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La genèse d'un projet de renouvellement urbain - le cas du bas Chantenay à  Nantes

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par Philippe Lassale
IAUR (Institut d'Aménagement et d'Urbanisme de Rennes) - Université Rennes 2 - Master MOUI (Maîtrise d'Ouvrage Urbaine et Immobilière) 2012
  

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L'espace public, produit d'une vie économique et d'une mixité

Journaux, salons, cafés

On vient de le voir, nous préférons appréhender l'espace public comme sortant des espaces minéraux ou plantés pour être présent, de manière plus large, omnisciente presque, dans les lieux et vecteurs de communication publique.

Ainsi les remarques de Jürgen Habermas (1962), philosophe et sociologue allemand, présentent un intérêt certain. Il cherche à caractériser l'espace public en identifiant sa rémanence dans trois « formes » qui selon lui font communication ; le journal, le salon et le café.

Le journal car il est issu de l'écriture, premier médium de communication entre les hommes mais surtout premier lieu d'expression après l'agora de la Grèce antique. Les journaux véhiculent la pensée unique du pouvoir, lissée encore davantage par la publicité, mais également les courants alternatifs de pensée dite « libre », depuis les républicains avant la révolution aux fanzines, journaux spécialisés ou dits indépendants.

Le salon quant à lui, est le lieu privilégié de l'échange d'information, depuis les cours des rois aux salons littéraires tenus chez certaines grandes familles, et de nos jours ce que l'on a coutume de nommer les « think tanks », associations de professionnels, penseurs, chercheurs, qui se réunissent afin de réfléchir et échanger sur un sujet de société. On remarquera d'ailleurs que ces groupes de réflexions existent depuis bien longtemps, si l'on considère par exemple la franc maçonnerie dans sa pratique actuelle en Europe.

Enfin le café, qui est en quelque sorte le prolongement naturel du salon accessible au plus grand nombre. Il est en effet ouvert à toutes les catégories sociales, promeut la circulation des idées, accepte la tenue de réunions à caractère public, assure la promotion d'un artiste... Ainsi pendant longtemps la paie des marins était distribuée dans les bars des ports, avec les atmosphères enivrées de jour de paie qui s'en suivaient. Ce sont dans ces lieux que les ouvriers inventeront le syndicalisme, que les artistes dénonceront l'académisme et lanceront de nouveaux courants artistiques. Paquot dira qu'avec les cafés, « c'est l'esprit de la ville qui se répand sur territoire, et avec lui, les conceptions politiques et la reconnaissance de l'opinion publique. C'est une balise dans l'océan agité de la grande ville ». Il citera Champfleury, qui dans ses Souvenirs et portraits de jeunesse, dira que « le café est plus qu'un café, il correspond à un prolongement de l'habitation et à un entre-deux, à la frontière entre la sphère publique et la sphère privée ». On retrouve encore maintenant certains cafés qui sont le lieu de la discussion, de l'échange de points de vue, de la démocratie finalement, en dehors des lieux privés. Cafés d' « after work » entre collègues, cafés de Flore ou Deux Magots pour les intellectuels parisiens, cafés dits « alternatifs » que l'on retrouve souvent dans les villes ou quartiers engagés politiquement. Cafés proposant une connexion internet ou cyber-cafés également, qui installent une part de bureau (personnel ou professionnel) dans la vie publique. L'inverse n'est pas systématiquement valable, mais on constate souvent que l'absence de tels lieux de rencontres peut, en partie, être tributaire des désordres sociaux que l'on retrouve régulièrement dans les quartiers de grands ensembles par exemple, ou de la distension des liens sociaux qui s'opère dans les quartiers pavillonnaires des périphéries urbaines.

Ce qu'il est intéressant de remarquer dans cette approche c'est qu'on est ici en présence de trois formes d'espaces publics qui ne sont pas du ressort de la puissance publique, mais apparaissent spontannément, et sont bien souvent la conséquence d'un quartier vivant. Vivant dans le sens où le lien social existe entre les habitants, qui se réunissent pour discuter, jouer, se rencontrer, etc.

Ces espaces pourraient donc, d'une certaine manière, constituer un des marqueurs d'un quartier ou d'une ville qui favorise l'échange. On remarquera ainsi que bien souvent les quartiers monofonctionnels présentent peu de médium de communication : le grand ensemble en est souvent peu ou pas pourvu ; une zone d'activité est un agrégat de parkings et d'entrepôts qui prête peu à la rencontre ; une zone de bureau présente souvent les mêmes carences ; et les zones industrielles, du fait des distances importantes entre chaque bâti et de la dimension des parcelles, en sont encore davantage dépourvues. Cette carence est également une conséquence de l'absence de diversité de fonctions dans un territoire. Zones d'activités, industrielles ou de bureaux souffrent bien souvent du syndrome du « 9h-18h », car leurs « résidents »... n'y résident pas, et se contentent de faire la navette chaque matin et chaque soir.

Il s'agira donc pour le Bas Chantenay, territoire « asocial » de par l'absence d'espaces publics vivants, de retrouver un dynamisme, qui, l'agence Urban Act le remarque dans sa note d'intention, existait il y a quelques dizaines d'années, lorsque l'activité économique était florissante : « le Haut Chantenay accueillait auparavant les ouvriers travaillant en bas, dans les usines, les chantiers, les ateliers. Cette vie économique suscitait également une vie festive et sociale : des cafés et des bars, des guinguettes (300 au maximum contre 3 aujourd'hui). Il y avait un lien, aujourd'hui très distendu, entre le Haut et le Bas Chantenay. Le quartier emploie en effet moins de main d'oeuvre, l'activité s'y est réduite et les friches sont plus nombreuses, un processus de gentrification relative s'est développé sur le Haut Chantenay (...). Il y a aujourd'hui une déconnexion sociale et économique entre le Haut et le Bas, déconnexion qui a accentué le processus de dévalorisation des quartiers du Bas Chantenay ».

Cette remarque est intéressante car elle fait le lien avec plusieurs des objectifs majeurs de ce projet de renouvellement : la conservation et le redressement de l'activité économique dans le quartier, et le développement d'une mixité de fonction, notamment par l'apport de logements. Cet apport existait de fait, à l'époque où l'industrie était florissante, car les ouvriers habitaient un peu plus haut dans Chantenay, et descendaient à pied tous les matins. Aujourd'hui ils ne sont plus, et leurs maisons ouvrières, au coeur de Nantes, sont devenues des biens immobiliers prisés par les classes supérieures.

On peut donc envisager que ces trois enjeux, espaces publics, activité économique et habitat, sont intimement liés, et que la réussite d'une vie sociale dans le quartier passera nécessairement par un renouveau de sa vie économique ainsi qu'un retour des habitants sur le territoire. On retrouve ce type de réflexion dans les divers fascicules de recommandations sur l'aménagement de l'espace public en France. Ainsi, le livret « Revisiter les espaces publics pour changer la ville », publié par la Direction régionale et interrégionale de l'équipement et de l'aménagement d'Ile-de-France (2011) est introduit par les propos suivants : « Les espaces publics de la ville situent les terrains et les constructions privées dans la ville, en font la vocation, la valeur, l'intérêt, l'usage, l'ambiance. Ils permettent que s'établisse un lien social entre ceux qui y vivent, qui y travaillent ou les visitent ». Plus loin on lira même qu' « un espace public qui est défait par la pauvreté de ses usages, l'insécurité ou l'ambiance qui y règne n'est que la moitié du système composé des pleins et des vides de la ville, des fonctions urbaines qui s'y logent, des flux qui le traversent ».

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