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L'application de la loi dite foncière dans la résolution des conflits fonciers en territoire de Lubero en RDC

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par Jackson MUMBERE KINANGA
Université oficielle de Ruwenzori - Graduat en droit privé 2012
  

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2.2.3. L'AMBIGUITE DU STATUT DES TERRES RURALES ET LE CONFLIT ENTRE LE DROIT COUTUMIER ET LE DROIT ECRIT

La persistance des conflits fonciers en milieu rural du territoire de Lubero nous semble une résultante de l'ignorance et ou de la résistance des populations rurales premières occupantes des terres face à un système juridique étranger, celui du droit écrit qui se substitue à l'ordre normatif traditionnel en matière foncière. En effet, rien n'est aussi avéré que le conflit des cultures généré par la colonisation du Continent africain qui provoqua une rencontre brusque entre deux organisations sociales opposées, celle traditionnelle africaine et celle occidentale55(*). Ce conflit n'a pas pris fin avec les indépendances politiques. Cette survivance du dualisme culturel a continué à affecter la plupart des institutions sociales africaines parmi lesquelles le régime juridique foncier. Malheureusement, devant le choix à opposer entre les deux systèmes d'organisation juridique qui offrent au législateur congolais, il est bien évident que la faveur accordée au droit écrit l'a manifestement emporté sur celle réservée au droit coutumier.

L'ordonnance foncière togolaise du 6 février 1974 qui, en affirmant que les terres peuvent être détenues soit en vertu d'un titre foncier, soit en vertu du droit coutumier. Cette ordonnance place le droit coutumier sur un même pied d'égalité que le droit de propriété immatriculée56(*). La loi congolaise N°73-021 du 20/7/1973 dite loi foncière ne reconnaît que les contrats fonciers signés dans le respect de ses dispositions. Elle supprime le dualisme juridique entre le droit écrit et le droit coutumier en unifiant les modes d'accession à la terre. Il semble malheureusement que la coutume qui s'est bien révélée être une seconde nature pour les sujets africains du monde rural, puisque l'approche de la domanialisation foncière n'a pas connu plus de succès que celle de l'immatriculation, les droits fonciers coutumiers ayant survécu en marge de la légalité foncière, gouvernant de fait les rapports fonciers locaux et influant même puissamment sur les pratiques administratives.

Cette cohabitation entre deux ordres normatifs aux logiques internes assez divergentes ne peut que déboucher sur une opposition des membres d'une même communauté qui ne se réclamerait pas forcément d'un régime unique lors de la survenance d'un litige où se manifeste une opposition d'intérêts. Il est donc banal de dire que les conflits fonciers ayant pour objet les droits sur les terres du milieu rural congolais, plus particulièrement en Territoire de Lubero, ne sont qu'une manifestation naturelle et simple du conflit entre les deux régimes juridiques en cohabitation forcée, la proclamation de la propriété foncière étatique étant restée théorique pendant que les coutumes font quasi impunément preuve d'une arrogante vivacité, vraie nature du peuple mettant en échec les dispositions de la loi foncière57(*). Les Chefs coutumiers se réclament conservateurs et garants des droits de propriété collective de la communauté locale. Les terres rurales forment une catégorie résiduelle. La loi définit les terres urbaines comme celles qui sont situées dans les circonscriptions urbaines. Toutes les autres sont rurales. Parmi celles-ci, il y a lieu de distinguer les terres concédées, les terres affectées au domaine public et les terres occupées par les communautés locales.

Ces dernières, qualifiées des terres indigènes dans la législation coloniale, étaient régies par les coutumes locales et gérées par les autorités coutumières. Elles étaient la propriété des communautés indigènes58(*). Aux termes de l'article 387 de la loi du 20 juillet 19973, « les terres occupées par les communautés locales deviennent à partir de la promulgation de la présente loi des terres domaniales » elles font désormais partie du domaine foncier privé de l'Etat. En déterminant les compétences en matière foncière, la loi a expressément écarté les autorités coutumières du rang des gestionnaires de son domaine. En d'autres mots, les autorités coutumières ne sont plus compétentes pour conférer un droit de jouissance sur le sol. Au regard de l'article 56 alinéa 2 de la loi qui dispose que les terres du domaine privé de l'Etat sont régies par la présente loi et ses mesures d'exécution, nous pouvons affirmer que les terres occupées par les communautés locales relèvent bel et bien de la loi du 20 juillet 1973 et qu'en conséquence nul ne peut se prévaloir des droits foncier ou immobiliers sur elles, s'il n'est détenteur d'un certificat d'enregistrement (art 129). Autrement dit, la coutume n'est plus source de droit en matière foncière. L'article 389 de la même loi dispose, par contre que les droits de jouissance régulièrement acquis sur ces terres seront réglés par une ordonnance du président de la République, celle-ci qui n'a jamais été prise.

La question que soulève cet article est de savoir si le législateur a voulu par cette disposition régime applicable à ces terres à une loi ultérieure. Si la réponse est affirmative, on pourrait alors soutenir avec la cour suprême de justice qu'en attendant l'ordonnance présidentielle promise, les droits des jouissances sur ces terres sont régis par le droit coutumier (CSJ, RC 1932, 20 janvier 1988, RJZ, 1988, p 7, supplément N°3).

Suivant cette position de la cour, ces terres ne relèveraient donc pas de la loi dite foncière. Elles sont régies par les coutumes locales et gérées par les autorités coutumières. Cette interprétation reconduite en fait le dualisme du 20 juillet 1973 a voulu mettre fin. Elle est en contradiction avec la lettre et l'esprit de la loi59(*). Force est de constater que les droits des communautés locales sur les terres qu'elles occupent sont indéterminés. L'équivoque se situe à trois niveaux :

1. Au niveau du régime juridique de ces terres ; c'est-à-dire des règles applicables à ces terres.

2. Au niveau de l'autorité gestionnaire.

3. Au niveau de la nature des droits des exploitants paysans.

Hélas, la doctrine juridique congolaise n'arrive pas non plus à lever l'équivoque60(*). C'est pourquoi les pratiques en marge de la loi prédominent.

* 55 D. KAKULE PILIPILI, op. cit, P17

* 56 H. OUEDRAOGO, Etude comparative de la mise en oeuvre des plans fonciers ruraux en Afrique de l'ouest, in Etudes juridiques de FAO, janvier 2005, P6

* 57 PALUKU MASTAKI et KIBAMBI VAKE. In Etudes Juridiques N°3, op. Cit, P38

* 58 MUGANGU MATABARO, op. cit, P5

* 59 KALAMBAY, G. Le droit foncier Zaïrois et son unification, thèse, Louvain- la- neuve, UCL, 1973, 641 P ; MUGANGU, S ; La gestion foncière rurale au Zaïre, réformes juridiques et pratiques foncières locales. Cas du Bushi, Louvain-la-neuve, Academia-Bruylant, 1997, P149

* 60 G. KALAMBAY , Le droit foncier Zaïrois et son unification, thèse, Louvain- la- neuve, UCL, 1973, P.641

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand