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Les relations entre les règles des accords multilatéraux sur l'environnement et celles de l'OMC

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par Sandrine DAVANTURE
Université Paris 2 Panthéon Assas - DEA 2003
  

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B. La valeur de ce principe.

A examiner les instruments récents qui se réfèrent à la précaution, on est surpris par les tâtonnements et flottements terminologiques qui les caractérisent16(*). Or c'est l'analyse de ces textes et l'évolution de la pratique qui doivent permettre d'apprécier la valeur juridique du principe de précaution.

Quant à l'analyse des textes, il faut, dans un premier temps, noter que le principe ne figure pas toujours à la même place selon les conventions et se trouve tantôt dans le préambule17(*), tantôt dans le dispositif parmi les obligations générales18(*), les principes ou les dispositions générales19(*). Il ne faut bien évidemment pas, et surtout en matière environnementale, déduire de la place d'une disposition dans une convention sa nature juridique20(*), d'autant plus que la majorité des textes internationaux n'hésitent pas désormais à admettre la qualification de « principe »21(*) au principe de précaution.

Quant à la doctrine, elle n'hésite pas à parler de « principe », mais elle est divisée quant à l'appartenance de ce principe à la sphère coutumière.

Ainsi, selon certains auteurs anglo-saxons, ce principe a une valeur coutumière et pour cela ils se fondent sur des textes internationaux, sur certaines législations ou décisions judiciaires nationales22(*).

Lucchini, quant à lui, est plus dubitatif. Pour lui, même si de nombreux textes internationaux se réfèrent au principe, ainsi que certaines législations (i.e : allemande et française notamment), il dénie à ce principe toute valeur coutumière. Il faut en effet plusieurs éléments réunis pour que le principe de précaution se mue en un principe coutumier : une pratique étoffée et une opinio juris, un contenu stable et une certaine précision. Or pour cet auteur, l'état de développement de ce principe ne fait pas apparaître que ces trois composantes soient d'ores et déjà satisfaites.

Pour Mme Martin-Bidou, l'analyse des expressions qui introduisent le principe dans les textes internationaux est particulièrement révélatrice d'une absence de volonté politique de lui accorder une portée précise et certaine. Pour elle, comme pour Lucchini, il est douteux, que le principe de précaution ait acquis un statut de principe de droit positif, car les grandes conventions environnementales le tiennent plus pour un principe directeur que comme un principe contraignant.

Il semble donc qu'il existe un certain consensus entre les auteurs pour admettre que le principe de précaution n'a ni valeur de principe de droit positif ni de droit coutumier. Il semble en fait que le principe de précaution apparaît plus comme un principe interprétatif, ce qui signifie que les engagements des Etats doivent être compris à la lumière, entre autres, du principe de précaution23(*). Selon ces mêmes auteurs, cette absence de valeur coutumière est due aux incertitudes qui pèsent sur ce principe et à ses contours relativement flous.

Il est dès lors très difficile pour les Etats de se sentir liés par un principe aussi mal défini dont ils perçoivent les implications de manière fort différente. Pour qu'il y ait coutume, la pratique seule est insuffisante, il faut aussi, que les Etats aient entendu considérer cette pratique comme étant le droit, c'est l'opinio juris.

Or, dans le cas du principe de précaution, d'une part la pratique est irrégulière et d'autre part il n'existe pas d'opinio juris, car il est douteux que les Etats qui appliquent le principe le fassent en ayant le sentiment de se conformer à une règle de droit. Il semble alors délicat d'affirmer que l'on se trouve ici en présence d'un principe de droit international à valeur coutumière.

Qu'en est-il de la position de la jurisprudence ? Pour répondre à ces questions, on peut citer deux affaires dont la Cour internationale de Justice à eu connaître.

Cette Cour a été saisie par deux fois du principe de précaution dans un intervalle de temps très bref. Les affaires des Essais nucléaires II et du Projet Gabcikovo-Nagymaros ont, en effet, été l'occasion pour les parties de discuter le statut, le contenu et les conséquences du principe.

Le principe a été soulevé pour la première fois devant la Cour par la Nouvelle-Zélande, qui l'invoquait afin de protéger les ressources naturelles du milieu marin contre les effets des essais nucléaires français24(*). Selon la Nouvelle-zélande, ce principe relevait clairement du droit international coutumier, et imposerait une série d'obligations à l'Etat qui envisage d'entreprendre une activité faisant peser des risques sur l'environnement. Dans sa réponse, la France a émis de sérieux doutes quant à l'appartenance du principe au droit positif. La Cour a toutefois refusé d'examiner la requête au fond.

Dans l'affaire du Projet Gabcikovo-Nagymaros25(*), la question de la cristallisation du principe de précaution en norme coutumière opposait également les deux parties à propos de la question des dommages, effectifs et potentiels engendrés par la construction d'un système de barrages en travers du Danube. La Hongrie présentait le principe comme un prolongement de l'obligation de prévention destiné à empêcher la détérioration des ressources naturelles par une activité dont l'innocuité n'est pas certaine. La Slovaquie contestait l'appartenance du principe de précaution au droit positif tout en indiquant que son comportement n'allait nullement à l'encontre de ce qu'elle considérait comme « un simple principe directeur non obligatoire ».

La Cour a évité de se prononcer sur le principe de précaution, se contentant de noter que « les parties s'accordent sur la nécessité de se soucier sérieusement de l'environnement et de prendre les mesures de précaution qui s'imposent »26(*). A aucun moment elle n'aborde le principe. Certes, la Cour reconnaît bien que des normes nouvelles dans le domaine de l'environnement sont apparues en droit international et qu'elles ont été reprises par de nombreux instruments, mais le principe de précaution n'en fait visiblement pas parties.

Que peut-on conclure de ces décisions ? Pour certains auteurs, ces décisions sont autant d'occasion manquées pour la Cour qui n'a pas saisi ces occasions pour consacrer le principe de précaution comme un principe de droit international, peut-être est-ce dû à la difficulté de la définition et au manque de vision globale des implications de la notion27(*). Pour d'autres, au contraire, par ces décisions, la Cour n'est pas restée indifférente au principe de précaution puisqu'elle en fait mention aussi bien dans son avis consultatif dans l'affaire relative aux essais nucléaires28(*), que dans l'arrêt rendu dans l'affaire relative au Projet Gabcikovo-Nagymaros29(*).

On voit bien à travers ces décisions, que même si le principe de précaution figure dans plusieurs conventions internationales environnementales, il ne possède pas le caractère de principe de droit international, en tout cas c'est ce que l'on peut déduire de la jurisprudence internationale rendue en cette matière. Ce principe aurait sans doute besoin d'acquérir de la précision. Il semble finalement que ce soit le manque de clarté des obligations engendrées par le principe de précaution qui conduit à mettre en doute, pour le moment, son caractère normatif.

Les AME ne sont toutefois pas les seuls instruments internationaux à faire référence au principe de précaution. En effet, ce principe semble s'affirmer, timidement, dans d'autres secteurs comme celui du commerce international notamment grâce à l'instauration de l'OMC et à la conclusion de certains Accords de Marrakech. Toutefois, il n'est pas évident que l'Organe de règlement des différents de l'OMC ait une approche différente des autres juridictions internationales quant à l'application du principe de précaution.

* 16 Selon l'expression de L. LUCCHINI, op.cit p. 716, §22.

* 17 Convention sur la diversité biologique de 1992.

* 18 Convention de Bamako de 1991 (art. 4)

* 19 Convention sur le Climat (art. 3, principes)

* 20 MARTIN-BIDOU (P.), « Le principe de précaution en droit international de l'environnement », RGDIP, 1999-3, p. 660.

* 21 i.e: le traité de Maastricht (art. 130. R, § 2), la Convention d'Helsinki du 17 mars 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux. L. Lucchini, op. cit., p. 717.

* 22 J. CAMERON et J. ABOUCHAR : « this is currently sufficent state practice to allow a good argument that the precautionary principle is a principle of customary international law ». J. CAMERON et J. ABOUCHAR «The Status of the Precautionary Principle in International Law», D. Freestone et e Hey, op. cit. p. 52 ; H. HOHMANN, Precautionary Legal Duties and Principles of Modern International Environmental Law, London, Graham and Trotman/ Martinus Nijhoff, 1994, 377 pages.

* 23 MARTIN-BIDOU (P.), « Le principe de précaution en droit international de l'environnement », op.cit. p.661.

* 24 L'affaire des essais nucléaires (Nouvelle Zélande/France), C.I.J., Ordonnance du 22 septembre 1995

* 25 Affaire relative au projet Gabèíkovo - Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), C.I.J., 25 février 1997

* 26 Rec. 1997, § 113.

* 27NOUZHA (C.), « Réflexions sur la contribution de la Cour internationale de justice à la protection des ressources naturelles », RJE, 3/2000, p.398.

* 28 « L'emploi d'armes nucléaires ferait courir les dangers les plus graves aux générations futures », cf. CIJ, Rec. 1996, p. 244 §35.

* 29 Voir notamment LUCCHINI (L.), « Le principe de précaution en droit international de l'environnement : ombres plus que lumières », AFDI, 1999, p. 714.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon