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Enracinements polynésiens d'hier et d'aujourd'hui dans l'archipel de Nouvelle Calédonie

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par Tomasi TAUTU'U
Université de Nouvelle Calédonie - Master 2 arts, lettres et civilisations option francophonie 2012
  

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2. Au point d'arrivée :

A. La version du Père BERNARD (Nord d'Ouvéa)

Le Père BERNARD, est l'un des premiers missionnaires catholiques venu s'installer au Nord d'Ouvéa (Saint Joseph) en 1857. Jacques IZOULET a développé de façon magistrale son témoignage. Selon lui, un accident survenu à Wallis sur la plage de Fataï, où les indigènes construisaient une grande embarcation pour leur roi, serait à l'origine de l'immigration vers Ouvéa :

« Ils avaient suspendu dans un arbre auprès du chantier, une hache européenne qui ne venait que de paraître dans l'île. Comme le fils du roi passait et repassait sous l'arbre, la hache vînt à lui tomber sur la tête et le tua ; les ouvrier pour échapper à la colère du roi, prennent aussitôt leur famille, sautent dans l'embarcation et s'abandonne à la merci des vents, s'exposant à une mort incertaine pour éviter une mort certaine qui les attendait »157(*).

Si à Wallis les conséquences de l'incident n'a causé qu'une simple blessure au prince, la version du Nord d'Ouvéa - à l'endroit où KAUKELO, chef présumé de l'expédition et personnage central de cet évènement- évoque la mort du fils du roi. Notons ici que ce dernier personnage n'apparait pas dans la version wallisienne, le fils du roi n'est autre que KAUKELO. On pourrait penser que l'exagération de l'évènement et surtout sa gravité présente l'avantage aux yeux des arrivants de justifier au mieux le mobile de leur départ et sans doute de favoriser leur acceptation dans le lieu d'accueil. Remarquons tout de même, que la hache tombant d'un arbre, par hasard sur la tête du prince et le blessant mortellement, paraît presque improbable. La hache cataloguée comme une hache européenne semble aussi alimenter la cause de cet évènement à « l'étranger » et plus précisément aux Blancs.

Selon la tradition orale recueillie par le missionnaire, les fugitifs de Wallis conduit par BEKA, NEKELO, DRUMAI et JEULA quittent leur île par la passe occidentale de Fuga'uvéa, lorsqu'une vieille femme sortie d'un tombeau leur cria :

«  Adieu ! Si vous touchez une terre où les feuilles de palétuvier flottent et les mulets sautent, établissez vous là ».

Ce qui est intéressant ici, c'est que l'auteur, d'après le P.BERNARD a précisé leur itinéraire158(*) :

«  Les pirogues sont passées à Maré mais n'accostent pas par crainte de représailles puis accostent cette fois-ci le sud de Lifou et laissent à Jokin une partie de son équipage. Les autres continuent sur Ouvéa et jettent l'ancre dans l'îlot d'Unyee où les « kanae » sautent bien par-dessus les feuilles de palétuvier. BAZIT grand chef du pays Ohwen, à la nouvelle de leur descente à Ueis, défend à ses sujets de ne leur faire aucun mal, disant qu'il voulait leur conserver la vie et en faire ses sujets. Il leur donna donc Unéis. Laissés en paix dans leur nouvelle terre, les uvéens se multiplièrent bientôt ».

Concernant l'itinéraire, le fait que les nouveaux migrants aient parcouru les deux autres îles Loyauté avant de s'installer à Ouvéa159(*), on peut penser que le chemin inverse a été fréquemment repris par ces mêmes navigateurs ou par leurs descendants. Le père BERNARD remarque à son arrivée à Ouvéa en 1857, la présence de nombreux Maréens. Actuellement, le chef ONDERWOOD de Héo est originaire de Guama Maré. Ouvéa a également été, selon cet auteur « la porte d'entrée » sur la Grande Terre. Ainsi, ces itinéraires constituent en fait les liens « coutumiers » entre les Fagaouvéens et les autres îles loyautés et «  les portes d'entrée»- selon le langage des Kanak- pour faciliter les contacts avec les autres clans de l'intérieur de ces îles.

Cette version de l'histoire est surprenante. En effet, les migrants ne débarquent pas dès la première accostée car ils semblaient vouloir respecter les prédictions des devins. L'indication du lieu d'accostage a été prédite par un esprit sous l'enveloppe d'une femme. Quand il s'agit d'acteurs océaniens à l'époque dite précoloniale, l'historien, en général minimise ou omet le contexte ésotérique et les croyances, alors que cet aspect reste le leitmotiv des agissements des indigènes et donne une part d'explications de certains évènements. Ici, le divin occupe une place importante dans la mentalité fagaouvéenne de cette époque, dans la mesure où il oriente les décisions humaines. La présence de prêtres dans les pirogues va influer les équipages, notamment les chefs légitimes. Sur la terre ferme les règlements de compte entre les prêtres et les chefs se multiplient. La formation de clans issus de scissions et d'alliances diverses semblent expliquer en partie cette fracture géographique de cette population de même origine, aux deux extrémités de l'île d'Ouvéa160(*).

Ce témoignage diffère de la version de BURROW, en l'occurrence, concernant le mobile de la fuite. Il s'agit bien de la mort du fils du roi de l'époque, et non d'une simple blessure que Kaukelo aurait eu, lors de la construction d'une pirogue. Cette version des faits est beaucoup plus plausible, car la gravité de l'évènement aurait éventuellement poussé les ouvriers à fuir. On peut facilement imaginer que la fuite serait due à un homicide à l'encontre d'un prince et se poser la question de l'intentionnalité.

* 157 P.BERNARD lettre au P.YARDIN, 16 novembre 1861, APM ONC 208, cité par J. IZOULET, Ouvéa, histoire d'une mission catholique dans le Pacifique sud au XIXème siècle, Editions l'Harmattan, 2005,p 40 et 41.

* 158 Cet itinéraire est confirmé par Jean GUIART, la chefferie en Mélanésie du Sud, Institut d'Ethnologie, 1992, dans la partie consacrée à Ouvéa.

* 159 Nous sommes persuadés que les nouveaux arrivants s'installent au préalable dans les îlots de Beautemps Beauprés avant de s'engager dans l'île d'Ouvéa. Les témoignages oraux le confirment.

* 160 Cette version des faits est donnée par Jean GUIART.

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