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La responsabilité de protéger au regard de la crise libyenne

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par Hippolyte LUABEYA Pacifique
Université de Kinshasa RDC - Licence 2010
  

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SECTION 2. LES CAUSES DU SOULEVEMENT POPULAIRE EN LIBYE

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§1. Les aspirations démocratiques comme facteurs incitateurs au soulèvement populaire

Les facteurs incitateurs au soulèvement populaire en Libye sont nombreux206. Mais dans le cadre de cette étude, il ne sera retenu que quelques uns d'entr'eux. On retiendra, d'une part, un pouvoir usé, caractérisé par une démocratie de façade et le blocage de l'alternance au pouvoir comme premier groupe des facteurs (A). D'autre part, on relèvera l'inégalité, la corruption dans la gestion de l'Etat, le manque des libertés fondamentales et l'influence des médias comme deuxième groupe des facteurs (B).

A. Un pouvoir usé, caractérisé par une démocratie de façade et le blocage de l'alternance au pouvoir

1. Un pouvoir usé, caractérisé par une démocratie de façade

L'Afrique subsaharienne a été touchée par les bouleversements qui ont enclenché les processus démocratiques en 1990. En effet, grâce au processus démocratique entamé dans les années 90, les populations africaines ont pu voir des changements être opérés au niveau des dirigeants. Or, les dirigeants du Maghreb, plus précisément ceux de la Libye, ont survécu à ce changement207.

Force est de constater que depuis son installation à la tête de la Jamahiriya arabe libyenne, le colonel Kadhafi ne respecte pas les exigences d'un Etat démocratique. A cet effet, nous pensons avec Jean D'ASPREMONT qu'il semble

raisonnable d'affirmer que le critère principal dont témoigne la pratique

206 A titre illustratif, le professeur BULA-BULA retient la corruption, l'inégalité de répartition de revenus, népotisme, chômage, carence des biens de première nécessité, absence de vision politique réelle, tyrannie, arbitraire, incompétence, etc. A consulter chez BULA-BULA Sayeman, Le droit international public. Introduction, origines, théories, sources formelles, 1ère édition, Bruxelles, Académia Bruylant, Mars 2011, p.17 ; le professeur LABANA LASSAY'ABAR, quant à lui, retient comme facteurs incitateurs : un pouvoir usé, caractérisé par une démocratie de façade et le blocage de l'alternance au pouvoir, la jeunesse d'une population sans avenir et le paradoxe d'une classe moyenne pauvre et au chômage, mais instruite, l'inégalité et la corruption dans la gestion de l'Etat, le rôle de l'armée et des services de sécurité et le manque des libertés fondamentales et enfin l'influence des médias. Voyez LABANA LASSAY'ABAR Jean-Berchmans, « L'onde de choc du printemps arabe en Afrique noire », Communication aux premières journées scientifiques de l'Union Africaine de la Faculté de droit de l'Université de Kinshasa du 25 au 26 mai 2011, Inédit, pp.7-10

207 LABANA LASSAY'ABAR Jean-Berchmans, Op-cit, p.11

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contemporaine dominante et qui permet de juger du caractère démocratique d'un Etat est l'élection. Mais cela n'empêche pas que soit également jugé non démocratique l'Etat qui contrevient systématiquement à certains droits élémentaires de la personne humaine208 tels que la liberté de manifestation pacifique, la liberté de réunion pacifique, la liberté d'expression et la liberté de la presse209.

Quant aux élections, il convient également de préciser que plusieurs organes d'un Etat peuvent être élus par le peuple, mais cela ne suffit cependant pas pour que l'on considère cet Etat comme démocratique. Encore faut-il que cette élection soit libre, honnête, périodique, au suffrage universel et au scrutin secret. Il est enfin requis que les élus disposent effectivement du pouvoir de diriger l'Etat ou de contrôler ceux qui en ont le mandat210.

Cette exigence semblait ne pas être pratiquée en Libye durant le règne du colonel Kadhafi. En effet, c'est depuis le 1er septembre 1969 qu'un groupe de jeunes officiers, conduits par le colonel Mu'ammar al-Kadhafi, profitent du voyage du roi Idris Ier à Ankara pour prendre le pouvoir et proclamer la République arabe libyenne. Depuis lors, aucune élection crédible n'a alors été organisée.

L'absence d'élection libre, honnête, périodique et au suffrage universel secret en Libye va alors être l'un des facteurs incitateurs au soulèvement populaire du 15 février 2011 qui va être accueilli avec une violence notoire de la part du gouvernement libyen211.

208 D'ASPREMONT Jean, L'Etat non démocratique en droit international. Etude critique du droit international positif et de la pratique contemporaine, Paris, Editions A.Pédone, 2008, p.15

209 A ce sujet, le §2 de la résolution 1970 du Conseil de sécurité du 26 février 2011 confirme qu'il y a eu des violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme en Libye, notamment la répression exercée contre des manifestants pacifiques. Le §10 invite les autorités libyennes à respecter la liberté de réunion pacifique et la liberté d'expression, y compris la liberté de la presse

210D'ASPREMONT Jean, Op-cit, pp.16-30

211 Quant aux autres droits de la personne violés durant le régime du colonel Kadhafi tels que la liberté de manifestation pacifique, la liberté de réunion pacifique, la liberté d'expression et la liberté de la presse, il y a lieu de préciser que l'expression authentique de la volonté du peuple repose en effet sur les libertés de conscience, d'opinion, d'expression, d'association et de presse. Le Comité des droits de l'homme, dans son observation générale n°25, n'a d'ailleurs pas manqué de souligner que le « droit à la liberté d'expression, de réunion et d'association est une condition essentielle à l'exercice du droit de vote » (Observation générale n°25 du Comité des droits de l'homme, CCPR/C/21/Rev.1/Add.7, §8). La Cour européenne des droits de l'homme l'a également défendu (CEDH, Affaire du Parti socialiste et autres c.Turquie, Recueil 1998-III, §45 ; Affaire Parti

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Il convient de préciser que toutes les exigences énumérées ci-haut devaient être observées puisqu'elles revêtent un caractère obligatoire et s'imposent aux gouvernants212.

Mais tel ne fut pas le cas en Libye où les droits de la personne humaine sont bafoués par les autorités. Les événements de février 2011 tels que présentés ci-haut dans les faits en constituent un exemple éloquent.

2. Le blocage de l'alternance au pouvoir

Il a été précédemment dit que l'élection des détenteurs du pouvoir, ou de ceux qui le contrôlent, a ordinairement été considérée, dans la pratique

de la liberté et de la démocratie c.Turquie, 8 décembre 1999, §§41-45 ; CEDH, Affaire du parti communiste unifié de Turquie et autres c.Turquie, Recueil 1998-1, 30 janvier 1998, §57). Partant de cette conception, le concept de démocratie engloberait donc certains droits fondamentaux (Lire D'ASPREMONT Jean, Op-cit, p.32). Précisons aussi que sans la satisfaction de ces droits universellement consacrés, la dignité peut difficilement se concevoir (Lire VEZINA Louis-Philippe, La responsabilité de protéger et l'intervention humanitaire : De la reconceptualisation de la souveraineté des Etats à l'individualisme normatif, Mémoire de master, Université de Montréal, Faculté des Arts et des Sciences, Département d'Etudes Internationales, 2009-2010, p.65 ).

212 A ce sujet, il convient d'admettre que quelques droits de l'homme font partie des normes du « jus cogens » en droit international, c'est-à-dire des normes impératives auxquelles on ne peut pas déroger sans engager sa responsabilité sur la scène internationale et devant les juridictions internationales à l'instar des droits violés en Libye. Aux termes de la Convention de vienne sur le droit des traités, en son article 53, on peut lire qu' « aux fins de la présente Convention, une norme impérative du droit international général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère ». Outre la convention de vienne, le caractère obligatoire des droits de l'homme a été affirmé par la CIJ dans l'affaire Barcelona Traction. En effet, la CIJ a admis que les obligations qui naissent pour les Etats en matière des droits de l'homme sont des obligations erga omnes. Car elles découlent par exemple, en droit international contemporain, de la mise hors la loi des actes d'agression et du génocide mais aussi des principes et des règles concernant les droits fondamentaux de la personne humaine, y compris la protection contre la pratique de l'esclavage et la discrimination raciale (C.I.J, Affaire Barcelona Traction, Belgique contre Espagne, Arrêt sur le fond, Rec.1970, §32). Toutefois, il y a lieu d'affirmer avec le professeur André MAZYAMBO qu'une norme impérative doit être acceptée et reconnue comme telle par un très grand nombre d'Etats parmi lesquels doit figurer tous les groupes d'Etats. Cela dit, aucune procédure spécifique d'élaboration des normes de jus cogens n'est acceptée (MAZYAMBO MAKENGO André, Droit international public, Notes de cours, Inédit, Faculté de droit 3ème graduat, UNIKIN, 2008-2009). En effet, aux normes de « jus cogens » ou d'ordre public international, règles qui sont obligatoires et impératives en toutes circonstances, on oppose les règles du « jus dispositivum » ou les règles « supplétives » qui ne s'appliquent que pour autant que les Etats n'aient pas convenu du contraire (DAVID Eric, Droit des gens. Ajouts et corrections, 1ère édition, Bruxelles, PUB, 1998, p.129). Ajoutons aussi que les droits de la personne doivent être respectés indépendamment des circonstances et de l'origine ethnique ou autres des victimes. Il faut enfin relever que ces droits ont été réaffirmés par l'ensemble des Etats par l'intermédiaire de l'action des Nations Unies qui ont régulièrement dénoncé les exactions observées au Kosovo (CORTEN Olivier et DELCOURT Barbara, « La guerre du Kosovo : le droit international renforcé? », in L'observateur des Nations Unies, n°8, 2000, pp.135-136). Après tout comme l'a dit le Parlement européen dans une Résolution du 2 octobre 1997 (A4-0274/97) : « Les êtres humains sont de plus en plus liés les uns aux autres, ce qui se traduit... par l'émergence de valeurs communes à toute Humanité ». Les droits de l'homme traduisent ces valeurs communes, qui doivent être sauvegardées et défendues. Les pays occidentaux considèrent généralement qu'en matière de droits de l'homme un Etat ne peut pas opposer sa compétence nationale (KDHIR Moncef, Op-cit, p.903).

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internationale, comme le fondement d'un régime démocratique. Mais ces élections doivent se dérouler dans un cadre assurant une concurrence raisonnable entre les différents courants politiques et doivent conduire à la détermination la plus authentique possible de la volonté du peuple213.

Il avait enfin été rappelé que les élections ne seront démocratiques que si elles sont « libres » et « honnêtes ». Il est également requis que ces élections soient périodiques, au suffrage universel et au scrutin secret214. Toutes ces exigences se trouvent être cristallisées dans les instruments internationaux qui consacrent un droit à des élections215.

La conséquence logique qui s'en suit est que l'Etat où les dirigeants, ou ceux qui les contrôlent, ont été élus au terme d'un scrutin non conforme à l'un de ces critères a généralement été jugé non démocratique.

Le constat fort malheureux fait en Libye est l'inobservance de ces exigences durant le règne du colonel Kadhafi. Une raison de plus qui justifie le soulèvement populaire du 15 février 2011. Ce qui nous pousse à affirmer que le pouvoir du colonel Kadhafi était usé et était caractérisé par une démocratie de façade car Robert CHARVIN et Jean-Jacques SUEUR ont souligné qu'il n'est de démocratie que si l'homme, qui ne vit certes pas que de pain, dispose néanmoins de ses droits suffisamment216.

Analysons à présent les autres facteurs qui ont été à la base du soulèvement populaire en Libye.

213 Lire à ce sujet D'ASPREMONT Jean, Op-cit, p.21

214 Idem

215 Voir par exemple l'article 21 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ; l'article 25 du Pacte international sur les droits civils et politiques ; l'article 3 du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; l'article 20 de la Déclaration américaine des droits et des devoirs de l'homme ; l'article 23 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme ; l'article 29 de la Convention de la Communauté des Etats indépendants sur les droits de l'homme et des libertés fondamentales de l'homme.

216 CHARVIN Robert et SUEUR Jean-Jacques, Op-cit, p.11

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