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Asile et réfugiés en droit international

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par Cherif Ly DIA
Université Gaston Berger de Saint-Louis, Sénégal - Mémoire de maitrise en droit public 2012
  

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Chapitre 2 : Des perspectives pour la pérennité de l'asile et du statut de réfugié

Aujourd'hui, plus que jamais, l'image de l'asile et du réfugié est au plus bas, le droit d'asile étant de plus en plus entamé, notamment par les diverses politiques anti-migratoires. Cela provient de la dichotomie qu'ont établie les occidentaux entre asile et immigration clandestine, le réfugié est de plus en plus vu comme un « indésirable »78(*). Il n ya plus de véritable distinction entre les migrants irréguliers et les demandeurs d'asile du point de vue de leur traitement. C'est ainsi que les pays occidentaux notamment ont profité de la crise entourant cette émigration clandestine, provenant des pays moins développés pour durcir leur politique, et par la même occasion restreindre l'asile, qui est aujourd'hui, comme nous l'avons vu, enfermé dans des politiques rigoureuses et dures de contrainte.

Aujourd'hui, alors que la Convention de Genève a déjà fêté ses soixante années, il est temps de faire un retour en arrière. On peut alors se demander comment on est arrivé à un jour où, l'asile, qui, à l'origine s'imposait à cause des millions de déplacés de la Seconde Guerre Mondiale en Europe (la Convention s'appliquait uniquement à l'Europe jusqu'au Protocole de 1967), est de plus en plus restreint, et réduit en quelque sorte par cette même Europe qui, aujourd'hui, sans le dire, le réduit considérablement de jour en jour.

Il est alors nécessaire de trouver des solutions avant qu'il ne soit trop tard et que le statut même de réfugié ne soit définitivement remis en cause au même titre que le droit d'asile.

Pour cela, il faudrait sans nul doute penser à une refonte du système d'asile car, rappelons-le, à ce jour, il n'a toujours pas été expressément consacré un droit à l'asile. Ce qui fait qu'accorder l'asile relève du pouvoir strictement discrétionnaire des Etats. Cela permettrait sans doute de diminuer le manque de considération à l'égard des réfugiés ou demandeurs d'asile. De plus, cette dernière catégorie n'est règlementée nulle part, car la Convention de Genève s'adresse aux réfugiés, c'est-à-dire qui ont dépassé ce stade, et ont déjà été reconnus.

Mais un pas majeur constituerait aujourd'hui une certaine harmonisation des politiques d'asile dans le monde, car il ya toujours une très grande marge de manoeuvre dont profitent les pays européens pour baisser sensiblement leur taux de reconnaissance des réfugiés. Ce qui fait que paradoxalement, on dénote plus de réfugiés dans les pays en développement que chez les pays industrialisés.

D'autre part, outre la refonte du système de l'asile, il ya aussi le statut des réfugiés qui mérite certains approfondissements avec surtout la question récemment soulevée des réfugiés environnementaux ou climatiques dont il est réclamé la protection de plus en plus.

Mais l'essentiel des développements que nous allons aborder sera centré sur la réhabilitation de la crédibilité et du réfugié et de l'asile, car ces deux éléments ont permis depuis des décennies de venir en aide à des millions de gens persécutés, égarés et désemparés.

Nous verrons d'abord la pertinence d'une réforme de l'asile (section 1) et ensuite l'importance de la recherche de solutions durables pour les réfugiés (section 2).

Section 1 - La pertinence d'une réforme de l'asile

L'asile tel qu'il apparait aujourd'hui est fortement réduit, restrictif et même menacé. C'est pourquoi nous mesurons toute la pertinence d'une éventuelle réforme de l'asile pour en faire un droit reconnu et strictement réglementé, pour mieux aider le réfugié dans sa demande de cet asile à l'égard des Etats d'accueil. Une telle réforme peut d'abord se traduire par la consécration expresse d'un droit à l'asile (paragraphe premier) mais aussi par une harmonisation des politiques d'asile dans le monde (paragraphe second).

Paragraphe 1 - L'apport d'une consécration expresse d'un véritable droit à l'asile

Si l'asile a été consacré depuis la DUDH de 194879(*), tout au long de sa vie, il n'a pas véritablement fait l'objet d'une consécration lui donnant une réelle valeur juridique contraignante. Il n'a pas fait partie par exemple des « droits naturels, inaliénables et sacrés » proclamés par la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 après la Révolution.

Dans le cadre de l'analyse relative à la consécration d'un tel droit aujourd'hui, nous ne manquerons pas de nous référer à François Julien-Laferrière, professeur émérite de droit public, et par ailleurs membre pour la France du réseau académique Odysseus de spécialistes du droit européen de l'asile et de l'immigration, dont le siège est à Bruxelles (ULB). Ses recherches portent également sur le droit des étrangers et les droits de l'Homme.

Mais pour une meilleure compréhension de la nécessité de consacrer plus rigoureusement le droit d'asile, nous pouvons revenir sur les diverses apparitions textuelles de la notion d'asile en France. Ainsi, il ne figure pas dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789, qui pourtant constitue un texte de référence en matière de droits et libertés. Toutefois, l'article 120 de la Constitution montagnarde de 1793 consacre un asile sélectif : « le peuple français donne asile aux étrangers bannis par leur patrie pour la cause de leur liberté. Il le refuse aux tyrans ». Ensuite, la Constitution de 1795 instituant le Directoire ne mentionne pas l'asile dans sa déclaration des droits et des devoirs. Cette situation va perdurer pendant un siècle et demi, jusqu'au Préambule de la Constitution de 1946 qui l'inscrit dans la Loi fondamentale.80(*) Néanmoins, il faut ici préciser le contexte dans lequel intervint cette consécration de l'asile dans le Préambule de la Constitution de 1946.

« Les persécutions fascistes, nazies et franquistes étaient encore toutes fraîches dans les mémoires et la France, considérée comme "la patrie des droits de l'homme", se voulait terre d'asile. »81(*) De plus, durant les années qui suivirent, les frontières françaises étaient grandes ouvertes, et il n'était même pas besoin de se réclamer de l'asile pour obtenir un droit au séjour en terre française, car avec la reconstruction nationale motivée notamment par la Seconde guerre Mondiale, la force de travail uniquement suffisait.

Toutefois, la situation va changer dès le premier choc pétrolier de 1973-1974 qui s'accompagnera d'une fermeture des frontières. A partir de là, le droit d'asile deviendra (avec le regroupement familial, l'une des seules voies permettant de venir en France. Il devient alors strictement réglementé.

Ainsi s'est-t-on par la suite posé des questions relatives à la valeur juridique de cet alinéa 4 du Préambule de la Constitution française de 1946. Le Conseil d'Etat fut ainsi interpellé dès 1985 sur la question. Il s'agit de l'arrêt Association France terre d'asile du 27 septembre 1985. Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat français est saisi d'un recours contre un décret relatif aux conditions d'entrée en France. Le conseil d'Etat répondra que « le principe du droit d'asile, posé par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ne s'impose au pouvoir règlementaire, en l'absence de précision suffisante, que dans les conditions et limites définies par les dispositions contenues dans les lois ou dans les conventions internationales incorporées au droit français » et « par suite, ce principe ne peut être invoqué indépendamment desdites dispositions ». Donc, le conseil d'Etat dit clairement ici que cet alinéa 4 consacrant le droit d'asile n'est pas d'application directe (`faute de précision suffisante'), contrairement à ses conclusions sur un autre alinéa de ce même Préambule de 1946, l'alinéa 10 qui stipule : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. » en effet, sept ans plus tôt en 1978, à travers l'arrêt GISTI du 8 décembre 1978, le Conseil d'Etat français que cet alinéa 10 fondait le droit à mener une vie familiale normale et qu'il pouvait être invoqué à l'appui d'un recours contre un décret portant atteinte à ce droit. D'ailleurs, par cette décision, il l'érige même en Principe général du droit. On pourrait dès lors se poser la question à savoir qu'est-ce qui différencie réellement ces deux alinéas.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel français abondera dans le même sens que le Conseil d'Etat dès l'année suivante dans sa décision du 3 septembre 1986. Il a « relativisé la norme constitutionnelle de référence en relevant que le principe posé par le Préambule est mis en oeuvre par la loi et les conventions internationales introduites en droit interne avec l'autorité prévue à l'article 55 de la Constitution ».82(*)

Aussi, une Loi du 10 décembre 2003 va modifier considérablement la procédure de demande d'asile, en unifiant notamment la procédure devant l'OFPRA et la Commission des Recours des Réfugiés (CRR). Cela complexifiait davantage la procédure de demande d'asile. Cette complexification entraînera une plus grande chute dans le nombre de demandes d'asile. D'ailleurs, le 17 mars 2006 lors de la présentation du rapport du HCR pour l'année 2005, le Haut Commissaire Antonio Guterres fustigeait cette chute des demandes d'asile en ces termes : « ces chiffres démontrent que le discours qui prévaut dans les pays industrialisés sur l'augmentation des problèmes liés à l'asile ne reflète pas la réalité. En effet, les pays industrialisés devraient se demander si, en imposant des restrictions encore plus sévères sur les demandeurs d'asile, ils ne ferment pas la porte à des hommes, des femmes et des enfants qui fuient les persécutions ».

Il apparaissait donc de plus en plus clair que le droit d'asile n'était pas un droit subjectif, et que l'individu ne pouvait l'opposer à l'Etat que dans la mesure où il était réglementé dans l'ordre interne ou international. Ainsi, l'alinéa 4 du préambule de 1946, qui était sans doute le texte de référence en matière d'asile était ni plus ni moins neutralisé.

Aujourd'hui, nous pouvons dire que c'est cette imprécision, ainsi que cette grande marge de manoeuvre laissée à l'Etat dans la définition du cadre dans lequel devait s'exercer ce droit d'asile qui a fait qu'on en est venu à une restriction sans précédent de cet asile.

Il restait sans doute la Convention de Genève de 1951, c'est-à-dire la Convention relative au statut des réfugiés. Mais néanmoins, même si cette Convention est incontournable pour les réfugiés, car il apporte une définition internationale du réfugié qui sera la base du statut de réfugié y correspondant, et prévoit une obligation de non-refoulement pour les Etats à l'encontre des demandeurs d'asile, ainsi que les droits et attributs du réfugié telle son immunité juridictionnelle, il n'en reste pas moins que cette convention n'est pas une convention sur l'asile. D'ailleurs, la Convention de Genève ne prévoit nulle part une obligation pour les Etats parties d'accorder l'asile (c'est-à-dire l'entrée de leur territoire et le maintien sur ce territoire) aux étrangers qui s'adressent à eux pour obtenir leur protection et s'y voir reconnus réfugiés, ni même à ceux qu'ils reconnaissent réfugiés.

En effet, la seule obligation pour les Etats dans la Convention reste sans nul doute le principe du non-refoulement que nous avons déjà analysé.

Par ailleurs, toutes ces raisons concourent à la pertinence d'envisager une certaine alternative juridique pour ne pas laisser le droit d'asile n'être qu'une prérogative régalienne des Etats.

C'est dans cette perspective qu'une tentative de convention internationale relative à l'asile a été faite dès 1974-1975 lors d'une conférence à New York sous l'égide des Nations-Unies.83(*)

Une solution pourrait être l'adoption d'un texte international consacrant le droit de/à l'asile. C'est ainsi que François Julien-Laferrière a proposé d'insérer une telle consécration dans la Convention européenne des droits de l'Homme. Cette idée est intéressante si l'on considère que c'est le seul instrument de protection des droits de l'Homme commun à la quasi-totalité des Etats du continent européen avec aussi l'avantage d'avoir des mécanismes de sanction à l'instar de la Cour européenne des droits de l'Homme.84(*)

Ainsi, cela pourrait donc être la solution, même si on peut se poser des questions sur la faisabilité d'une telle entreprise, avec la montée de l'externalisation de l'asile.

C'est pourquoi on devrait sans doute ne plus laisser l'Europe gérer l'asile comme elle veut, même si c'est sans doute la destination idéale des demandeurs d'asile provenant surtout d'Afrique ou d'Asie. C'est pour toutes ces raisons qu'une harmonisation des politiques de l'asile partout dans le monde devrait pouvoir voir le jour.

* 78 Le surnom « indésirable » a été formé par Michel Agier, ethnologue et anthropologue français, pour désigner les réfugiés d'aujourd'hui (Voir article : Il ya le monde, et il ya les indésirables au monde)

* 79 L'article 14.1 stipule : « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays ».

* 80 Préambule de la Constitution de 1946, alinéa 4 : « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ».

* 81 Article « Le droit d'asile enterré à peine découvert » par François JULIEN-LAFERRIÈRE, Professeur à la Faculté Jean Monnet de Sceaux - Université de Paris Sud, Centre d'Etudes et de recherches internationales sur les droits de l'homme (CRIDHOM)

* 82 Article 55 de la Constitution française de 1958 : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie».

* 83 François JULIEN-LAFERRIERE, Pour un protocole à la Convention Européenne des droits de l'Homme relatif à l'asile, dans L'asile politique entre deux chaises, Michel GUILLON, Luc LEGOUX, Emmanuel MA MUNG

* 84 Quelle définition pour l'externalisation de l'asile au niveau de l'Union Européenne ? Le prisme des relations entre associations et institutions en France, Mémoire de recherche présenté par Mlle Soline Aubé, IEP de Toulouse, 2010, page 8

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo