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Asile et réfugiés en droit international

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par Cherif Ly DIA
Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal - Mémoire de maitrise en droit public 2012
  

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Paragraphe 2 - Le développement des politiques anti-migratoires et leurs conséquences sur le droit d'asile des réfugiés

En plus du recul dénoté dans l'implication des pays d'accueil, et qui transparait des diverses manières que nous avons tenté d'analyser, la problématique de l'émigration est aujourd'hui à l'origine de plusieurs politiques pour contrôler voire même limiter ces migrations. Toutefois, du fait de l'assimilation usuelle des réfugiés aux catégories ordinaires de migrants, ces politiques anti-migratoires auront des conséquences souvent négatives sur l'asile et le réfugié.

Il faut ici préciser que nous mettrons surtout l'accent sur l'Europe, car même si, en accord avec nos développements précédents, il est indéniable que les demandes d'asile et reconnaissances de réfugiés ont fortement baissé dans ces pays industrialisés européens, il n'en reste pas moins que le vieux continent accueille le plus fort taux de demandes d'asile, et que ceux-ci viennent de partout à travers le monde, notamment d'Afrique et d'Asie.

Tout d'abord, il ya une rigueur toujours plus grande dénotée dans les politiques de contrôle des flux migratoires. En effet, rappelons qu'en plus de l'assimilation des réfugiés à des notions connexes comme les faux demandeurs d'asile, ou les immigrés clandestins même, on note aujourd'hui qu'aux frontières, les réfugiés sont à peine distingués de toute autre catégorie de migrants. Nous tenterons d'abord de savoir dans quelle mesure les politiques anti-migratoires développées progressivement ont des conséquences sur l'asile du réfugié.

Parmi ces politiques, outre le Programme de la Haye souligné plus haut dans nos développements, et qui a un peu amorcé la mise en oeuvre de la dimension externe des politiques migratoires, il ya le système Dublin avec surtout le Règlement Dublin II du 25 mars 2003appliquée le 1e septembre 2003. Ce règlement, en plus de cautionner la notion de transferts des demandeurs d'asile vers des pays tiers par rapport au premier pays d'accueil du demandeur d'asile, vise aussi à mettre fin au phénomène des demandeurs d'asile sur orbite, c'est-à-dire le fait qu'un demandeur d'asile tente sa chance dans plusieurs pays en se déplaçant d'un pays à un autre en déposant une demande d'asile sans trouver d'Etat qui l'accepte. En effet, ce règlement permet de déterminer l'Etat membre de l'UE responsable de l'examen d'une demande d'asile. Mais les critères de détermination sont variés.

Le règlement Dublin II est donc largement critiqué en ce sens qu'il ne garantit pas l'accès à une procédure équitable pour tous les demandeurs d'asile (chacune étant différente d'un Etat membre à un autre), notamment lorsque les Etats aux portes de l'Europe ne peuvent plus faire face aux flots des demandes60(*). C'est ainsi qu'en 2008, Amnesty International en est venu à demander que l'ensemble de l'UE cesse les transferts.61(*) En effet, le système Dublin, en plus d'empêcher aux demandeurs d'asile l'accès à une procédure équitable du fait des différences selon les pays, cause par la même occasion une totale confusion dans les procédures à appliquer aux demandeurs d'asile. Le système Dublin est aussi à rapprocher du système Eurodac62(*), qui se traduit par la création, au sein de la CE et pour le compte des Etats, d'une unité centrale permettant la comparaison des données dactyloscopiques des demandeurs d'asile.

Concernant le système Dublin, plusieurs institutions se battent pour une meilleure prise en compte des intérêts des réfugiés ou demandeurs d'asile. C'est ainsi que le Forum Réfugiés insistera par exemple sur le fait que le recours contre les décisions de transfert dans le cadre du règlement Dublin II soit systématiquement suspensif.63(*) Aussi, en ce qui concerne Eurodac, Forum Réfugiés s'alarme de la communication des informations relatives aux demandeurs d'asile et réfugiés à leur pays d'origine pouvant les mettre en danger.

Par ailleurs, outre le système Dublin, on peut aussi parler de certaines directives qui portent aussi certaines atteintes à l'asile du réfugié. Il en est ainsi de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1e décembre 2005 relative à des normes minimales d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, ou directive procédures.

Cette directive appellera des critiques virulentes, même de la part des Etas membres de l'UE, elle recevra même la dénomination de « directive de la honte ». En effet, ce texte introduit par exemple en droit communautaire européen des notions telles que celle de `recevabilité' des demandes permettant de rejeter une demande d'asile sans examen complet du dossier et sans recours suspensif d'une éventuelle mesure d'éloignement.64(*) Il est clair que ces mesures d'éloignement portent une atteinte sérieuse au principe du non-refoulement65(*).

En plus de ces directives, l'UE n'a de cesse d'élaborer des notions et techniques en vue de renforcer ses frontières et de restreindre de plus en plus l'institution de l'asile. Il faut préciser que ces notions s'appliquent souvent en étroite collaboration avec des pays voisins de l'UE, ou en tout cas qui sont paradoxalement souvent des tiers par rapport à la première demande d'asile, qui peut donc faire l'objet de transfert.

Nous nous intéresserons donc d'abord à la notion de pays d'origine sûre élaboré par la Commission Européenne. Cette notion est la manifestation par excellence de la capacité de l'Europe à conclure des accords sur les migrations avec des Etats-tiers, accords qui ne tournent souvent qu'à l'avantage exclusif des pays européens.

En effet, cette notion est prévue par l'annexe II de la « directive procédures citée tantôt » (directive 2005/85/CE du 1e décembre 2005 relative à des normes minimales d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres). Cette directive stipule : « lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément, il n'y est jamais recouru à la persécution [...], ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'ya pas de menace en raison de violences indiscriminées dans des situations de conflit armé international ou interne ».66(*)

Il faut d'ores et déjà dire qu'une telle notion, même si elle manque toujours de recueillir l'approbation pratique de tous les Etats membres de l'UE quant à une éventuelle liste commune de ces pays d'origine sûre, est en désaccord avec la Convention de Genève de 1951, base du droit du réfugié. En effet, la Convention de Genève stipule dans son article 3 : « Les Etats contractants appliqueront les dispositions de cette Convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d'origine ». La création d'une liste de pays d'origine sûre constituerait donc un moyen de réduction de l'application de la Convention de Genève. En effet, une telle liste ferait que certains individus, du fait de leur appartenance à tel ou tel pays, ne peuvent plus demander l'asile dans certains pays de l'UE.

« L'opération idéologique est redoutable [...]. A terme, un racisme anti-réfugié ciblé sur certaines appartenances nationales ou ethniques, tel qu'il existe déjà est un produit inévitable de ce type de politique».67(*) En effet, comme l'illustre cet extrait du journal Le Monde dès 2004, cette liste de pays d'origine sûre n'est qu'un énième facteur dans la remise en cause européenne du droit d'asile. Ainsi, concernant ces pays sûrs, et à titre illustratif, on peut s'intéresser au cas de la France. Ainsi, la liste française des pays d'origine sûre s'élève à 17 pays, et est dressée par l'OFPRA avec le HCR comme simple observateur. Ainsi, notre pays, le Sénégal occupe une bonne place dans cette liste aux côtés d'autres pays essentiellement africains ou asiatiques (Bénin, Ghana, Inde, Madagascar, Mongolie etc.). On peut aussi se poser des questions sur les critères utilisés dans la détermination de cette liste. Ainsi, les origines des pays sur cette liste sont donc fortement dissuadés du déclenchement d'une quelconque procédure de demande d'asile au risque de se voir notifier que leur demande est « manifestement infondée ».

En marge de cette liste de pays d'origine sûre, nous pouvons aussi invoquer les politiques rigoureuses aux frontières avec les centres de rétention, et surtout le travail de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'UE (FRONTEX). En effet, cette agence est souvent à l'origine de diverses violations des droits fondamentaux. Il en est ainsi surtout lors des interventions de cette agence en mer, ou elle procède souvent à des opérations d'interceptions maritimes de demandeurs d'asile sans aucune considération pour leur droit à l'asile. D'autre part, FRONTEX procède aussi à des opérations de contrôle qui s'opèrent aux frontières extérieures de l'UE avec pour objectif de refouler les migrants vers les pays voisins. Cette agence ne respecte donc nullement le droit d'asile, et surtout l'article 33 de la Convention de Genève de 195168(*), car on note dans ses rapports annuels qu'elle fait souvent état de refoulements divers mais aussi des refus d'entrée. Ainsi, le rapport de l'année 2007 fait état de 130.000 ressortissants de pays tiers qui ont été refoulés de l'UE tandis que le rapport de l'année 2008fait état de 140.000 refus d'entrée69(*). Il est clair donc que les droits de ces migrants ne sont pas pris en compte.

Notons que cette agence porte aussi atteinte au « droit de quitter tout pays » énoncé par l'article 13 de la DUDH du 10 décembre 1948 : « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. »

Mais néanmoins, l'une des plus graves entorses au droit d'asile et surtout à la Convention de Genève de 1951 est sans doute les « accords de réadmission » pris par les pays européens en toute complicité avec les pays de provenance des migrants pour pouvoir renvoyer sans délai les gens dans ces pays. Ces clauses de réadmission sont ainsi prévues par le programme de la Haye précité plus haut dans nos développements. En effet, elles renvoient à une politique de retour et de réadmission guidant vers une « politique efficace d'éloignement et de rapatriement [...] dans le respect intégral de leurs droits fondamentaux et de leur dignité. »70(*)

Ces clauses et accords de réadmission permettent ainsi le retour des étrangers en situation irrégulière. A titre illustratif, on peut invoquer l'Accord de Cotonou signé en Juin 2000 avec les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique, accord qui contient une clause relative aux accords de réadmission de leurs ressortissants entrés irrégulièrement dans l'UE.

Ainsi, tous ces facteurs combinés nous permettent de percevoir que de réelles restrictions sont apportées au droit d'asile du réfugié aujourd'hui, qui, s'il n'est pas ouvertement contesté, voit tout de même l'asile sur lequel il compte pour échapper aux persécutions auxquelles il est confronté, être sérieusement limité voire même menacé.

C'est dans ce même sillage de contestations auxquelles fait face l'asile que le statut du réfugié censé aujourd'hui garantir au réfugié ses droits ainsi que sa protection, voit sa rigidité s'amenuiser, autant dans la procédure de détermination du statut du réfugié (DSR) que dans la protection et l'assistance auxquelles ce statut devrait renvoyer.

* 60 Quelle définition pour l'externalisation de l'asile au niveau de l'Union Européenne ? Le prisme des relations entre associations et institutions en France, Mémoire de recherche présenté par Mlle Soline Aubé, IEP de Toulouse, 2010, page 18

* 61 Amnesty International, Demande aux Etats membres de l'Union européenne de cesser de transférer des demandeurs d'asile vers la Grèce dans le cadre de la procédure `'Dublin II'', Amnesty international, avril 2008.

* 62 Règlement (CE) n° 2725/2000 du conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système « Euro dac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin.

* 63Forum Réfugiés, « pour un régime d'asile européen commun protecteur et pleinement respectueux de la Convention de Genève

* 64 Quelle définition pour l'externalisation de l'asile au niveau de l'Union Européenne ? Le prisme des relations entre associations et institutions en France, Mémoire de recherche présenté par Mlle Soline Aubé, IEP de Toulouse, 2010, page 17

* 65 Cf. développements : partie sur le principe du non-refoulement

* 66 Annexe II directive 2005/85/CE du 1e décembre 2005 relative à des normes minimales d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres

* 67 Article « L'Europe enterre le droit d'asile », Le Monde, mars 2004

* 68 1. Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.

* 69 Agence Frontex : quelles garanties pour les droits de l'Homme ? Etude sur l'agence européenne aux frontières extérieures en vue de la refonte de son mandat, édité en novembre 2010 pour le Parlement européen, page 9

* 70 Point 1.6.4 Politique de retour et de réadmission, Programme de la Haye

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille