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La protection des droits de la personnalité par le juge camerounais

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par Pythagore NONO KAMGAING
Université catholique d'Afrique Centrale - Master en droits de l'homme et action humanitaire 2009
  

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V- REVUE DE LITTERATURE

Selon Marie-Louise Abomo, le droit camerounais ne comporte pas de déclaration expresse de protection du droit à l'image27(*). Le préambule de la Constitution revoyant simplement ajoute-elle, « aux différentes déclarations des droits de l'homme ratifiés par le Cameroun, tout en reconnaissant à l'être humain des droits inaliénables et sacrés ». Elle souligne cependant « qu'en l'Etat actuel du droit applicable au Cameroun, il serait quelque peu inexact de penser que le droit à l'image n'est pas protégé au Cameroun. De par son histoire particulière, le pays connaît deux systèmes juridiques : le système anglo-saxon et le système romano germanique qui s'appliquent sur son territoire de manière juxtaposée en l'absence d'une législation nationale unifiée. Et il est possible tant à partir de la Common Law que du droit civil de trouver une certaine protection de l'image de la personne. ». S'inscrivant dans le même registre, le Professeur François Anoukaha estime pour sa part que les décisions retenant la responsabilité des auteurs d'atteintes au droit à l'image ne sont pas légions au Cameroun. Pourtant précise t-il, nombreuses sont les occasions où le juge pourrait constater les violations évidentes de ce droit. Il fait ensuite une analyse assez fine d'un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Yaoundé le 11 mai 1965. Cette décision, quoique datant d'une époque lointaine, demeure, pense ce chercheur, une référence en la matière au Cameroun, et revêt aussi un intérêt particulier pour la compréhension de la stratégie du juge en matière de protection du droit à l'image. Il conclut son analyse en se demandant s'il ne faut pas voir dans le recours du juge à l'article 1382 du code civil une solution de pis-aller ? Les droits de la personnalité étant, précise t-il, une catégorie juridique émergente, et à défaut d'un texte particulier, les juges sont quelque fois amenés, comme c'est le cas dans l'espèce commentée à dilater les conditions d'application de cet article pour l'adapter à cette catégorie28(*).

Les réflexions de ces auteurs sont d'un grand intérêt pour cette étude en ce qu'elles mettent à nue certaines lacunes du système camerounais de protection des droits de la personnalité, comme par exemple l'absence de texte spécifique sur la protection du droit à l'image. Il y a donc lieu de penser que le législateur camerounais prenne en compte les failles évoquées par ces auteurs afin de pouvoir engager les réformes qui s'imposent.

Mais on peut relever que le droit civil se passe facilement des textes et qu'en cas d'atteinte par exemple au droit à l'image, ce dernier octroie librement les réparations sur la base de l'article 1382 du Code civil. Certains juristes ont d'ailleurs estimé qu'en droit civil, les textes avaient l'inconvénient de lier fatalement le juge, qui n'ayant plus la grande marge de manoeuvre que lui confère l'article 1382, se borne à appliquer les textes qui, quelque fois ne sont pas toujours à la hauteur du préjudice subit par les victimes.

Pour Djeukou Joseph, les droits de la personnalité assignent à la liberté de la presse qui tend à assurer le contrôle de la collectivité des citoyens sur les affaires qui sont les leurs, une limite que peut consolider une juste incrimination29(*). La société poursuit-il, a intérêt à ce que les citoyens vivent en paix les uns avec les autres et respectent leur vie privée, leur honneur et leur réputation naturels. C'est pourquoi dans tous les Etats, précise t-il, les délits d'injure et de diffamation font l'objet de sanctions répressives. Evoquant certaines décisions de justice rendues par les tribunaux camerounais sur le droit à l'honneur et à la réputation, l'auteur estime qu'en matière de répression des délits d'injure et de diffamation, le juge camerounais s'est toujours conformé à la lettre de la loi30(*).

L'éclairage de Djeukou Joseph met remarquablement en évidence les stratégies déployées par le juge pour sanctionner les atteintes à l'honneur et à la réputation des personnes en droit positif camerounais. La fidélité du juge aux textes, ne pouvant en effet qu'être saluée dans sa justesse en ce qu'elle traduit une volonté du juge de rendre ces droits effectifs.

La présente étude s'inscrit donc en partie dans cet ordre d'idées, parce qu'elle se propose d'analyser la matérialité de la protection du droit à l'honneur et à la réputation à la lumière des principaux instruments juridiques à la disposition du juge. Mais au-delà d'un simple constat de la fidélité du juge aux textes, il y a lieu de s'interroger profondément sur le caractère dissuasif des peines prononcées par le juge. Autrement dit, le juge peut-il simplement se satisfaire de rendre les droits effectifs ? Ne doit-il pas être préoccupé par les retombées de son action, de leur efficacité notamment ?

S'inscrivant également dans le registre de la protection de l'honneur et de la réputation des personnes, Yvonne-Léopoldine Akoa31(*) se demande pour sa part si le Directeur de publication des organes de communication audiovisuelle a véritablement les moyens de vérifier les éléments diffusés tel que le lui prescrit la loi n°090/052 du 19 décembre portant sur la liberté de la communication sociale ? Elle pense en effet que si cet exercice de vérification est possible s'agissant des éléments préalablement diffusés, la tâche s'avère en revanche plus complexe lorsqu'il s'agit des émissions en directe qui par nature, ne permettent à personne d'autre qu'à leurs auteurs de circonscrire la teneur des messages à transmettre. En émettant des réserves sur la possibilité d'appliquer l'article 74 du Code pénal en pareil cas, elle arrive à la conclusion d'une omission de la loi qui n'a pas établie une responsabilité « à défaut » des producteurs et réalisateurs des émissions télévisées.

L'analyse de cet auteur est d'une extrême importance pour la présente étude en ce qu'elle permet d'avoir un aperçu général sur l'Etat de la législation relative aux délits de presse. La diffamation et l'injure font partie de ces délits, et l'analyse de la jurisprudence y relative révèle justement un volume important d'atteintes à l'honneur et à la réputation commises par le canal des médias.

L'opinion de cet auteur va dans le sens de la présente étude car, l'omission de la loi évoquée par l'auteur, traduit une protection insuffisante de l'honneur et de la réputation des personnes. Par ces temps de libéralisation de l'audiovisuelle, le législateur est donc instamment inviter à combler ce vide afin que le traitement des informations se fasse dans le respect de la dignité des personnes.

Analysant la nature des rapports qui existent entre presse et vie privée en France, Henri Pigeat constate pour sa part que « l'indiscrétion se vend bien dans les médias. La presse est en fait vouée à lever les secrets. Sa raison d'être est de divulguer ce qui peut rencontrer l'intérêt du public. Sa liberté se heurte de ce fait inévitablement à la protection de la vie privée. L'indiscrétion est une recette sûr ». L'auteur note également « que les tribunaux s'efforcent plus ou moins efficacement de freiner ces débordements, mais beaucoup de médias spécialisés dans ce genre ont intégré le risque judiciaire dans leur tirage. Une amende coûte souvent moins que les gains apportés par un gros tirage. »32(*).

Quoique basée sur le contexte français, le constat d'Henri Pigeat renvoie incontestablement à la situation du Cameroun où la multiplicité des procès en diffamation trahit l'attitude d'une certaine presse qui, au mépris de toutes les règles de déontologie s'illustre très souvent par un laxisme et une légèreté à peine imaginables dans le traitement de l'information.

Le point de vue de ce chercheur s'inscrit parfaitement dans l'objectif visé par cette étude qui est celui du plaidoyer en faveur d'une vigilance à toute épreuve du juge face aux atteintes récurrentes et multiformes dont l'honneur et la réputation des personnes peuvent faire l'objet. Le droit à l'information du public et la liberté d'expression ne pouvant justifier certaines curiosités malsaines, le juge est ainsi inviter à une moralisation des moeurs dans ce secteur névralgique de la vie d'une démocratie.

Cathérine Pélissier reconnaît pour sa part que le domicile est considéré comme « un besoin primordial des sociétés modernes »33(*). Elle met également en exergue la « liaison intime qui existe entre le domicile et la vie privée, de sorte qu'ils semblent constituer un seul et même droit dans le chef de l'homme moderne ». C'est ce lien étroit entre ces deux notions qui explique, ajoute-elle, l'interprétation extensive que la Cour européenne des droits de l'homme donne à la notion de domicile. Ce point de vue est confirmée par l'arrêt Niemietz c/ Allemagne rendu le 16 décembre 1992 où l'institution de Strasbourg affirme que « Le terme domicile peut englober le bureau d'un membre d'une profession libérale. La notion de domicile doit s'entendre dans le cadre de la convention européenne des droits de l'homme comme tout lieu habitable »34(*).

Cette réflexion est utile à cette étude parce qu'elle expose clairement la substance des stratégies mises en place par le juge européen pour protéger le droit au respect du domicile. De plus, les éléments d'analyse fournit par cet auteur permettront de s'interroger sur la consistance de la notion de domicile en droit positif camerounais.

Nonobstant l'avantage qu'il y aurait à avoir du domicile une conception extensive, il importe de souligner que transformer ce dernier en « tout lieu habitable » peut aussi présenter l'inconvénient d'en faire un fourre-tout. Ce qui pourrait poser au juge des difficultés relatives à l'appréciation de ses critères.

Edith Deleury35(*) se demande quant à elle, si les droits de la personnalité ne sont pas fragilisés par l'utilisation de la connaissance et des techniques biométriques à des fins d'intérêt collectif. Dans le même ordre d'idées, Agathe Lepace pense que « l'Internet ne doit pas échapper au droit parce qu'il peut être redoutable pour les droits de la personnalité. Certaines atteintes à la personnalité (violation du droit au respect de la vie privée, diffamation, etc.) gagnent en facilité et en ampleur sur l'Internet. L'accès à l'Internet offrant ce caractère singulier que la publicité du propos est instantanée et ne passe par aucune condition préalable que l'accès technique au réseau »36(*).

Les points de vue de ces auteurs contribuent à nourrir dans le cadre de cette étude la réflexion sur l'impact que les TIC peuvent avoir sur les droits de la personnalité. Ces technologies sont en plein essor dans la société camerounaise et il y a lieu de se demander si le législateur a procédé à une modernisation du cadre juridique existant afin de l'adapter à cette évolution.

Toutefois, ces auteurs ne mettent pas en relief le rôle que doit jouer le juge afin de soumettre Internet au droit. En effet les textes, quelque soit leur degré d'élaboration ne serviraient à rien s'ils n'étaient pas efficacement mis en oeuvre par le juge. La présente étude se donne justement pour objectif d'analyser la contribution du juge à la protection des droits de la personnalité, au-delà du droit purement spéculatif. Cette contribution sera examinée à la lumière de la jurisprudence y relative et d'une question centrale qui sera la problématique de la présente étude.

* 27 Marie-Louise Abomo, « Le droit à l'image de la personne : quelle protection au Cameroun ? », in Juridis Périodique n°64, octobre-novembre-décembre 2005, pp.80-82.

* 28 François Anoukaha, « La protection du droit à l'image au Cameroun », in Les Grandes décisions de la jurisprudence civile camerounaise, Collection LERDA, 2007, p.26.

* 29 Djeukou Joseph, « Droits de l'homme et liberté de la presse au Cameroun : contribution à l'étude des délits de presse », in AFRILEX n°4, http:/www.afrilex.U-bordeaux4.fr (consulté le 20 août 2008).

* 30 Voir en ce sens, le Jugement n° 2033/COR du Tribunal de première instance de Douala du 03 février 1998, M.P et A. Tsoungui c/ le Journal Galaxie et Patrice Penda. Dans cette affaire, le juge souligne que les faits imputés au plaignant dans l'article du journal en cause « sont de nature à porter atteinte à l'honneur en ce qu'ils font croire que cet individu a agit sans probité, ni loyauté, et à sa considération car ils supposent une défaillance par rapport aux qualités qui devraient être les siennes ». Voir aussi : T.P.I de Douala, Jugement n° 1691/COR du 23 mars affaire M.P et Kouayep Joseph c/ Noudjo Justin ; Jugement n° 3595/COR du 11 avril 1991, M.P et Sadou Hayatou c/ Martin Waffo et Ayata Fotso ; T.P.I de Douala, Jugement n° 1691/COR du 23 mars 2006, M.P et Kouayep Joseph c/ Noudjo Justin ; T.P.I de Douala, Jugement n° 1580/COR du 15 mars 2006, M.P et Kamdem née Monue Marthe c/ Kambou Jeanne d'Arc ; Cass Crim. 15 oct. 1985, J.C.P. 86 ED.G5 ; Cass.Crim. 9 oct 1974 : D.1974, I.R.235.

* 31 Yvonne-Léopoldine Akoa, « Les délits de presse », in Cahier Africain des droits de l'homme, n° 5, oct. 2000, p.87.

* 32 Henri Pigeat, « Presse et vie privée », in Groupe d'études Société d'information et vie privée, http://www.asmp.fr (consulté le 10 janvier 2009).

* 33 Cathérine Pélissier, « Le droit de vivre dans des conditions matérielles décentes d'existence protégé par l'article 8 ; le respect de la vie privée et du domicile », in Cahier de l'IDEDH, n°5, août 2003, pp.19-20.

* 34 En ce sens, voir également l'arrêt Stés COLAS et autres c/ France du 16 avril 2002 au sujet des visites et saisies de documents au siège social d'une société.

* 35 Edith Deleury, op.cit., p.666.

* 36 Agathe Lepace, « Les droits de la personnalité confrontés à l'Internet », in Libertés et droits fondamentaux, n° 81, avril 2001, p.223.

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