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La condition juridique des étrangers en zone CEMAC. Contribution au diagnostic de l'intégration personnelle en Zone CEMAC

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par Eric- Adol GATSI TAZO
Université de Dschang Cameroun - Diplôme d'études approfondies  2009
  

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Section 2 : L'ELIMINATION DES DISCRIMINATIONS DANS LE DOMAINE
JUDICIAIRE

C'est l'une des grandes avancées dans la condition des étrangers ressortissants communautaires en zone CEMAC. En effet, le législateur communautaire a fixé comme objectif de conférer à tout ressortissant de la Communauté un bien-être en ce qui concerne le domaine judiciaire. Et cette volonté constatée du législateur CEMAC est encore plus significative lorsqu'on sait que l'intégration judiciaire n'est pas l'un des objectifs prioritaires de la Communauté, ceux-ci étant constitués pour l'essentiel par le Marché Commun (économique et monétaire). Pourtant, la consécration de cette non discrimination dans le

96 Constat effectué à l'issue des travaux du Comité de Suivi et d'Evaluation de la libre circulation des personnes en zone CEMAC en date du 26 janvier 2008.

domaine judiciaire témoigne de la volonté non contestable des responsables de la CEMAC de construire une intégration complète, étendue à tous les secteurs de la vie communautaire.

Le seul pan judiciaire jusqu'ici consacré par les textes communautaires de la CEMAC était constitué par l'existence d'une Cour de justice communautaire97 et la reconnaissance des juridictions nationales comme juridictions de droit commun de la Communauté.98 Mais ces dispositions n'étaient pas dans le but de conférer en elles-mêmes une condition confortable des étrangers d'origine communautaire dans le domaine judiciaire. Conscients du vide existant, les Etats membres de la CEMAC ont, au cours de la 5eme Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement qui s'est tenue à Brazzaville au Congo, en date du 23 janvier 2004, adopté l'Accord de coopération judiciaire entre les Etats membres de la CEMAC.99 Cet accord vise à faciliter la collaboration entre les Etats en ce qui concerne le domaine judiciaire et à travers cela l'amélioration de la situation des ressortissants communautaires sur le territoire des Etats membres autres que les leurs. C'est en ce sens que l'Accord consacre un libre accès aux juridictions nationales à tous les ressortissants de la communauté (para. 1) et assure une exécution des décisions de justice rendues en faveur d'un ressortissant sur le territoire d'un Etat étranger (para. 2).

Para. 1 : UN LIBRE ET FACILE ACCES AUX JURIDICTIONS NATIONALES

Il faut d'ores et déjà signaler que l'accès aux juridictions nationales est ici pris au sens large. L'idée est ici d'assimiler l'étranger ressortissant d'un Etat membre de la Communauté qui se retrouve sur le territoire d'un Etat membre à tout national de celui-ci. Il y a en la matière une interdiction de discrimination fondée sur la nationalité, ce qui est une solution louable en matière judiciaire au sein de la Communauté. Cette interdiction de discrimination est remarquable à deux niveaux différents : à l'accès aux tribunaux stricto sensu (A), et au bénéfice de l'assistance judiciaire (B).

97 Prévue par l'article 2 du Traité instituant la CEMAC du 16 mars 1996 au titre des institutions de la Communauté et faisant l'objet d'une convention propre désignée Convention régissant la Cour de justice de la CEMAC.

98 Reconnaissance déduite des articles 4 et 17 de la Convention régissant la Cour de justice de la CEMAC.

99 Ce même jour, un autre accord a été adopté, à savoir l'Accord d'extradition entre les Etats membres de la CEMA.

A- L'accès aux juridictions nationales par les étrangers ressortissants communautaires

Cet accès peut être vu en deux temps : d'abord l'accès par les justiciables, et ensuite l'accès par les avocats.

1- Le libre accès des justiciables étrangers dans les juridictions nationales

Il s'agit d'une prescription de l'article 5 de l'Accord de coopération judiciaire précité qui assure aux ressortissants de chaque Etat membre la possibilité de saisir les juridictions de tout autre Etat membre dans les mêmes conditions que les nationaux de cet Etat. Le texte est clair, puisqu'il est formulé en des termes propres à éviter toute équivoque : « les ressortissants de chacune des Hautes Parties contractantes auront, sur le territoire des autres, un libre et facile accès auprès des juridictions. ». En application de cette disposition, un gabonais peut librement saisir une juridiction centrafricaine pour la défense de ses droits sans que sa nationalité ne lui soit invoquée comme obstacle, puisque, précise le texte, « il ne pourra, notamment leur être imposé ni caution, ni dépôt sous quelque dénomination que ce soit, à raison de leur qualité d'étranger, soit du défaut de domicile ou de résidence ».100 C'est dire que cet accès ne doit pas être conditionné par une quelconque exigence visant à obliger ledit étranger à fournir une caution. Pourtant, on sait que la tradition est d'imposer une caution à tout étranger qui veut saisir une juridiction nationale, traditionnellement dénommée `'caution judicatum solvi». C'est dire à quel point cette disposition est importante au regard du processus d'intégration humaine en zone CEMAC, ce qui concourt à renforcer la solidarité entre les peuples des Etats parties et leur appartenance à une même Communauté.101

Le législateur communautaire va plus loin en ne faisant pas dépendre ces droits à la condition de domicile ou de résidence. C'est dire que même si les ressortissants étrangers n'ont ni domicile, ni résidence sur le territoire de l'Etat dont ils saisissent la juridiction, l'accès ne peut leur être refusé pour ce grief. Ceci est salutaire car l'hypothèse est bien envisageable, celle des opérateurs économiques qui ont des intérêts sur le territoire d'un Etat membre sans pourtant y résider ou sans y être domicilié. C'est donc un droit très large qui est reconnu à tout ressortissant de la Communauté sur le territoire de tout Etat membre.

Par ailleurs, ce libre accès est reconnu à tout ressortissant étranger quelle que soit la nature de la juridiction saisie puisque le texte parle de « juridictions tant administrative que

100 Article 5 in fine de l'Accord de coopération judiciaire précité.

101 Préambule du Traité instituant la CEMAC.

judiciaire », ce qui constitue une fois de plus une avancée réelle sur la condition des étrangers au sein de la Communauté. A titre comparatif, l'espace judiciaire européen crée par la convention de Lugano102 est limité en ce qui concerne son champ d'application matériel puisqu'elle ne s'applique qu'en matière civile et commerciale, par exclusion des affaires concernant les matières fiscales, douanières ou administratives.103 Cette absence de restriction témoigne du souci du législateur de donner à cette liberté un domaine vaste de manière à permettre à l'étranger concerné de défendre ses droits sur tous les plans dans le pays d'accueil, ainsi que de se faire représenter par un avocat de tout Etat membre.

2- L'accès libre des avocats

L'accord offre également la possibilité à tout avocat d'un Etat membre de la CEMAC de plaider librement devant les juridictions d'un autre Etat membre à l'occasion d'une affaire déterminée y inscrite.104 C'est une innovation formidable qui concourt à opérer un brassage des populations des différents Etats membres, mais surtout à instaurer ou raffermir la coopération judiciaire entre eux. Au regard des droits de l'homme, c'est une mesure tout aussi importante qu'on peut d'ailleurs ranger dans le principe général de droit du droit à un procès équitable. En effet, chacun a le droit de choisir son avocat lors d'un procès et l'institution de cette liberté vient tout simplement garantir les droits des justiciables en éliminant toute discrimination pouvant résulter soit de l'interdiction de tout avocat étranger, soit de la fixation des modalités exigées en raison de la qualité d'étranger de tout avocat ressortissant d'un autre pays membre de la Communauté, discrimination pouvant déboucher sur la violation du PGD sus évoqué.

Cependant, le législateur communautaire fait dépendre l'exercice de cette liberté reconnue aux avocats à la satisfaction de deux formalités :

> d'abord, les avocats dont il s'agit doivent être inscrits au barreau de leur Etat d'origine;

> ensuite, ils doivent exercer selon la législation de l'Etat d'accueil dès lors que le texte leur reconnaît cette liberté à condition « pour eux de se conformer à la législation de l'Etat où se trouve la juridiction saisie ».105 Il s'agit de la législation relative à

102 Il s'agit de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 entre quelques pays européens relative à la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

103 Article 1er de la Convention de Lugano.

104 Article 6 de l'Accord de coopération judiciaire précité.

105 L'in fine de l'article 6 de l'Accord de coopération judiciaire précité.

l'organisation du procès, notamment l'ordre de passage des parties et des avocats, le caractère inquisitoire ou accusatoire du procès, bref toutes les règles relatives au fonctionnement de l'audience et même au droit à l'assistance judiciaire.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld