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La question de la décroissance chez les verts français

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par Damien ZAVRSNIK
Université Aix- Marseille  - Diplôme d'études politiques 2012
  

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Les inspirateurs socialistes

Les mouvements socialistes du début du XIXème siècle sont une source d'inspiration centrale pour les théoriciens de la décroissance. En vérité, la doctrine des socialistes « utopiques », libertaires ou encore de certains marxistes hétérodoxes apparait comme réactualisée par les objecteurs de croissance qui y trouve une alternative cohérente au productivisme capitaliste et communiste.

La première catégorie des courants socialistes auxquels se référent les objecteurs de croissance est celle du socialisme utopique des Fourier, Cabet, Owen et Saint Simon (ce dernier ne fait néanmoins pas partie des références de la décroissance en raison de son ode à l'industrie). Le terme utopie est inventé au XVIème siècle par Thomas More. Sur cette île idéale, il envisage une société libérée du travail avilissant où l'égalité serait une règle effective. Les habitants de l'Utopie vivent en communautés et ne travaillent que six heures par jour, le temps libre est consacré aux loisirs. Cette influence littéraire se retrouve dans la philosophie du socialisme utopique qu'Engels distingue du socialisme scientifique. Les socialistes utopiques s'opposent à la propriété privée qui engendre les hiérarchies sociales et dénoncent l'illusion selon laquelle le bonheur n'adviendrait qu'au prix d'une accumulation illimitée de richesses. Pierre Leroux, inventeur du mot « socialisme » en 1833, plaide à ce titre pour une société frugale avec notamment sa théorie du circulus humain82(*). La fin de l'économie n'est alors plus le profit mais la satisfaction de besoins réels ce qui ouvre la possibilité d'un droit à la paresse. Mais contrairement aux marxistes qui les suivirent, les socialistes utopiques choisissent la méthode de la transformation à celle de la révolution. Ils souhaitent réaliser le socialisme dans l'immédiat au sein de communautés autonomes dont les principes sont l'égalité des travailleurs et la propriété collective des moyens de production. Les socialistes utopiques n'hésitent donc pas à créer ex nihilo un monde nouveau au sein de ces communautés dont la multiplication doit se solder par la chute du capitalisme. Au Royaume Uni, Robert Owen est le premier à lutter contre la paupérisation des ouvriers en instaurant des communautés de travail en particulier au sein de son usine de New Lanarck. En France, Charles Fourier invente l'utopie associative réalisée concrètement dans son système du phalanstère. Ces bâtiments communautaires regroupent jusqu'à quatre cents familles fondant ainsi une « phalange ». Tout individu s'affaire à une tâche sans commandement hiérarchique. Chacun est rétribué par les dividendes de l'activité du phalanstère et participe à l'organisation de la vie collective. Bien que ces exemples de communautés ouvrières autonomes aient aujourd'hui en partie disparus, ils irriguent la pensée de la décroissance par leur caractère concret. Il existe des expériences réelles de vie collective libérées du joug du productivisme.

L'autre inspiration des objecteurs de croissance est celle des socialistes libertaires ou anarchistes. Des auteurs comme Kropotkine, Bakounine ou encore l'artiste anglais William Morris83(*) critiquaient violemment la société industrielle et souhaitaient la transformer en une société du partage et de la solidarité. Pierre Proudhon est emblématique de l'attachement antiproductiviste des socialistes libertaires. Pierre Langlois note à son propos qu'il ne « voyait pas pourquoi aller au-delà de la satisfaction des besoins naturels et sociaux simples. [...] La production pour la production, donc la croissance infinie, exponentielle, lui répugnait, de même que la consommation pour elle-même »84(*). Un autre anarchiste, Elisée Reclus est particulièrement apprécié des objecteurs de croissance pour le lien qu'il est un des premiers à faire entre progrès de l'homme et environnement. La géographie qu'il étudie replace en effet l'action de l'homme dans un environnement qu'il peut détériorer.

Malgré une ambition partagée de révolutionner la société avec des outils différents, socialistes utopiques et libertaires laissent progressivement place à partir des années 1870 aux tenants du marxisme. Ce « socialisme scientifique » développé par Max et Engels change les orientations du mouvement socialiste. La méthode n'est plus celle des communautés mais de la confrontation avec la classe bourgeoise afin d'imposer la propriété collective des moyens de production dans le droit fil de la dialectique historique marxiste. Surtout, les valeurs antiproductivistes des premiers socialistes disparaissent au profit d'un matérialisme exacerbé qui trouve son apogée dans la course à la production lancée par les bolcheviks en URSS. Certains marxistes dits hétérodoxes tel que Marcuse, Adorno, Lefebvre ou Althusser prennent néanmoins leurs distances et reprennent la pensée marxiste à travers la philosophie ou le droit. Ces auteurs inspirent également les théoriciens de la décroissance comme nous avons pu le voir au chapitre premier.

Ce rapide détour à travers l'histoire démontre que les concepts et la philosophie repris par la décroissance ne sont pas nouveaux. La décroissance est en réalité l'actualisation de pensées politiques et sociales anciennes articulées autour de la conscience nouvelle de la finitude de la planète. La décroissance a pour coeur l'impératif écologique mais ne saurait s'y réduire. L'éventail des critiques sociales amenées par les luttes antiproductivistes tend à faire de la décroissance un véritable projet politique au sens d'une volonté de transformer la société.

* 82 ARIES, Paul, La simplicité volontaire contre le mythe de l'abondance, op.cit., p. 135

* 83 MORRIS, William, L'Age de l'ersatz et autres textes contre la civilisation moderne, Paris, Encyclopédie des nuisances, 1999.

* 84 LANGLOIS, Jacques, Agir avec Proudhon, Lyon, Chronique sociale, 2004, 204 p.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault