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L'utilisation des nouvelles technologies dans le procès civil : Vers une procédure civile intégralement informatisée ?


par Sophia BINET
Université LUMIERE LYON 2 - Master Droit Processuel 2005
  

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I. Dangers et inquiétudes liés à la société du « tout électronique »

Faut-il aller plus loin et admettre que le dialogue entre les partenaires de la justice et les usagers se fasse uniquement par voie électronique ? L'usage de plus en plus fréquent des télé-procédures, des mises en état électronique, des formulaires en ligne, des courriels, les textes récents ouvrant de plus en plus les possibilités de communication par Internet nous y invitent. Toutefois, force est de constater que le droit positif et les moyens techniques actuels ne permettent pas encore de regarder comme indiscutable toute la procédure civile par voie électronique, et cela est plus que préférable. Le risque d'une dérive vers une justice inéquitable est patent (A) et la surconsommation judiciaire menace de s'installer (B) si les nouvelles technologies s'imposent à tous les stades de la procédure civile.

A. Vers la perte de l'égalité entre les justiciables et entre les professionnels du droit

Pour accéder au réseau Internet, l'utilisateur doit posséder un ordinateur, une ligne téléphonique (ou, dans le cas des grandes entreprises qui nécessitent une connexion permanente, une ligne spécialisée), un modem ou une carte réseau, un kit de connexion à l'Internet consistant en un accès à un réseau local relié à Internet ou un abonnement auprès d'un fournisseur d'accès Internet. Par ailleurs, pour « surfer » sur Internet, l'utilisateur doit également disposer d'un logiciel de navigation l'aidant à parcourir les sites du réseau, et éventuellement d'un logiciel de messagerie électronique lui permettant d'envoyer ou de recevoir du courrier électronique. Même si la population française se dote progressivement de tels outils, il reste néanmoins une grande partie qui n'en dispose pas, ce pour des raisons personnelles de préférence ou financières.

Il semble donc que par la mise en place d'un accès à la justice intégralement dématérialisé, le risque le plus important est d'assister à un creusement accru du fossé déjà existant entre deux mondes : ceux qui ont des connaissances en informatique et qui disposent d'une connexion à Internet, et les autres. Cette question touche aussi bien les citoyens et les professions juridiques.

1. Les usagers de la justice inégaux devant l'accès la justice

La séparation entre les personnes connectée et celles non connectées n'est même pas seulement géographique. En effet, à l'intérieur même des pays industrialisés, existent des impossibilités techniques et financières pour acquérir les moyens d'accès à l'informatique. De surcroît, nombreux sont les individus qui ne veulent s'adapter à l'ère moderne en s'équipant d'outils informatiques, qui ne s'y intéressent guère, non pour des raisons budgétaires mais pour des convictions personnelles légitimes. Actuellement, 46,3 % de la population française, soit quelques 24 millions d'individus, disposent d'une connexion à Internet80(*). Même si le nombre de personnes connectées a connu une croissance de 94 % en 2004, la moitié de la population ne dispose pas d'un moyen d'accès au Web et donc à tous les outils mis à la disposition du justiciable sur les sites internet des tribunaux : formulaires en ligne, conciliation électronique, dépôt de requête, etc.

Dès lors, alors que l'on assiste déjà à une mise à l'écart du citoyen non connecté, que risque d'entraîner une propagation des nouvelles technologies à l'ensemble de la procédure civile? La question de l'étendue de ces dernières quant aux conséquences qu'elle pourra avoir pour le droit d'accès à la justice de l'usager doit donc être au coeur des débats.

Il est déjà possible de penser que la société du « tout électronique » risquerait fort de violer l'article 6-1 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) ». En effet, le justiciable non connecté sera privé d'effectuer ses démarches : sa cause ne sera donc nullement entendue faute pour lui de posséder les outils informatiques nécessaires pour saisir la justice. Aussi, les avantages procurés par les nouvelles technologies en terme de célérité de la justice donneront lieu à un effet pervers puisqu'au lieu d'être jugé dans un délai raisonnable, l'usager ne le sera aucunement.

L'illégalité entre les justiciables en cas de dématérialisation totale de la procédure civile sera manifeste, ce qui n'est nullement envisageable. Il convient donc fortement de limiter l'essor des nouvelles technologies, faire que la justice ne soit pas uniquement réservée aux citoyens informatisés : l'accès à la justice par des outils numériques doit rester un choix et ne doit pas devenir une nécessité.

Ainsi, la maîtrise de l'étendue des procédés nouveaux à l'égard des justiciables paraît donc indispensable. Cela veut-il dire que l'informatisation intégrale de la procédure entre les professionnels du droit est possible ? Cette question à l'égard des professions juridiques rencontre les mêmes difficultés que celles observées pour les usagers.

2. Le probable déclin des professions juridiques non informatisées

Les partenaires de la justice peuvent se heurter à des obstacles financiers (petites structures dans les campagnes par exemple) ou bien faire le choix de privilégier l'aspect humain plutôt que d'envisager d'avoir des relations avec l'extérieur par le biais de l'informatique. Ainsi, si demain les échanges et actes se feront uniquement par voie électronique, cela contraindra inévitablement toutes les professions juridiques à s'équiper d'outils informatiques et on assistera à une mise à l'écart voire à une ruine des juristes non informatisés, ruine engendrée par un phénomène de société mal maîtrisé. Il convient donc là encore que la réalisation d'échanges et d'actes par voie électronique reste un choix et ne devienne pas une obligation contraignante.

Ce problème majeur de l'atteinte possible à l'égalité entre les justiciables et entre les professionnels du droit en cas d'informatisation intégrale de la procédure civile gouverne l'ensemble de la problématique de notre sujet. Il paraît donc nécessaire de contrôler l'extension des nouvelles technologies afin que celles ci ne rompent pas l'équilibre de la justice.

B. La crainte d'une surconsommation judiciaire

Dématérialiser toutes les phases de la procédure civile ne va-t-il pas faciliter l'accès à la justice, banaliser les communications par Internet au point d'entraîner un engorgement de la juridiction civile ? En effet, le risque d'un accès trop facile aux procédures est de transformer le justiciable en consommateur de justice et la justice en une marchandise. Or, le jugement n'est ni un produit, ni la juridiction un producteur. Recourir à la justice ne saurait donc être assimilé à l'accès à une grande surface81(*).

Ainsi, la généralisation des nouvelles technologies, le principe d'un recours électronique rapide, gratuit et simple fait surgir un nouveau problème de saturation de la juridiction civile. En se rapprochant virtuellement du juge et de la justice, le justiciable internaute pourrait les saisir systématiquement créant une impossibilité pour les professionnels du droit de répondre aux attentes, un épuisement des capacités humaines voire même la mort d'un recours solennel à la justice civile. La dématérialisation complète des actes de procédure tend vers des risques de dénaturation des relations humaines et de la justice elle-même.

Par conséquent, il convient de maîtriser l'utilisation de ces procédés, faire que leur essor ne transforme pas la justice en un marché mais permette un meilleur accès à la justice et donc de déterminer quel recours, quelle procédure pourra être faite par voie électronique.

* 80 Sondage effectué par Médiamétrie, Com.com. Élec. Mai 2005, p.4.

* 81 F. MALLOL, Le Conseil d'Etat admet la recevabilité d'une requête contentieuse présentée par courrier électronique, D. 2002, JP, p. 2008, op. cit. note 17.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore