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L'arbitrage dans le système de règlement des différends de l'OMC

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par Diane Horélie PALGO
Université de Bourgogne - Master Juriste d'affaires internationales  2011
  

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B- Les arguments pris en compte pour la détermination du délai raisonnable

Les circonstances prisent en compte par l'arbitre s'apprécient au cas par cas. Elles peuvent être multiples ou uniques selon la mesure qui doit être mise en conformité101(*). Mais l'arbitre n'hésitera pas à rejeter certains arguments avancés par les Etats parties au différend. Il examinera en général les procédures internes de l'Etat concerné par la mise en oeuvre afin de tenir compte toutefois des difficultés auxquelles il pourra faire face pour retirer sa mesure ou la mettre en conformité avec les règles de l'organisation (1). En se fondant sur l'objectif fixé par le Mémorandum, l'arbitre portera également une attention particulière à la situation des pays en développement membres (2).

1-Les procédures internes de l'Etat concerné par la mise en oeuvre des recommandations

La partie au différend qui estime que le délai raisonnable dont l'Etat condamné a besoin pour se mettre en conformité avec les règles de l'OMC doit être supérieur ou inférieur au délai fixé par le Mémorandum c'est-à-dire 15 mois, doit le prouver. Les Etats pour obtenir un délai plus long avancent généralement des arguments internes d'ordre politique ou juridique. Cela peut résulter d'une part des contraintes liées au processus de décision, qui s'avère trop long avec plusieurs étapes ou trop complexe imposant une intervention législative102(*) .Mais le droit interne ne doit pas servir d'obstacle à l'exécution. L'arbitre vérifiera si l'Etat n'a pas délibérément choisi la procédure la plus lourde103(*). Mais l'arbitre peut tenir compte de ces circonstances pour réaménager ce délai de principe.

Dans la décision arbitrale de l'affaire Canada-Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques104(*), il a été considéré que les circonstances pouvant être pris en compte peuvent concerner des mesures administratives ou législatives qui s'avèrent nécessaires, ou encore la prise en compte de la complexité des mesures que l'Etat devra adopter, et enfin le point de savoir si les étapes procédurales conduisant à la mise en oeuvre et leur durée respective, sont prescrites par la loi nationale ou sont facultatives105(*). Mais l'arbitre de l'affaire Argentine-Mesures visant l'exportation de peaux de bovins et l'importation de cuirs finis106(*), a estimé qu'il n'était pas possible de prendre en compte dans la détermination du délai raisonnable, les conditions économiques ou sociales qui précèdent ou accompagnent l'adoption de la mesure gouvernementale incompatibles avec les règles de l'OMC. Cela reviendrait en effet à paralyser le système de règlement des différends ou plutôt à le subordonner au bon vouloir de l'opinion publique des pays condamnés.

En général les arbitres tiennent surtout compte du caractère administratif ou législatif de la mesure à retirer ou à mettre en conformité107(*). Ils considèrent que le processus administratif est généralement plus rapide que le processus législatif. L'arbitre James BACCHUS précise que si la mise en oeuvre se fait par un moyen administratif, tel qu'un règlement, le délai raisonnable sera alors normalement plus court que si elle se fait par un moyen législatif108(*). Les règlements peuvent être changés plus rapidement que des lois. Certes, le processus administratif peut parfois être long, mais le processus législatif peut bien souvent être plus long. Ainsi lorsque la mise en oeuvre requiert un processus administratif interne et non la modification d'une loi, le délai nécessaire doit être plus court que les 15 mois. Par exemple dans l'affaire des saumons le délai a été fixé à 8 mois car il a nécessité un processus administratif109(*).

Lorsque l'Etat condamné est un pays en voie de développement, les arbitres prendront-ils seulement en compte ces arguments ?

2- La situation particulière des pays en développement

Le Mémorandum d'accord dans son article 21.2110(*) rappelle aux arbitres qu'ils doivent être attentifs aux grandes difficultés que peut rencontrer dans une affaire donnée, un pays en développement pour mettre en oeuvre les recommandations et décisions de l'ORD. Les arbitres devront donc allonger pour eux le délai qui devrait normalement être accordé.

Ainsi dans l'affaire Indonésie-Certaines mesures affectant l'industrie automobile111(*), le délai de six (6) mois que l'arbitre aurait normalement accordé à l'Indonésie a été allongé de six (6) mois compte tenu de sa situation particulière112(*). La CE, le Japon et les Etats-Unis dans cette affaire, estimaient que le programme national indonésien du secteur automobile était contraire à ses obligations dans le cadre de certains articles du GATT de 1994. Etait visée l'exonération des droits de douane et de la taxe sur les produits de luxe prévue pour l'importation des véhicules d'origine national et de leurs composants. L'Indonésie a sollicité au titre de ce différend un délai raisonnable pour se mettre en conformité. Elle a précisé dans ses arguments que « s'il est "irréalisable" pour elle de se conformer immédiatement aux recommandations et décisions de l'ORD, ce n'est pas parce que la procédure législative est particulièrement complexe ou longue, mais parce qu'elle connaît actuellement des difficultés sociales et économiques »113(*). L'Indonésie dit que son économie est près de s'effondrer, et que la récession économique a paralysé les entreprises et les branches de production et a conduit à la faillite de nombreuses sociétés lourdement endettées. Ainsi pour déterminer le délai raisonnable dans ce différend, l'arbitre a pris en compte la situation de pays en développement de l'Indonésie mais aussi des difficultés économiques qu'il traversait. Il a donc accordé un délai de 12 mois à compter de l'adoption du rapport du groupe spécial, à l'Indonésie pour mettre sa mesure en conformité avec les Accords de l'OMC.

L'Argentine avait également considéré dans le différend sur l'exportation de peaux de bovins et l'importation de cuirs finis, qui l'avait opposé à la CE, que ses intérêts économiques en tant que pays en développement et sa solvabilité financière par rapport au Fonds Monétaire International (FMI) étaient en jeu114(*).

Toutefois, les Accords de l'OMC ne donnant pas une définition ou liste des pays pouvant être considérés comme des pays en développement, il appartient au membre se considérant comme étant en développement et faisant face à des situations économiques et financières difficiles de le prouver. En effet, dans l'affaire Chili-Taxes sur les boissons alcooliques115(*), l'arbitre mentionne que le Chili  n'a été ni très précis ni très concret quant à ses intérêts particuliers en tant que pays en développement membre, et quant à la façon dont ces intérêts auraient effectivement une incidence sur la durée du délai raisonnable pour la promulgation de la législation modificative nécessaire.

La prise en compte de la situation de pays en développement n'est donc pas automatique. Mais il n'est pas non plus possible d'ignorer l'article 21.2 car il fait partie intégrante du Mémorandum116(*).

Cette prise en compte devient plus difficile lorsque le plaignant qui subit le préjudice dû à la mesure incompatible est aussi un pays en voie de développement. Cela a été le cas dans l'affaire Chili-Système de fourchettes de prix et mesures de sauvegarde appliqués à certains produits agricole117(*), qui a opposé pour la première fois dans une procédure d'arbitrage, deux pays en développement. L'arbitre s'exprimait en l'espèce en ces termes « c'est la première fois qu'un arbitrage au titre de l'article 21:3 c) intéresse des pays en développement à la fois en qualité de plaignant et de défendeur. Le délai de mise en oeuvre des recommandations et décisions de l'ORD en l'espèce est donc une "question ... affect[ant] les intérêts" des deux Membres: les difficultés d'ordre général auxquelles se heurte le Chili en tant que pays en développement en ce qui concerne la révision de son système de fourchettes de prix, qui existe de longue date, et le fardeau imposé à l'Argentine en tant que pays en développement dont l'accès au marché agricole chilien est entravé par le système de fourchettes de prix, en violation des règles de l'OMC..... En revanche, le poids du fardeau de l'Argentine en tant que pays en développement plaignant qui a réussi à démontrer l'incompatibilité d'une mesure contestée avec les règles de l'OMC se trouve alourdi du fait des redoutables tribulations financières de l'Argentine à l'heure actuelle. En conséquence, je reconnais que le Chili peut effectivement se heurter à des obstacles en tant que pays en développement lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre les recommandations et décisions de l'ORD et que l'Argentine elle aussi continuera de pâtir en tant que pays en développement aussi longtemps que sera maintenu le système de fourchettes de prix qui est incompatible avec les règles de l'OMC. En conséquence, compte tenu des circonstances inhabituelles de l'espèce, l'"attention particulière" que j'accorde aux intérêts des pays en développement ne me fait pencher ni en faveur d'un délai plus long, ni en faveur d'un délai plus court ». Bien que voulant respecter les règles du Mémorandum d'accord, et surtout déterminer efficacement le délai nécessaire pour l'Etat membre mis en cause, l'arbitre rencontre parfois des difficultés, qui peuvent le conduire à neutraliser l'application de l'article 21.2.

Mais la situation de pays en développement n'impose pas aux arbitres d'utiliser des critères différents pour la détermination du délai raisonnable. Ils tiendront simplement compte des difficultés particulières que pourra rencontrer le pays concerné pour mettre sa législation en conformité avec les règles de l'OMC.

Comme observé précédemment les arbitres n'hésitent pas à examiner très minutieusement les possibilités de mise en oeuvre que l'Etat envisage d'adopter et cela toujours dans l'idée de parvenir à un règlement efficace des différends. Ils font preuve d'une grande rigueur dans l'examen des arguments des parties. Mais, le but visé par le Mémorandum d'accord à savoir un « règlement rapide » des différends, sera-t-il vraiment atteint dans l'arbitrage de l'article 21.3 c ?

* 101 Décision de l'arbitre Chili - Taxes sur les boissons alcooliques - Arbitrage au titre de l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS87/15, WT/DS110/14, 23 mai 2000

* 102 Op. Cit., note 96, p.616

* 103 Op.Cit., note 96, p.619

* 104 Décision de l'arbitre Canada - Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques - Arbitrage au titre de l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS114/13,
18 août 2000. Paragraphe 49

* 105 BOISSON DE CHAZOURNES Laurence, « L'arbitrage à l'OMC », Revue de l'arbitrage 2003 n°3 juillet-septembre, Editions Litec, pp.949-992, p.965

* 106 Décision de l'arbitre Argentine-Mesures visant l'exportation de peaux de bovins et l'importation de cuirs finis-Arbitrage au titre de l'article 21 :3 c) du Mémorandum d'accord, WT/DS155/10, 31 août 2001

* 107BOISSON DE CHAZOURNES Laurence, « L'arbitrage à l'OMC », Revue de l'arbitrage 2003 n°3 juillet-septembre, Editions Litec, pp.949-992, p.965, p.967

* 108 Décision de l'arbitre Canada - Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques - Arbitrage au titre de l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS114/13,
18 août 2000. Paragraphe 49

* 109 LUFF David, Le droit de l'organisation mondiale, du commerce analyse critique, Bruxelles, Editions établissements Emile Bruylant, 2004, 1277 p., p.934

* 110 Article 21.2 : une attention particulière devrait être accordée aux questions qui affecteraient les intérêts des pays en développement Membres pour ce qui est des mesures qui auraient fait l'objet des procédures de règlement des différends.

* 111 Décision de l'arbitre Indonésie - Certaines mesures affectant l'industrie automobile - Arbitrage au titre de l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS54/15, WT/DS55/14, WT/DS59/13, WT/DS64/12, 7 décembre 1998

* 112 Op.cit., note 109, p.936

* 113 Op.cit, note 111, paragraphe 7

* 114 BOISSON DE CHAZOURNES Laurence, « L'arbitrage à l'OMC », Revue de l'arbitrage 2003 n°3 juillet-septembre, Editions Litec, pp.949-992, p.969

* 115 Décision de l'arbitre Chili - Taxes sur les boissons alcooliques - Arbitrage au titre de l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS87/15, WT/DS110/14, 23 mai 2000

* 116 Op.Cit., note 114, p.969

* 117 Décision de l'arbitre Chili - Système de fourchettes de prix et mesures de sauvegarde appliqués à certains produits agricoles - Arbitrage au titre de l'article 21:3 c) du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends, WT/DS207/13, 17 mars 2003

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo