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Les cas du divorce en droit comparé

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par Mina ADEL ZAHER
Université Jean Moulin Lyon 3 - Droit international privé et comparé  0000
  

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A- Une démarche qui n'est pas très équitable

En effet, une application rigide et absolue du principe d'égalité peut aboutir à des résultats inopportuns et parfois injustes ! Le fait de rejeter une institution sans se référer

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aux faits de l'espèce peut créer une mal entente entre le système français et égyptien. Le Doyen Hugues FULCHIRON critique cette démarche qui a été suivie par la Cour de cassation en 2004 et il dit : ... la Cour de cassation prononce une condamnation que l'on persistera à juger inopportune128. Mais la question qui se pose à ce stade est : d'où vient l'inopportunité ? Ou en d'autres termes, pourquoi cette démarche pourrait-elle aboutir à des résultats inopportuns ?

En réalité, il existe plusieurs raisons pour lesquelles cette démarche pourrait être inéquitable :

1- On commence d'abord par l'examen de la situation des parties. Le rejet de la répudiation musulmane bénéficie-t-il aux parties ? La question peut se poser autrement, le rejet de la répudiation peut-il avoir des conséquences qui ne sont pas voulues par les parties ?

Évidemment, il s'agit ici de la continuité de l'état des personnes. La non-reconnaissance en France de la répudiation algérienne, marocaine ou égyptienne, aura pour conséquence la continuité du lien conjugal alors que dans le pays émetteur de l'acte de répudiation, les époux ne sont plus mariés. Or, le principe de continuité des situations juridiques tend à assurer la permanence du statut des individus et la sécurité juridique dans les relations internationales129.

Sans doute, le rejet de la répudiation engendre une discontinuité radicale dans l'état des personnes130. Le Doyen H. FULCHIRON trouve que les époux divorcés par répudiation dans leur pays ( en Égypte par exemple ) seront considérés comme étant mariés en France131.

La question se pose aussi pour le remariage. La France ne reconnaîtra pas un mariage polygamique célébré sur son territoire ( puisqu'elle trouve que le premier mariage est toujours valable ). On va se trouver donc face à un cercle vicieux de non-

128 H. FULCHIRON, JCP, G, n°36, op. cit. P. 1481

129 M.- L. NIBOYET, « Regard français sur la reconnaissance en France des répudiations musulmanes », R.I.D.C. 1-2006, P.27, s

130 H. FULCHIRON, JCP, G, n°36, op. cit. P. 1481

131 ibid.

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reconnaissance qui pourrait même aboutir à un conflit de civilisations132. Il est certainement vrai que les parties souhaitent avoir une continuité de leur statut. Normalement, le principe de continuité des situations juridiques tend à assurer la permanence du statut des individus et la sécurité juridique dans les relations internationales. En ce qui concerne la continuité du statut, il s'agit ici, et comme l'indique Madame Marie-Laure NIBOYET qui parle d'un respect des situations qui ont été acquises à l'étranger et qui ont produit leurs effets alors qu'elles ne présentaient aucun point de contact avec l'ordre juridique du for. Madame NIBOYET nous donne un exemple sur l'Algérie en disant que : la situation est comparable à celle dans laquelle la répudiation a été prononcée en Algérie, et la demande de reconnaissance est formée en France alors que le mari est venu ensuite résider en France tandis que l'épouse répudiée est resetée au pays. Dans ce cas, la répudiation et ses premiers effets se sont réalisés à l'étranger et l'on ne va pas bouleverser cette situation acquise133.

Certes, le bouleversement de la situation juridique de ces époux peut exister si on raisonne d'une manière dogmatique. Il est vrai que la répudiation en soi est considérée comme une institution inégalitaire selon la conception occidentale des droits fondamentaux, mais elle ne sera inégalitaire que si on l'isole de toute circonstance pratique. Le raisonnement strict en droits fondamentaux pourra même aboutir à des conséquences inopportunes. Le Doyen, Monsieur Hugues FULCHIRON constate aussi cette difficulté en disant que : « pour les particuliers, le rejet des normes étrangères « inégalitaires » entraîne une discontinuité radicale dans l'état des personnes : divorcés ( par répudiation ) dans leurs pays, les intéressés seront considérés comme toujours mariés en France. »134. Cette situation est très gênante, surtout pour les particuliers qui sont de nationalité égyptienne et résident en France. On pourrait même avoir des conséquences inattendues : la femme peut dans un État demander des dommages et intérêts pour répudiation abusive et en même temps, elle peut demander, dans un autre État, une contribution aux charges de mariage.

132 ibid.

133 M.-L. NIBOYET, « Regard français sur la reconnaissance en France des répudiations musulmanes », op. cit, P.43

134 H. FULCHIRON, « Ne répudiez point... », R.I.D.C. 1-2006, P. 7

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Ceci montre bien comment un système juridique pourrait, au nom des droits fondamentaux, conduire à des confusions extrêmes dans le statut des personnes dues au cloisonnement des systèmes juridiques. Mais, il ne faut pas oublier que les premiers perdants sont les parties qui subissent une discontinuité de leur statut. Mademoiselle Léna GANNAGÉ trouve que les dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales sont loin d'être partagées par tous. Elle propose donc de limiter leur application dans l'ordre international de manière à ne pas compromettre la continuité du régime des situations juridiques135.

2- On peut imaginer en Égypte que, dans plusieurs cas, la femme soit d'accord avec le mari pour répudier. Il faut même dire que parfois, au lieu que l'épouse saisisse le juge pour divorcer, une procédure qui va durer longtemps, elle demande à son mari de la répudier. Il est donc difficile dans ces cas de dire qu'il y a une atteinte au principe d'égalité entre époux. Il faut donc se référer à la situation de la femme et voir si sa situation est inégalitaire ou non. En commentant un arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux du 10 janvier 2005, M. J. SAGOT-BUVAUROUX dit ( à propos d'un mariage égyptien suivi d'un divorce au Liban ) que : « Le divorce prononcé au Liban l'était par consentement mutuel. Il ne s'agissait donc pas d'un Talak, véritable répudiation unilatérale qui heurte nos conceptions fondamentales et la Convention européenne des droits de l'Homme »136. Ici, la Cour d'appel a examiné la situation particulière de la femme. Si elle consent à la répudiation unilatérale du mari, il n'y a aucune atteinte au principe d'égalité.

Il y a des cas où la femme ne s'oppose pas à la répudiation, mais, en plus, c'est elle qui invoque l'acte de répudiation devant les juridictions françaises pour pouvoir se remarier en France. Est-ce que dans ce cas, la répudiation sera rejetée au nom du respect des droits fondamentaux alors qu'en même temps on met en cause le droit à cette femme de se remarier ? On peut quand même reconnaître que l'épouse n'est pas toujours d'accord sur la répudiation avec toutes ses conséquences. Il se peut que la femme accepte la répudiation, mais en revanche, elle conteste les conséquences pécuniaires.

135 L. GANNAGÉ, « Regard du Proche-Orient sur les répudiations », R.I.D.C. 1-2006, P.73, s.

136 J. SAGOT-DUVAUROUX, « La régularité internationale d'un divorce musulman », op. cit.

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Dans cette situation, il est clair que la femme ne conteste que le montant de l'indemnité, et c'est souvent le cas en Égypte. Dans certains cas, les époux sont d'accord sur le principe de répudiation, mais, ils ne sont pas d'accord sur les conséquences de cette répudiation. Cette situation est comparable au divorce accepté en droit français avant et après la réforme de 2004. L'article 233 du Code civil après la réforme dispose que : « Le divorce peut être demandé par l'un ou l'autre des époux ou par les deux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage... ». L'objectif du législateur français était, selon le Doyen FULCHIRON et Monsieur MALAURIE, de créer un divorce pour les époux qui, d'accord sur le principe du divorce, ne voulaient ou ne pouvaient s'entendre sur le règlement de ses conséquences137. On peut avoir une situation pareille en droit égyptien : les époux sont d'accord sur le principe de la répudiation, mais, ils ne sont pas d'accord sur les conséquences. Dans ce cas, la femme, résidente en France, saisit le juge français pour contester le montant des indemnités et des autres conséquences pécuniaires nées de la répudiation. Est-ce qu'on peut imaginer que le juge français refuse de reconnaître la répudiation pour sa contrariété au principe d'égalité, dans ce cas, la femme sera obligée de recommencer la procédure du divorce en France et selon le droit français pour obtenir les indemnités voulues ? En effet, Madame NIBOYET répond en disant : « Si c'est dans son intérêt, la femme doit toujours pouvoir obtenir la reconnaissance de la répudiation. »138.

On peut évoquer aussi la situation où la femme renonce au principe d'égalité entre époux. Elle ne demande pas au mari de lui répudier, mais elle renonce au principe d'égalité sous la forme d'un acquiescement à la répudiation. On peut aussi imaginer l'existence d'une répudiation « convenue » c'est-à-dire, que les époux se sont mis d'accord, pas seulement sur le principe de mettre fin au lien conjugal, mais aussi, sur toutes les conséquences qui concernent le divorce.

On peut comparer ce type de répudiation au divorce pour consentement mutuel puisque, dans les deux situations, et comme l'indique l'article 230 du Code civil français : « Les époux s'entendent sur la rupture du mariage et ses effets. ». Là aussi, on ne peut pas imaginer que la répudiation sera inégalitaire. La répudiation, dans ce cas,

137 P. MALAURIE et H. FULCHIRON, La famille, op. cit. P. 273

138 M.-L. NIBOYET, op. cit.

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n'est qu'un moyen pour simplifier la procédure au lieu de passer des mois, voire des années devant le juge pour aboutir au même résultat.

Il faut donc examiner la situation des époux en l'espèce et juger au cas par cas le caractère inégalitaire139 de l'institution et prendre en compte certains éléments essentiels comme l'acquiescement ou l'accord de la femme, ou si c'est la femme qui demande la reconnaissance de la répudiation au juge français.

En revanche, l'examen de la situation des parties n'est pas suffisant pour suivre une démarche pragmatique. Mais, il faut, en plus, examiner le système juridique qui a intégré la répudiation d'une manière globale. Ainsi, on va bien comprendre quelle est la lecture du principe d'égalité dans le système juridique étranger. Il est de même vrai que le raisonnement selon les droits fondamentaux en tant que droits universels aboutira à des solutions très théoriques sans tenir compte de la spécificité du système juridique concerné, c'est donc une démarche abstraite.

B - Une démarche abstraite

C'est une démarche qui consiste à rejeter la répudiation en tant qu'une institution « inégalitaire » sans se référer au système juridique qui l'a intégré pour voir s'il a attribué à la femme des moyens équivalents à la répudiation pour rendre la situation plus égalitaire. On a ici l'exemple de la jurisprudence tunisienne qui rejette la répudiation égyptienne pour sa contrariété à l'ordre public international de la Tunisie sans examiner l'intégralité du contexte du droit égyptien en matière de divorce et sans examiner non plus l'acquiescement de la femme à cette répudiation. En ce qui concerne la jurisprudence française, le fait de raisonner en fonction des droits fondamentaux pourrait conduire à des solutions de même nature. Dire que la répudiation est contraire au principe d'égalité ( quelles que soient les garanties apportées par le droit étranger pour équilibrer la situation et les compensations attribuées à la femme en cas de répudiation abusive ) peut paraître assez inopportun. M.-L. NIBOYET nous donne une solution assez cohérente. Elle propose de procéder à une véritable appréciation in concreto des circonstances de la répudiation, en plus, et ce qui est plus important pour accomplir les

139 selon la conception du juge français

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missions du droit international privé, obliger les juges français à contrôler les systèmes juridiques étrangers dans sa totalité140.

* Mais, quel est le contenu de cette appréciation in concreto de la répudiation ?

En effet, L. GANNAGÉ nous apporte la réponse en disant qu'il s'agit de la question de l'applicabilité des droits de l'Homme dans les relations avec les systèmes juridiques qui relèvent de traditions différentes qui se trouve posée. Et plus clairement, elle précise que « c'est donc l'opposition des droits fondamentaux au respect des identités culturelles qui est au coeur de la controverse. »141. Il est vrai que Mademoiselle GANNAGÉ se réfère aussi à une très grande spécialité du droit égyptien qui est « le pluralisme des statuts personnels » par lequel chaque communauté religieuse a la possibilité de faire application de son propre droit de la famille142. C'est un point qui doit être, selon L. GANNAGÉ, pris en compte pour comprendre le système juridique étranger, et plus précisément, le système juridique égyptien. Pour la répudiation, il s'agit de comprendre la tradition différente et la lecture spécifique des droits fondamentaux. Par exemple, l'article 2 de la Constitution égyptienne dispose que « L'islam est la religion de l'État... », et que « ...les principes de la loi islamique constituent la source principale de la législation. »143. Par conséquent, il ne faut pas s'étonner que la Haute Cour égyptienne a affirmé le 14 août 1994 qu' « interdire à un homme d'avoir plusieurs épouses serait contraire à « un principe absolu » de la loi islamique ». On pourrait donc avoir une position pareille en ce qui concerne la répudiation. L'idée principale, selon le même auteur, est de combattre l'absolutisme des droits de l'Homme dans les relations internationales pour ne pas entraver la coordination harmonieuse des ordres

juridiques144.

Là une question très importante s'impose qui est : comment la jurisprudence française se fonde-t-elle sur la Convention européenne des droits de l'Homme pour rejeter la répudiation et elle ne suit pas le même raisonnement suivi par la Cour européenne des droits de l'Homme qui se caractérise par l'examen des cas de l'espèce et par la vérification au cas par cas du respect des droits fondamentaux ?

140 ibid.

141 L. GANNAGÉ, « Regard du Proche-Orient sur les répudiations », op. cit.

142 ibid.

143 ibid.

144 ibid

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Si on considère que la Convention européenne des droits de l'Homme contient des principes fondamentaux, il faut aussi suivre la méthode in concreto suivie par la Cour européenne des droits de l'Homme pour arriver à des solutions équitables. La question se pose aussi non pas pour le texte de la Convention européenne des droits de l'Homme, mais aussi pour le respect de la méthode suivie par la Cour européenne des droits de l'Homme. En outre, L. GANNAGÉ trouve que les dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme sont loin d'être partagées par tous. Elle ajoute que le premier Président de la Cour de cassation a dénoncé la conception universaliste des droits fondamentaux en faisant observer « qu'imposer à l'encontre de jugements venus d'ailleurs des valeurs perçues comme impératives, suppose, en effet, qu'elles aient une égale vocation à s'appliquer dans toutes les traditions juridiques. La légitimité d'une position assez absolutiste est discutable. Elle revient à postuler l'universalité des droits de l'Homme, à s'opposer au relativisme culturel, à refuser toute concession à la diversité. Les droits de l'Homme affirmés par la Convention européenne des droits de l'Homme ne sont que l'expression d'une certaine culture régionale et n'ont pas de vocation à faire systématiquement obstacle à toute reconnaissance de situations acquises sous l'empire d'une loi ou par le truchement d'un jugement provenant d'une culture profondément différente. »145

Il faut donc tenir compte de la spécificité du système juridique étranger en général et comprendre son idée du respect du principe d'égalité. Mais, en revanche, il ne faut pas être très optimiste. L'utilisation de l'appréciation in concreto ne peut sauver la reconnaissance de la répudiation que si les circonstances de l'espèce faisaient apparaître que la femme avait consenti à la répudiation. Selon Madame NIBOYET, seul le consentement de la femme pourrait compenser l'inégalité originale de la répudiation146. Il ne faut pas non plus oublier que la démarche pragmatique essaye de concilier d'une manière effective entre deux objectifs : Le premier est le respect du principe d'égalité, mais le second est essayer de reconnaître la répudiation lorsque la situation des parties montre qu'il n'y a aucune atteinte aux droits fondamentaux. De même, il faut tenir compte des conventions bilatérales comme la convention franco-algérienne et la

145 ibid. P. 111

146 M.-L. NIBOYET, R.I.D.C., op. cit.

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convention franco-marocaine et l'utiliser comme un outil de conciliation et d'harmonisation entre les systèmes juridiques et non pas un outil de rejet.

D'une manière générale, la solution est, d'une part s'ouvrir sur les systèmes juridiques étrangers pour savoir comment ils fonctionnent, et d'autre part, d'approfondir dans le droit étranger pour comprendre le contexte d'une telle ou telle institution. Sans doute, cette démarche incitera les États de tradition musulmane à réformer leur droit pour aboutir à une harmonisation voire une cohérence entre les systèmes juridiques occidentaux et les systèmes juridiques des États qui ont une tradition musulmane.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand