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L'utilisation des nouvelles technologies dans le procès civil : Vers une procédure civile intégralement informatisée ?


par Sophia BINET
Université LUMIERE LYON 2 - Master Droit Processuel 2005
  

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II. Un risque de dépersonnalisation dans le traitement du dossier

Au-delà de la problématique du risque d'inégalité entre les usagers de la justice et entre les professions juridiques inhérent à l'installation globale des nouvelles technologies dans la procédure, se pose d'autres difficultés : à quel stade est-il envisageable d'avoir recours à ces outils sans que soient altérés la sécurité juridique (A et C) et la qualité des débats (B)?

A. La dématérialisation exclue en matière gracieuse et contentieuse?

Imaginons qu'un justiciable désire faire une injonction de payer à l'encontre de son débiteur. Il fera parvenir par voie électronique une requête mais commettra une erreur quant à la compétence du tribunal. Celui-ci ne comprendra pas que cette juridiction ne le dirige pas vers le tribunal compétent et sans doute, ne continuera pas son initiative. Dans cette hypothèse, il semblerait que la justice ne réponde pas aux attentes de cet usager. Dès lors, quelle solution convient-il d'apporter ? Faut-il envisager un transfert automatique de la requête qui implique une redéfinition de ceux qui traitent la requête car ce n'est plus le requérant qui a la charge de choisir la juridiction mais cette dernière qui, conduite à poser le problème de la compétence, analyse la situation, décide et tire les conséquences en transférant la requête ? Ou bien, faut-il en rester au mécanisme classique en considérant que le constat de l'incompétence résulte en principe d'une décision de justice qui doit être expliquée et doit pouvoir être contestée ?

Il convient donc de déterminer dans quel cas il est justifié de maintenir un circuit judiciaire classique et dans quel cas un traitement automatisé pour le justiciable est préférable.

Dans l'exemple choisi, il paraît possible d'envisager la saisine par voie électronique en raison de la nature du litige : il s'agit d'une procédure gracieuse où les droits de la défense ne sont pas les mêmes que dans une procédure contentieuse.

B. L'altération de la qualité des débats

En plus de la perte des relations humaines et de l'inégalité que pourrait engendrer une justice intégralement informatisée, il semble que dématérialiser l'ensemble d'une procédure contentieuse pourrait mettre en péril la qualité des débats. En effet, s'agissant des litiges de la compétence du Tribunal de Grande Instance, la procédure étant écrite, les parties ont l'obligation de se constituer avocat conformément à l'article 751 du Nouveau Code de procédure civile.

A supposer pour les besoins de notre réflexion qu'un jour l'ensemble de la population française sera informatisée et maîtrisera ces outils, la communication intégrale par voie électronique entre le justiciable et son avocat ne risquera-t-elle pas d'amoindrir la qualité de la défense? La relation entre un client et son avocat est fondée sur la confiance qui nécessite un dialogue étendu. Le danger serait donc que le pouvoir de représentation et de conseil de ce professionnel du droit soient négligés, voire disparaissent.

Aussi, est-il réfléchi d'envisager que la défense se fasse par le biais de seules conclusions électroniques ? Le propre de l'avocat étant de plaider, même dans une procédure écrite, l'absence de plaidoirie au profit de la dématérialisation entraînera certainement donc un déclin du rôle de l'avocat orateur, ou de la profession d'avocat simplement, ce qui est utopique pour le droit et la justice.

Néanmoins, la transmission de conclusions par voie électronique au tribunal et aux contradicteurs n'est pas en elle-même périlleuse si les garanties procédurales sont respectées82(*) et à condition que la phase des plaidoiries soit sauvegardée. La coexistence de ces deux éléments semble donc possible car l'échange d'écritures dématérialisées et la sauvegarde de la phase orale du procès n'altèrent en rien les relations humaines qui s'avèrent essentielles.

C. La signification électronique, un excès de l'utilisation des nouvelles technologies

La dématérialisation des actes de procédure, envisagée par les professionnels du droit et bientôt permise pour les actes authentiques dès que le décret pris en Conseil d'Etat sera publié, a suscité des interrogations quant à la signification. En effet, le groupe de travail organisé pour l'élaboration dudit Décret relatif à l'acte authentique électronique, a insisté sur les limites des échanges électroniques dans l'activité première des huissiers de justice qu'est la signification. Leur proposition de modification de l'article 648 in fine du Nouveau Code de procédure civile est ainsi formulée «  (...) si la signification peut être réalisée par voie de communication électronique, [il doit contenir] l'adresse de messagerie électronique à laquelle la copie a été envoyée ». Il semble ainsi que l'utilisation d'une telle messagerie ne permette pas cependant de s'assurer de l'identité de la personne qui reçoit l'acte et par conséquent de satisfaire aux exigences de l'article 654 du Nouveau Code de procédure civile posant le principe d'une signification à personne. C'est sans doute pour cette raison que les propositions de signification électronique paraissent rester exceptionnelles (« si la signification peut être réalisée par voie de communication électronique»). Le rôle de l'huissier lors de la remise de l'acte à la personne est essentiel et le groupe de travail n'a pas envisagé de modifier le principe83(*).

La signification à personne reste donc le principe et la signification électronique ne serait possible que dans les cas où il n'y a pas de personne réelle, c'est-à-dire dans le cas de la personne morale. Ainsi, le nouvel article 654-1 proposé concerne que l'hypothèse de l'équivalence de la signification électronique et de la signification « personne morale » : «  la signification à une personne morale est réputée faite à personne lorsqu'elle est réalisée par voie de communication électronique à l'adresse de messagerie électronique affectée à cette personne morale à la réception de l'acte (...) ».

Par conséquent, le caractère pédagogique de la remise impose de sauvegarder la présence physique de l'huissier de justice et de la part accordée à l'oralité. Il semble dès lors que les facilités offertes par l'électronique posent bien plus de question de procédure qu'elles n'en facilitent l'exécution. Mais ce qui ressort avant tout de ce constat, c'est que la dématérialisation complète des actes de procédure civile n'est pas réellement judicieuse : l'acte officiel transmis sur support électronique ne semble pas apporter les garanties suffisantes de sauvegarde de la sécurité juridique. Les nouvelles technologies n'offrant par en l'état actuel une assurance dans la remise de l'acte officiel, il convient donc que ce document soit remis de manière certaine à son destinataire, c'est-à-dire en utilisant la procédure classique de la remise de l'acte (signification à personne, à personne présente, à voisins, à gardien, à mairie).

Cette position du groupe de travail témoigne de l'ampleur de la tâche relative à l'élaboration du décret en Conseil d'Etat qui permettra de mettre en oeuvre les actes authentiques électroniques.

Il est donc possible de redouter que les nouvelles technologies mettent en péril le principe du dialogue entre l'usager et les partenaires de la justice. En effet, tout comme pour le recours aux M.A.R.C. ou à l'A.D.R. où le dialogue est inhérent au processus de conciliation ou de médiation, la procédure civile française nécessite des entretiens entre les parties et leur avocat, entre le juge et les parties. Et, on ne saurait soutenir que par nature, la procédure civile compromette le respect du principe du dialogue : l'écrit n'exclut pas l'oralité ni juridiquement ni pratiquement. Par conséquent, il convient de limiter l'essor de ces procédés dans la procédure civile puisqu'une complète dématérialisation des actes pourrait altérer la sécurité juridique et entraîner une rupture d'égalité entre les citoyens et entre les partenaires de la justice.

D'autres limites se posent à l'entrée des nouvelles technologies dans la procédure mais celles-ci sont cette fois liées au fonctionnement même de ces procédés.

* 82 Supra p. 35

* 83 G. DEHORO, L'écrit dans les procédures judiciaires, Gaz. Pal. 6-8 mars 2005, p.2

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote