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La question de la décroissance chez les verts français

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par Damien ZAVRSNIK
Université Aix- Marseille  - Diplôme d'études politiques 2012
  

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Titre Deux : L'activation d'un clivage productivistes/antiproductivistes

L'étude de l'invariant du projet écologiste nous amène à discuter la place des partis Verts dans l'espace politique. L'approche multidimensionnelle des partis politiques nous permettra de les situer dans la trame de l'histoire sociale et de mettre en exergue leurs spécificités. A travers la théorie des clivages partisans nous essayerons de discerner les logiques profondes qui aboutirent à la création des partis écologistes et de démontrer l'influence de la décroissance sur le parti Vert français.

L'étude de l'idéologie ne peut cependant se résumer à une analyse externe. Il convient également d'adopter une approche complémentaire pour s'immiscer dans la mécanique identitaire des organisations partisanes. Ce détour théorique est un préalable nécessaire pour interpréter l'idéologie non plus comme un fait total qui s'impose aux acteurs mais comme un produit complexe en constante redéfinition. Dans ce cadre la décroissance est au centre des tensions identitaires qui traversent le parti écologiste.

Chapitre 4 : La théorie des clivages comme prisme d'analyse de l'écologie politique

Les politologues ont souvent essayé de classer les différentes familles partisanes en fonction de leur idéologie. Le piège est alors de tomber dans un nominalisme restrictif qui consisterait à plaquer invariablement un critère unidimensionnel pour classer chaque formation. Ainsi les partis sont souvent placés sur un continuum droite-gauche par le sens commun. Cet énoncé a été repris scientifiquement avec la théorie dualiste de Maurice Duverger notamment.

Or notre étude de la logique du projet écologiste tend à infirmer la thèse du dualisme droite-gauche. La nature antiproductiviste des Verts les conduit à revendiquer une autonomie qui lézarde la représentation intuitive de l'espace partisan en deux blocs antagonistes. Cette faille s'ouvre d'autant plus avec l'entrée de la décroissance dans le jeu politique qui pulvérise les oppositions droite-gauche au nom de la révérence des deux parties à la même religion de la croissance.

La science politique traditionnelle appuyée sur les théories dualistes semble bien en peine pour expliquer la place du parti écologiste dans l'espace partisan français, entendu comme un système de relations et de positionnements relatifs entre les différents acteurs du jeu politique. C'est pourtant un objectif majeur de la discipline que de mettre à jour les soubassements et les logiques qui structurent cet espace. Pour éviter l'écueil des représentations données par les acteurs eux-mêmes, certains politistes ont néanmoins fondé des outils d'analyse multidimensionnels à travers la notion de clivage partisan. Cette méthode nous semble plus appropriée pour éclaircir le positionnement politique du parti Vert.

Après avoir caractérisé les difficultés rencontrées par les politistes pour démêler les fils de l'espace partisan français, nous interrogerons la pertinence de la théorie des clivages proposée par Stein Rokkan et Seymour Martin Lipset au regard de l'émergence de partis écologistes.

1. La difficile structuration de l'espace partisan français

Les politistes ont depuis longtemps essayé de décrire scientifiquement l'espace politique français. La tâche n'est pas aisée tant l'utilisation des références « gauche » et « droite » est récurrente dans les analyses des journalistes, hommes politiques ou simples citoyens pour interpréter le jeu partisan. Pourtant cette nomenclature résiste difficilement à l'examen et demeure insuffisante pour caractériser avec précision l'espace politique français, en dépit des tentatives de formulations scientifiques.

L'illusion du clivage droite-gauche

Les commentateurs politiques, des plus illustres aux plus simples, emploient depuis longtemps les termes « droite » et « gauche » pour distinguer les différentes forces politiques et décrire leurs interactions, c'est à dire la vie politique. Cette lecture classique de l'échiquier politique, qui n'est d'ailleurs pas propre à la France mais également consacrée dans une grande partie des pays occidentaux, s'est ancrée dans l'imaginaire collectif des Français. Si bien que le sens commun en viendrait presque à devenir performatif pour fonder une réalité empirique. Les termes « gauche » et « droite » proviennent en effet d'une longue tradition historique. Marcel Gauchet explique que la représentation droite-gauche apparait à la Révolution française157(*). Lors de l'examen par l'Assemblée constituante de la question du droit de veto royal, les partisans d'un pouvoir absolu se rangèrent à droite du Président de l'Assemblée tandis que les promoteurs d'un pouvoir de veto suspensif se plaçaient à sa gauche. Ce mythe fondateur du clivage droite-gauche est toutefois à relativiser. Marcel Gauchet relève la difficulté à marquer d'une pierre blanche l'instauration d'un tel dualisme. Il serait en fait plutôt le fruit d'un mouvement progressif calqué sur le modèle parlementaire anglais et notamment la bipartition de la Chambre des Communes entre majorité et opposition disposées face à face. D'autres analyses font même valoir que cette vision du spectre politique soit issue d'un processus beaucoup plus long qui ne se traduirait concrètement dans l'opinion publique qu'à l'orée du XXème siècle158(*).

Compte tenu de notre histoire marquée par les affrontements entre droite et gauche, classer les partis politiques dans ces catégories relève au premier abord de l'évidence. Or à y regarder de plus près elle suscite de nombreuses interrogations. En effet il est impossible de définir précisément ce que recouvrent les termes de droite et de gauche. Une des définitions le plus souvent admise a pour critère la propriété des moyens de production et la manière de parvenir à la meilleure allocation des ressources possible. Selon cette grille de lecture, la gauche regrouperait les partis prônant une propriété plutôt collective des moyens de production et un rôle fort de l'Etat dans l'allocation des ressources tandis que la droite rassemblerait ceux proposant à l'inverse une privatisation des moyens de production et le libre jeu du marché pour décider de la répartition des ressources. Notons ici que les partis écologistes sont déjà notoirement exclus de cette définition puisqu'ils s'interrogent d'abord sur ce qu'il faut produire avant de poser la question de comment le faire.

Nonobstant le caractère déjà très restrictif de ce critère, cela n'empêche pas de fortes fluctuations de la gauche et de la droite dans le temps et dans l'espace qui vide ainsi la dichotomie de son contenu. En effet la définition évoquée ci-dessus trouve une certaine cohérence jusque dans les années 1980. La gauche propose alors un projet contradictoire à celui de la droite aux affaires. La distinction gauche-droite sur critère idéologique a encore du sens. Elle le perd en grande partie à partir de l'arrivée de la gauche au pouvoir qui se convertit dès 1983 à l'austérité budgétaire et à l'économie de marché. Le gouvernement Jospin ne reviendra pas plus sur cette déviation du champ historique de la gauche en privatisant massivement les entreprises publiques. De cette confusion empirique des idées se déduit le principe qu'il est impossible de donner un contenu idéologique permanent aux notions de droite et de gauche.

Le clivage gauche-droite perd également son intérêt lorsqu'il est appliqué dans d'autres pays. S'il fonctionne relativement bien en France où le système majoritaire contribue à forger un certain bipartisme, ce n'est pas le cas partout. Par exemple le comparatiste Jean Blondel a mis en exergue des systèmes à « deux partis et demi » comme au Canada. Le parti arrivant troisième et permettant le cas échéant de former une majorité n'est pas nécessairement centriste (les sociaux-démocrates occupent ce rôle au Canada). Aux Etats Unis, le système partisan est très structuré autour du parti démocrate et du parti républicain. Toutefois il serait hasardeux d'en déduire une dualité droite-gauche. D'une part l'orientation politique de chaque parti varie sensiblement en fonction de ses rapports de force internes (les démocrates des Etats du Sud sont dans un sens plus à droite que les républicains du Nord). D'autre part caractériser le parti démocrate comme l'homologue outre Atlantique du parti socialiste français est un abus de langage puisque même la droite française s'en réclame.

La dualité droite-gauche est donc trop aléatoire pour constituer une théorie valable. La classification des partis politiques en fonction de ce critère serait à géométrie variable. Mais si la catégorisation droite-gauche est celle du sens commun, les politistes ont essayé malgré tout de lui donner une dimension scientifique.

* 157 GAUCHET, Marcel, « la droite et la gauche », dans Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, tome III, vol. 1, Paris Gallimard, 1992, p. 397

* 158 CRAPEZ, Marc, « De quand date le clivage gauche/droite en France ? », Revue française de science politique 48/1, février 1998, p. 42-75

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