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La promesse de vente de la chose d'autrui


par Florent Kuitche Takoudoum
Université de Nice sophia antipolis - Master II droit de l'immobilier et de l'urbanisme 2007
  

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B) La résolution pour inexécution comme sanction la plus adéquate

Il peut arriver que le vendeur fasse livrer la chose d'autrui sans en avoir acquis la propriété. Si par la suite, le véritable propriétaire revendique, il en résulte pour l'acheteur un trouble ouvrant droit à la garantie de la vente115(*). S'attarder un temps soit peu sur cette garantie nous permettrait de mieux cerner notre choix en faveur de la résolution.

On s'est parfois demandé s'il restait place pour l'obligation de garantie en présence de l'article 1599 frappant la vente de nullité : si la vente est nulle, comment peut-elle produire des effets, et en particulier une obligation de garantie à la charge du vendeur ? Les rédacteurs du code civil ne semblent pas s'être préoccupés de cette discordance : ils ont adoptés la théorie romaine de la garantie, alors que sur la question de la vente de la chose d'autrui, ils se séparaient au contraire du droit romain et faisaient du droit de propriété du vendeur une condition de validité. La conciliation serait bien difficile avec une nullité absolue, qui est probablement celle que les rédacteurs du code civil avaient en vue, car comment le vendeur pourrait-il être tenu par une obligation qu'il lui serait loisible de faire tomber en exerçant l'action en nullité ? On pourrait, il est vrai parvenir à un résultat voisin : l'acheteur exciperait de la nullité pour refuser de payer son prix, ou agirait en répétition s'il l'a déjà payé ; et éventuellement en responsabilité délictuelle pour le préjudice subi. Ce ne serait pas l'obligation de garantie : l'acte étant seulement annulable au profit de l'acheteur produit ses effets tant que celui-ci ne demande pas la nullité, et le vendeur n'ayant pas droit à la nullité, ne peut s'en servir pour échapper à son obligation. L'acheteur, actionné en obligation, pourra donc appeler son vendeur en garantie et, une fois l'éviction consommée, réclamer le remboursement du prix, et, s'il est de bonne foi des dommages intérêts pour le préjudice que lui cause l'inexécution du contrat116(*).

A défaut d'éviction, la garantie ne peut trouver application. Cette garantie, prévue aux l'article 1626 à 1640 du code civil oblige doublement le vendeur. Il doit en effet personnellement s'abstenir de porter atteinte aux droits transmis à l'acquéreur et l'assurer contre les risques d'éviction résultant de l'action de tiers qui invoqueraient un droit sur l'immeuble vendu portant atteinte à la propriété, à la possession ou à la détention de l'acquéreur. L'éviction pourrait ainsi résulter de l'existence d'un bail sur tout ou partie du bien vendu, qui n'aurait pas été signalé par le vendeur117(*). Celui-ci doit en effet avertir son cocontractant des charges réelles et personnelles qui grèvent le bien vendu.

L'éviction peut également résulter de la découverte d'une servitude non déclarée par le vendeur. Toutefois, dans une telle hypothèse, la garantie contre l'éviction ne pourra profiter à l'acquéreur si la servitude est une servitude légale ou une servitude apparente. On considère, en effet dans ce cas, que l'acquéreur était sensé en avoir connaissance118(*). Mais lorsqu'une servitude administrative constitue une charge exceptionnelle, qui n'est pas la conséquence normale de la nature ou de la situation de l'immeuble, elle sera considérée comme une servitude non apparente au sens de l'article 1638 du code civil et, à ce titre, devra donner lieu à information de l'acquéreur119(*). A défaut, celui-ci pourra agir en garantie contre l'éviction et obtenir la résolution du contrat ou l'allocation de dommages intérêts dès lors que l'absence de révélation d'une telle servitude l'aura emmené à contracter. Il est à noter que la publication foncière d'une servitude non apparente ne dispense pas le vendeur d'en informer l'acquéreur120(*).

Le vendeur ne peut se décharger par convention de la garantie d'éviction d'un fait personnel121(*), le principe « qui doit garantie ne peut évincer étant d'ordre public ». Aussi la clause par laquelle l'acquéreur s'oblige à prendre le bien dans son état actuel, sans recours possible contre le vendeur, ne peut avoir pour effet d'écarter l'action de l'acheteur contre son vendeur en raison du trouble de jouissance dont il est victime en conséquence d'une obligation de raccordement de l'immeuble acquis au réseau d'assainissement communal (6). Il ne saurait donc invoquer la prescription acquisitive pour se faire reconnaître propriétaire de l'immeuble vendu dont il aura conservé la possession, mais il peut s'exonérer de celle résultant du fait des tiers. La clause de non garantie du fait d'un tiers suppose toutefois, pour pouvoir produire effet, que l'acquéreur ait été pleinement renseigné sur les circonstances, antérieures à la vente, susceptibles de provoquer son éviction, et que le vendeur soit de bonne foi (les vendeurs professionnels sont en conséquence exclus du bénéfice d'une telle exonération) ; Aussi si l'éviction résulte d'une servitude que le vendeur était sensé connaître, et qu'il n'a pas signalé à son cocontractant, l'exonération de garantie ne pourra jouer122(*). Cette exonération ne peut d'avantage être envisagée en considération de la connaissance de l'acquéreur, en l'absence d'information expresse (voir à propos d'un contrat de location non porté à la connaissance de l'acquéreur qui avait pourtant connaissance de la présence des preneurs sur la parcelle acquise ; présence qu'il pouvait considérer comme une simple tolérance non créatrice de droit en l'absence de précision du vendeur123(*).

Pourtant l'acheteur peut avoir intérêt à sortir sans tarder de cette situation incertaine et de se faire rembourser son prix, car, s'il doit attendre, il risque que son vendeur devienne insolvable. C'est cette idée qui inspire la jurisprudence ; elle a fait de la nullité de la vente de la chose d'autrui une nullité relative en la considérant comme une nullité de protection de l'acheteur : grâce à la nullité, l'acheteur pourra agir immédiatement contre son vendeur sans attendre le trouble 124(*)(définition des nullités). Cette action en nullité présente d'ailleurs des analogies avec la garantie, au moins quant aux effets de la bonne ou mauvaise foi de l'acheteur : elle est accordée même à l'acheteur de mauvaise foi, mais elle ne peut donner lieu à des dommages intérêts en plus de la restitution du prix qu'au profit de l'acheteur de bonne foi. Mais il est douteux que la nullité puisse mieux se justifier sous cet aspect que sous celui de la nullité pour défaut d'objet : elle manque de fondements juridiques, elle est inutile et conduit à des conséquences fâcheuses.

Elle manque de fondement juridique, car la nullité relative est la sanction des incapacités et des vices de consentement. Or celle de l'article 1599 n'est la sanction ni d'une incapacité, ni d'un vice de consentement. Sans doute la vente de la chose d'autrui peut résulter d'une erreur, et l'on a souvent considéré celle de l'article 1599 comme un cas de nullité pour erreur ; mais cette idée ne s'accorde pas avec les solutions admises, puisque la loi accorde l'action même à l'acheteur de mauvaise foi et que, d'autre part, la jurisprudence la refuse au vendeur de bonne foi.

D'ailleurs cette nullité relative n'est pas nécessaire pour assurer la protection de l'acheteur, car, si l'on admettait la validité, l'acheteur auquel son vendeur a livré une chose d'autrui trouverait une protection suffisante dans les sanctions habituelles de l'inexécution : « l'exceptio non adipleti contractus » et la résolution. En effet, que le vendeur n'ait rien livré ou qu'il ait livré la chose d'autrui, il se trouve en état d'inexécution, puisqu'il s'était engagé envers l'acheteur non seulement à lui procurer la possession, mais à le rendre propriétaire. Dans ces conditions, si le vendeur le poursuit en payement du prix, l'acheteur peut opposer « l'exception non adipleti contractus »; si l'acheteur veut se faire restituer le prix déjà payé, il pourra agir en résolution.

Les règles de l'action en résolution seraient en outre beaucoup mieux adaptées que celle de la nullité relative125(*). La nullité relative se prescrit par dix ans et la jurisprudence applique effectivement la prescription de dix ans à la nullité de l'article 1599. Mais il peut se faire qu'au bout de dix ans, l'acheteur, même de bonne foi, n'ait pas encore réalisé la prescription ; il suffit de supposer que le véritable propriétaire de l'immeuble vendu habite hors du ressort de cour d'appel de la situation de l'immeuble. Dans l'intervalle qui s'écoulera entre la prescription extinctive de son action et la prescription acquisitive du bien vendu, l'acheteur devra demeurer dans cette situation précaire dont il s'agissait effectivement de le faire sortir : il sera exposé à la revendication du véritable propriétaire sans pouvoir prendre les devants. Avec la résolution, il n'en serait pas de même, la prescription étant de trente ans. A ce point de vue, la résolution serait donc plus protectrice de l'acheteur.

Par contre, la nullité a un caractère automatique que ne présente pas en principe la résolution, qui laisse place au contraire à un pouvoir d'appréciation du tribunal. Mais cet automatisme de la nullité est-il bien nécessaire ? Il a pour conséquence de permettre à l'acheteur de mauvaise foi de faire tomber le contrat immédiatement, sans attendre de savoir si l'exécution sera possible ou non. Au contraire, si l'on admet que la vente est valable et susceptible seulement de résolution, le juge aura un pouvoir d'appréciation lui permettant de tenir compte des circonstances, notamment de la bonne ou mauvaise foi de l'acheteur, et de la possibilité ou de l'impossibilité d'une exécution ultérieure. Si l'acheteur était de bonne foi, il a cru devenir immédiatement propriétaire, et l'on admettra plus facilement la résolution. Si au contraire, il était de mauvaise foi, il savait qu'il ne pouvait devenir immédiatement propriétaire, et il n'est pas fondé à se plaindre avant l'écoulement d'un délai raisonnable.

Enfin, la résolution pour inexécution a sur la nullité relative l'avantage d'être compatible avec les conséquences attachées par la jurisprudence à l'acquisition de la chose par le vendeur et à la ratification du propriétaire.

Ainsi la sanction adaptée à la vente d'une chose d'autrui, n'est pas la nullité, mais la résolution pour inexécution, et certains auteurs en ont conclu que sous le terme de nullité, le code civil avait prévu une résolution126(*). Mais ce système, préférable « de legue feranda », est trop manifestement contraire au texte pour être considéré comme celui de notre droit positif127(*). La jurisprudence , liée par les textes, n'a pu aller aussi loin, mais elle n'a pas non plus échappé entièrement à l'influence des données immanentes de la logique : elle a appliqué les règles de la nullité relative quant à la prescription et à l'absence de pouvoir d'appréciation, mais elle a admis que l'action disparaît sans la volonté de l'acheteur lorsque le droit de propriété se fixe de façon définitive sur lui, notamment en cas de prescription acquisitive réalisée par lui, d'acquisition de la chose par le vendeur, ou de ratification par le véritable propriétaire128(*).

La restitution du prix ne résout pas entièrement les problèmes posés par l'inexécution de l'obligation d'acquérir pour transmettre la chose d'autrui, car le préjudice qui en résulte pour l'acheteur sera très souvent supérieur. Aussi l'article 1599, après avoir posé le principe de la nullité, déclare que la vente « peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fut à autrui ». Sur quoi fonder ce droit à des dommages -intérêts ? Même si, avec la jurisprudence, on considère cette nullité comme une nullité relative, il est impossible de voir là une responsabilité contractuelle, puisque la demande de dommages-intérêts de l'article 1599 suppose la nullité prononcée, et par conséquents les obligations du contrat anéanties. Il ne peut s'agir alors que d'une responsabilité délictuelle à l'occasion du contrat ; la réparation est due au titre de la Culpa in contrahendo, consistant dans la passation d'un contrat nul. Or une telle faute est difficile à admettre dans le cas où le vendeur est de bonne foi, et pourtant le texte ne distingue pas.

Ici encore, les conséquences du système de la résolution de la vente seraient préférables puisque la responsabilité serait contractuelle, résultant de l'inexécution. Entre les dommages intérêts que réclament l'acheteur agissant en garantie après l'éviction consommée et ceux que réclame l'acheteur qui a pris les devants en faisant annuler la vente, il existe une analogie évidente, qui va jusqu'à l'identité. Il est illogique que les uns soient contractuels et les autres délictuels. La jurisprudence s'en est d'ailleurs rendue compte, et, dans la ligne de son système qui fait de la nullité une garantie anticipée, elle a uniformisé ces deux sortes de réparations en étendant les règles de l'une à l'autre.

L'article 1599 limite à l'acheteur de bonne foi le droit de demander des dommages intérêts129(*), et l'on admet qu'il doit en être de même si après éviction, l'acheteur invoque la garantie contre son vendeur : s'il est de bonne foi, il pourra réclamer des dommages intérêts, mais s'il est de mauvaise foi, la garantie sera restreinte à l'assistance en justice et à la restitution du prix130(*). Cette règle peut d'ailleurs être écartée par convention ; l'acheteur de mauvaise foi pourrait stipuler qu'en cas d'éviction, il aura droit aux dommages intérêts, car les clauses qui augmentent la garantie sont parfaitement licites, et, par analogie, on admet la même stipulation pour le cas où il demanderait la nullité de l'article 1599. Quant à la bonne ou mauvaise foi du vendeur, elle est sans importance, et les dommages intérêts sont dus même par le vendeur de bonne foi. C'est la règle admise en matière de garantie de la vente, contrairement au droit commun des contrats d'après lequel le débiteur n'est tenu que des dommages intérêts prévisibles131(*) ; règle très rigoureuse pour le vendeur, d'autant plus qu'il ne peut se prémunir contre elle par une clause du contrat, puisque par hypothèse, il ignore la cause d'éviction. La même règle s'applique aux dommages intérêts de l'article 1599, d'autant plus facilement que le texte ne distingue pas entre le vendeur de bonne foi et le vendeur de mauvaise foi.

En dehors du contrat de vente, où il faut tenir compte de la réglementation particulière de l'obligation de garantie, la sanction de l'obligation d'acquérir une chose pour la transmettre est régie par le droit commun : l'inexécution donne lieu à la résolution dans les contrats synallagmatiques, et en toute hypothèse, à la responsabilité contractuelle. Et il y a inexécution non seulement en l'absence de livraison, mais même s'il y a eu livraison sans constitution ou transfert régulier du droit réel prévu.

* 115. Sur l'obligation de garantie dans la vente de la chose d'autrui, voir notamment : Ricca-barberis, 1915, 18.

* 116. Gand, 3 décembre 1930, pas. 1932. 2. 56.

* 117. Cass. Req., 6 juin 1987 : DP 1988, 1, P. 216.

* 118. Voir notamment, Cassation troisième civile, 20 décembre 1977 : D. 1978, inf. rap. P. 382.

* 119. Cassation civile troisième, 26 avril 1978 : bulletin civile, 1978, III, n° 174 ; 26 mai 2004, n° 0219201, inédit.

* 120. Cassation req., 30 décembre 1940 : jcp 1941, II, 1622, note becque.

* 121. Code civil, article 1628.

* 122. Cassation Civile troisième, 4 juillet 1979 : D. 1980, inf. rap. P ; 221, observation Christian Laroumet.

* 123. Cassation civile troisième, 13 novembre 2003, pourvoi n° 0216286 : juris-data n° 2003-020917.

* 124. Cf. la rivière, essai d'une théorie générale de la garantie en matière de transfert de droit, thèse Paris, 1944, n° 89

* 125. Collin et capitant, t. II N° 869 ;

* 126. Demante et Colmet de Santerre, t. VII, p 28 bis.

* 127. En ce sens, Planol, Ripert et Hamel, t. X, n° 48 ; -Planiol, Ripert et Boulanger, t ; II, n° 2317 ; - de saint-Louvent, thèse préc ; p. 25 ;

* 128. Gaudemet, obligations, p. 107-108.

* 129. Mais peu importe qu'il y ait eu défaut d'attention de sa part : Req. 8 mai 1872, D. 1873.

* 130. En ce sens, Planiol, Ripert et Hamel, t. X, n° 113.

* 131. En ce sens, Planiol, Ripert et Hamel, t. X. n° 113.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault