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Le déni de grossesse: revue de littérature ; essai de réflexion sur la prise en charge de patientes en déni.

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par Laure SAINTE-ROSE FANCHINE
Université de Nice Sophia Antipolis IAE - Diplôme d'état de sage-femme 2012
  

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5.3.2 La difficulté à accoucher seule

Tout professionnel de naissance aguerri sait que l'expulsion d'un foetus, même dans les conditions optimales, nécessite de la patience et un parfait contrôle de la progression de l'enfant dans la filière génitale. D'abord en retenant la tête de l'enfant pour minimiser les dégâts périnéaux, puis une fois la tête expulsée, en opérant sur elle un mouvement de rotation puis de légère « traction » vers l'arrière, afin de favoriser l'engagement des épaules foetales l'une après l'autre dans le bassin maternel et ainsi optimiser l'expulsion du reste du corps de l'enfant.

Ces processus primordiaux à toute naissance non traumatique - décrits ici de manière volontairement succincte - constituent ce qu'on nomme la mécanique obstétricale dans le jargon médical. Dans le contexte d'une naissance en solitaire, cette mécanique est impossible à mettre en place [25]. La mère ne peut exécuter seule ces gestes techniques qui la plupart du temps « débloquent » la sortie du foetus : ce n'est souvent qu'après des efforts violents et d'une durée excessivement longue qu'elle pourra expulser l'enfant, par un véritable mouvement d'arrachement occasionnant sur elle comme sur lui des lésions graves voire irréversibles. Le plus fréquemment, l'enfant après ce travail rapide et cette naissance délétère ne présente pas ou très peu de signes de vie : dit « en état de mort apparente », il ne peut recevoir les soins salvateurs - désencombrement des voies aériennes, oxygénation, massage cardiaque - qu'incomberait la naissance traumatique en maternité. Cet état peut renforcer la femme sidérée dans son déni et l'amène à considérer l'enfant non comme un être vivant et différencié, mais comme « un bout de chair » sorti d'elle [15].

5.3.3 Face à l'enfant

Une fois l'enfant expulsé, la mère en état de choc agit la plupart du temps de manière incohérente. Le vécu de la naissance est comme un « trou noir » dans le témoignage de certaines, et a posteriori celles qui se souviennent des minutes consécutives à la naissance ne se reconnaissent pas dans leurs propres actes. Dans l'incapacité de s'occuper de l'enfant, certaines restent sidérées des minutes ou des

Université Nice Sophia Antipolis - École de Sages-femmes de Nice page 61/89

heures durant, laissant l'enfant mourir par omission de soins, ou noyé dans les toilettes où elles s'étaient réfugiées. D'autres ressentent le besoin de « le faire disparaître » mais ont dans leur état de choc des comportements que le sain d'esprit qualifierait d'absurdes ou de déraisonnables : elles cachent l'enfant silencieux dans un sac poubelle, le stockent dans un seau dans le garage ou au congélateur, vont le déposer sur le trottoir avec les ordures devant chez elles. [14]

Un cas pour exemple : une jeune femme envoyée par son médecin traitant pour de violentes douleurs abdominales, arrive en salle d'attente de la maternité et accouche seule dans les toilettes quelques minutes après. Malgré la proximité des professionnels, elle est dans un état de sidération tel qu'elle « enroule ce qui lui est sorti du ventre » dans du papier toilette et quitte la maternité sans consulter. L'enfant, mort, sera retrouvé chez elle quelques heures plus tard. [25]

Si l'enfant crie à la naissance ou présente des signes de vie qu'elle parvient à identifier, la femme se trouve dans une situation de détresse extrême, de dépersonnalisation profonde : elle peut alors être sujette à des pulsions très violentes. En étouffant ou en étranglant l'enfant, soit en le faisant taire, elle annule l'épouvantable réalité qui la dépasse, efface la douleur et l'incompréhension qui l'ont morcelée le temps du travail et de la naissance. Les auteurs de « Elles accouchent et ne sont pas enceintes » [25] parlent d'une éventuelle « folie éphémère », d'une « période d'irresponsabilité passagère spontanément résolutive dans les quelques heures qui suivent l'accouchement » ; c'est probablement une réaction intimement liée à l'irresponsabilité transitoire évoquée plus tôt dans la naissance en contexte physiologique, réaction favorisée par les douleurs et les variations hémodynamiques liées à un utérus en travail. L'abolition du discernement est telle chez ces femmes en déni qu'elles peuvent même vouloir « se venger de la douleur qui a été occasionnée sur ce qui vient de sortir [d'elles] », d'où certains cas relevés où l'enfant a été plusieurs fois poignardé ou encore étranglé avec son cordon.

Anne-Laure Simonnot, dans ses recherches sur le déni de grossesse chez l'adolescente [39], conçoit que la grossesse n'ayant pu exister dans l'imaginaire maternel, le lien mère-enfant précoce n'a pas pu s'établir non plus : dans ces circonstances, le geste meurtrier à la naissance perd de sa valeur négative, puisque « l'enfant n'existe pas ».

Université Nice Sophia Antipolis - École de Sages-femmes de Nice page 62/89

Dans son étude sur 4 mères infanticides, C. Bonnet considère la découverte du foetus comme la preuve d'une relation sexuelle, qui entraîne par sa présence le retour à la conscience d'un vécu traumatique. Pour sa survie psychique, la femme prolonge l'action du déni en bloquant les affects négatifs, soit « court-circuite » la résurgence du traumatisme en éliminant l'enfant.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote