lors mon mari changeait de comportement.
Autrefois nous vivons à l'aise mais à présent la situation
est pire. Qui pis est il a fait des retraits exorbitants sur mon compte sans
que je le sache et met des restrictions sur son compte. Quand je lui parlais
à ce sujet il a décidé de laisser le toit conjugal et que
je ne sais pas à présent ou il est. Pourtant je dois prendre soin
des enfants et avec l'aide de qui ? Je ne sais quoi
faire. » La violence économique dépossède
la victime de toute possibilité d'autonomie financière. Elle est
plus dure pour la victime féminine. L'homme veut toujours
contrôler les revenus de sa femme. Pourtant ils refusent souvent que
leur femme soit au courant de ses moyens financiers. Certaines femmes
affirment que leur mari les prive de leurs moyens financiers en les disant
qu'elles ne peuvent pas contrôler leur argent. Dans ce cas les femmes
sont maintenues par leur mari dans une totale dépendance
économique.
e) Violence sexuelle
Le sexe est l'élément primordial et même
indispensable au sein d'un couple. La violence sexuelle est cette forme de
violence la plus cachée la plus discrète. Elle se manifeste
par le viol, les agressions sexuelles, la contrainte. On peut parler
également de violence sexuelle quand il y a transmission du VIH, du
sida, ou toute autre maladie transmise sexuellement transmissible quand le mari
ou le partenaire refuse d'utiliser le condom, ou qu'il n'avertit pas sa
compagne qu'il est ou pourrait ?re, porteur d'une maladie. Même quand on
est marié on n'a pas le droit de contraindre son épouse à
accepter une relation sexuelle. Il faut toujours respecter le consentement de
l'autre. Cela ne fait pas trop longtemps qu'on reconnait le viol entre
époux. C'était en janvier 2006 en Haïti que les femmes ont
d'ailleurs commencé à dénoncer le viol conjugal (SOFA
juil. 2006, 16). Ce sont les femmes encore qui sont victime en
majorité la violence sexuelle. Son partenaire, son époux, son
compagnon la viole toujours c'est-à-dire subit des rapports sexuels
contre son gré. Quand elle refuse son partenaire le fait savoir que
c'est son devoir envers lui et c'est son droit. Voici les dire d'une victime de
la violence sexuelle. Prenons un des cas qu'on a pu
retrouver : « je suis mariée depuis trente cinq
ans. Au commencement, je pouvais faire le sexe chaque jour et plusieurs fois.
Et cela fait quelques mois que je ne peux pas le faire comme auparavant. Mon
mari n'arrive pas à me comprendre. Quand je ne peux pas il me viole en
me contraignant. Il me dit toujours que son mariage doit être
consommé. Je n'ai pas le droit de refuser. C'est pourquoi il
s'était marié avec moi. Il doit faire le sexe quand il a envie.
Il n'a pas besoin de mon consentement. Que dois-je faire pour remédier
à cette situation ? »
La violence sexuelle contraint la victime à avoir une
relation sexuelle indépendamment de sa volonté.
f) Violence religieuse
La religion joue occupe une grande place dans toute
société. D'ordinaire la profession de foi n'empêche pas
à un couple de s'unir. Mais le plus souvent après s'être
marié un conflit de religion survient dans le couple. L'un oblige
l'autre de professer sa religion et voilà la guerre. La violence
religieuse concerne les cas où l'homme se moque des croyances
religieuses de la femme ou les dénonce et inversement ou lui interdit
d'aller à l'église, ou d'un temple de son choix. Reportons les
propos d'une victime de la violence religieuse : « je me
suis mariée depuis quelques temps. Je suis catholique et mon mari est
protestant. Nous nous sommes unis dans les liens du mariage à
l'église catholique après notre entente. Je lui disais toujours
que je suis et je serai toujours catholique et qu'un dimanche je peux
l'accompagner dans son culte et vice versa. Il était complètement
d'accord. Mais le mariage il veut que je renonce à ma religion pour la
sienne. Je refuse depuis lors je ne peux pas me rendre librement à
l'église et agir ma foi. Quand je dois aller à la messe il que je
le surveille. Aide-moi. »
La violence religieuse vise à briser la foi
religieuse de l'autre.
Type de violences subies par les victimes
féminines
Type
|
Quantité/ Echantillon
|
Pourcentage
|
Physique
|
170/200
|
85%
|
Verbale
|
155/200
|
78%
|
Psychologique
|
120/200
|
60%
|
Economique
|
125/200
|
63%
|
Sexuelle
|
50/200
|
25%
|
Religieuse
|
70/200
|
35%
|
Type de violences subies par les victimes
masculines
Type
|
Quantité/ Echantillon
|
Pourcentage
|
Physique
|
25/60
|
42%
|
Verbale
|
51/60
|
85%
|
Psychologique
|
15/60
|
25%
|
Economique
|
30/60
|
50%
|
Sexuelle
|
15/60
|
25%
|
Religieuse
|
20/60
|
33%
|
Pourcentage de femmes et d'hommes victimes des
différents types de violences conjugales
Libellé
|
Quantité/ Echantillon
|
Pourcentage
|
Femmes
|
200/260
|
77%
|
Hommes
|
60/260
|
33%
|
|