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L'utilisation des nouvelles technologies dans le procès civil : Vers une procédure civile intégralement informatisée ?


par Sophia BINET
Université LUMIERE LYON 2 - Master Droit Processuel 2005
  

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II. L'acte authentique adapté aux nouvelles technologies

L'acte authentique est aux termes de l'article 1317 alinéa 1er du Code civil « celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises ». Modèle historique de la force symbolique du papier, de la plume, de l'archivage, de l'autorité, il est aujourd'hui toujours efficace, quoique concurrencé par la révolution de l'immatériel. Il n'est dès lors guère étonnant que la loi n°2000-230 du 13 mars 2000 sur la preuve électronique ait également eu à identifier l'acte authentique électronique. En effet, en adoptant cette loi, le législateur a consacré la notion d'acte authentique établi sur support électronique. L'ajout d'un alinéa 2 à l'article 1317 du Code civil a donc permis à l'acte authentique d' « être dressé sur support électronique s'il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ». Le pouvoir réglementaire a donc la charge d'organiser les modalités de mise en oeuvre de la réception d'un acte établi sur support électronique.

Afin de comprendre cette législation et les multiples discussions qui en découlent, il convient d'abord de s'interroger sur ce qu'est un acte authentique.

A. Précisions sur la notion d'acte authentique

L'acte authentique, témoignage d'un officier public, se définit comme un acte instrumentaire (instrumentum), comme un écrit qui constate un acte juridique (negocium)52(*). En règle générale, il n'est qu'un instrument de preuve mais il peut également être nécessaire à la formation même d'un contrat devenant ainsi, par dérogation au principe du consensualisme, une condition de forme nécessaire à sa validité.

L'acte authentique est donc dressé par un tiers, notaire ou huissier de justice par exemple contrairement à un acte sous seing-privé qui est établi par les parties elles-mêmes. Ce tiers est un témoin officiel, une personne qui tient de l'Etat la mission de constater une convention ou une situation, de les authentifier. Lorsque l'acte authentique est établit par un notaire, c'est de sa qualité de « témoin privilégié » qu'il tire la double force qui le caractérise : sa force probante et par suite, sa force exécutoire.

S'agissant de sa force probante, l'acte authentique est « supérieur » à un acte sous-seing privé. En effet, aux termes de l'article 1319 du Code civil, « l'acte authentique fait pleine foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause ». Par conséquent, alors que l'acte sous-seing privé peut être combattu par un autre écrit, un acte authentique ne peut être contredit que par la procédure d'inscription de faux c'est-à-dire jusqu'au succès d'un procès parvenant à établir que l'officier public a menti ou a commis un faux53(*). Cette résistance à la preuve contraire s'explique par le fait que l'acte authentique porte le témoignage de l'officier public ou ministériel et non un témoignage ordinaire qui pourrait être détruit par tous les modes de preuve. Les actes dont les constatations sont faites au nom de l'Etat et qui détiennent donc le sceau, doivent alors être crus sur parole.

Quant à la force exécutoire qui existe essentiellement pour les actes notariés, elle s'explique par sa force probante. C'est parce que l'acte authentique fait foi jusqu'à inscription de faux de son origine, de son contenu et de sa date, qu'il a force exécutoire. En effet, l'obligation qu'il constate est tenue pour certaine, ce qui entraîne que l'exécution peut être immédiate. Inversement, l'acte sous seing privé n'offre pas cette certitude puisqu'il ne fait pas foi dès son origine, les signatures qu'il porte pouvant être déniées et la preuve contraire à son contenu pouvant être rapportée plus facilement. Pour ces derniers, il faut donc vérifier l'existence de l'obligation avant de passer à l'exécution.

Par conséquent, l'idée de dématérialiser l'acte authentique engendre des questions importantes étant donné que ce dernier a des caractéristiques précises qu'il convient de sauvegarder. Le passage de l'acte authentique traditionnel à l'acte authentique électronique doit donc se faire avec prudence, ce qui a bien été assimilé par le législateur qui a décidé de soumettre sa mise en oeuvre par un décret en Conseil d'Etat.

B. L'adaptation de l'acte authentique sur support électronique

La réflexion sur le concept d'acte authentique établi sur support électronique est dense. La majorité de la doctrine et de la pratique s'accordent sur la réflexion du Professeur Catala : « L'authenticité ne peut se passer de cette comparution physique du contractant par devant le témoin privilégié habile à recevoir l'acte. Ce point central étant tenu pour essentiel, c'est autour de lui qu'il faut inventer les adaptations possibles des formes actuelles aux technologies futures »54(*). Ainsi, beaucoup d'interrogations subsistent relatives à l'élaboration, la rédaction et la transmission d'un acte authentique électronique.

1. L'authenticité des actes électroniques par les notaires

S'agissant des actes authentiques notariés, la forme électronique ne saurait dispenser de la nécessité pour chaque partie d'exprimer son consentement devant le notaire. Si l'acte est fait à distance, il suppose le concours de deux notaires qui, chacun situé au lieu où se trouve l'une des parties, recueillent leur consentement.

Il convient donc d'écarter deux thèses. D'une part, il paraît délicat d'envisager qu'un acte authentique à distance soit réalisé par un seul et même notaire qui devra recueillir le consentement puisque l'unicité instrumentaire n'implique pas l'unicité de notaire. D'autre part, l'acte authentique à distance dans lequel le notaire recueille les consentements des parties en dialoguant avec elles ne peut pas être admis. En effet, comment vérifier la qualité du consentement du contractant invisible et que son engagement soit libre et éclairé ? L'appréciation du sérieux du consentement ne peut donc se faire qu'avec la seule présence physique d'un témoin officiel.

Dès lors, concrètement, le déroulement de la passation d'un acte authentique55(*) pourra se faire comme tel dans l'hypothèse où les parties sont éloignées l'une de l'autre. Deux notaires, l'un instrumentaire et l'autre distant, vont se connecter sur leur réseau intranet sécurisé R.E.A.L. Un logiciel approprié leur permettra de travailler ensemble, simultanément sur l'acte dont le texte s'affiche à l'identique sur leur écran d'ordinateur. L'accord une fois réalisé sur un texte, chacune des parties y apposera sa signature électronique en présence de son notaire qui recevra ainsi son consentement. Puis, chacun des notaires y apposera la sienne : d'abord, le notaire distant, puis le notaire instrumentaire dont la signature rendra l'acte authentique selon les termes de l'article 1316-4 du Code civil. Ainsi, l'acte est définitif, comme il le serait s'il avait été dressé sur support papier.

Par conséquent, cette procédure ne remet donc nullement en cause l'authenticité traditionnelle liée à la présence physique de chacune des parties devant le notaire. Néanmoins, il semble qu'une question reste en suspend : lequel des notaires peut être poursuivi pour inscription de faux ? Tout dépend de la nature du faux allégué, matériel ou intellectuel mais devant la difficulté de prouver l'altération frauduleuse de la vérité, l'ensemble des notaires ayant concouru à l'authentification de l'acte sera à l'évidence inquiété jusqu'à ce que l'instruction révèle l'auteur de l'éventuelle infraction. Ce point reste ambigu et mériterai d'être réglé soigneusement par le pouvoir réglementaire.

2. Les actes authentiques électroniques des huissiers de justice

Concernant l'utilisation de l'acte authentique électronique par les huissiers de justice, les praticiens se sont interrogés sur les conditions pratiques de l'équivalence des écrits papiers et électroniques. Réunis en groupe de travail, plusieurs huissiers de justice ont formulés des propositions à partir de l'analyse des textes de base régissant la profession56(*), du nouveau code de procédure civile et du Code général des impôts.

L'adoption d'un acte authentique électronique semble envisagé comme une hypothèse particulière. Le principe de l'écrit sur support papier ne paraît donc pas remis en cause. En effet, le projet de modification de l'article 648 du NCPC envisage d'ajouter une nouvelle mention obligatoire «  Si l'acte est rédigé sur support électronique (...), [il doit contenir] la mention qu'il a été dressé sous forme électronique ». Par ailleurs, l'exigence classique d'une signature manuscrite ne paraît pas poser de problème particulier. Les huissiers de justice semblent admettre facilement l'idée d'une signature électronique sécurisée en proposant la création d'un nouvel article 654-1 du NCPC dont l'alinéa 2 prévoirait que « l'huissier de justice utilise un procédé de signature électronique sécurisée (...) permettant un traitement de l'information conformément aux prescriptions ».

Les propositions relatives à la signification électronique sont plus intéressantes. En effet, la proposition des huissiers de modification de l'article 648 n'envisage pas une signification électronique puisqu'il semble que l'utilisation d'une messagerie électronique ne permette pas cependant de s'assurer de l'identité de la personne qui reçoit l'acte. La signification à personne par cette voie électronique paraît donc impossible de ce fait puisque ce qui donne à l'acte son authenticité, c'est justement le fait qu'il soit remis personnellement par un officier public. Sans intervention physique de l'huissier, l'acte perdrait toute sa force57(*).

Ces réflexions témoignent de l'ampleur de la tâche relative à l'élaboration du décret en Conseil d'Etat qui va permettre de mettre en oeuvre les actes authentiques électroniques. Il aurait été possible de penser qu'avec la LCEN la quasi-totalité des formalités requises à titre de validité de l'acte puisse être accomplie par voie électronique étant donné que l'article 1108-1 du Code civil autorise l'écrit électronique à titre de validité de l'acte. Néanmoins, adopter cette idée pour les actes authentiques reviendrait à leur faire perdre leurs caractéristiques fondamentales qui font leur force juridique. L'identification des parties et l'authentification des témoins officiels doivent en effet être garantis.

L'utilisation des nouvelles technologies dans la procédure civile doit donc se faire de manière sécurisée. En effet, même si elles présentent l'avantage de la rapidité et de l'efficacité, il faut se demander si elles livrent les mêmes garanties en termes de confidentialité et de respect du secret professionnel que lorsque les actes de procédures sont accomplis par des déplacements physiques des praticiens. La dématérialisation des procédures, si elle se traduit par un gain de temps pour les avocats, ne doit donc pas sacrifier la sécurité des échanges et la confidentialité des documents.

Ainsi, pour que ces dernières puissent s'appliquer dans notre système juridique, la mise en place d'une méthode de sécurisation des échanges dématérialisés de messages et de documents utilisés par les praticiens du droit comme par les usagers est indispensable. La puissance des réseaux tout en assurant une confiance dans la transmission des données semble se faire depuis peu de temps par le mécanisme de la certification électronique.

A l'heure actuelle, il a déjà été envisagé de faire appel à des organismes de certification pour la délivrance de certificats électroniques qui vont garantir l'identification et l'authentification des professions judiciaires amenées à utiliser des actes authentiques électroniques.

Les notaires ont d'ailleurs compris le débat sur la sécurité des transmissions des actes et aujourd'hui, avec leur structure nationale ADSN, Association pour le Développement du Service notarial, ils ont mis en place le réseau Intranet notarial qui compte plus de 5500 abonnés, une architecture de certification avec la mise en place de la carte « REAL Plus » qui gère les certificats électroniques leur permettant l'accès à certains fichiers, à commencer par la Conservations des hypothèques.

Maintenant que l'on connaît les facteurs favorables à l'instauration des nouvelles technologies dans la procédure civile, il faut passer à l'étude des procédures de sécurisation de l'échange de documents qui s'opère par le biais de la certification.

* 52 M. GRIMALDI et B. REYNIS, L'acte authentique électronique, Petites affiches, 6 novembre 2003, n° 222, p. 3.

* 53 Article 303 et suivant du Nouveau Code de procédure civile. Il faut préciser néanmoins que cette procédure peut être contournée en recourant à l'article 145 du même code.

* 54 P. CATALA, Le formalisme et les nouvelles technologies, Défrénois 2000, art. 37210, spéc. n° 20, p. 908.

* 55 Rép. Min. n° 41766 à M. Estrost JOAN, Q 27 juillet 2004, p. 5857.

* 56 Ord. n° 45-2592 du 2 novembre 1945, décret n° 56-222 du 29 février 1956 ; Décret n° 50-97 du 20 janvier 1950

* 57 Infra p. 69-70

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote