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Prosélytisme et liberté de religion dans le droit privé marocain


par Meriem AZDEM
Université Hassan II - Licence 2007
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Droits de l'homme et libertés fondamentales
   

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2. L'enseignement :

Chaque religion implique l'adhésion de ses adeptes à des valeurs morales et à un comportement prédéterminé. Aussi, la transmission du savoir peut-elle déboucher sur la conversion d'un individu.

Par ailleurs, le fait que l'enseignement religieux ou spirituel démontrant le caractère erroné des autres religions et par conséquent étant susceptible de détacher d'éventuel disciples de celles-ci, constitue un prosélytisme.

Au Maroc, l'Alliance israélite compte quatre écoles à Casablanca qui accueillent également des élèves musulmans : il s'agit notamment de l'Ecole primaire Narcisse Leven et du Lycée Maimonide. Au cycle primaire, les élèves musulmans suivaient tous les cours de matières hébraïques, excepté la liturgie. Dès la rentrée scolaire 2000, ils n'assistent désormais qu'aux cours de langue hébraïque. Ce changement est dû aux problèmes rencontrés par les enseignants, principalement durant le cours de Torah. En effet, certains passages de la Bible sont interprétés différemment par les élèves juifs et les élèves musulmans (notamment le sacrifice d'Isaac ou d'Ismaël). En outre, les enseignants craignent toujours d'être accusés de faire du prosélytisme auprès des musulmans.22(*)

Pour ce qui est de l'enseignement chrétien, il existe un nombre d'établissements d'enseignement privés qui relèvent de l'Eglise Catholique au Maroc - diocèse de Rabat - dénommé ECAM (Enseignement Catholique Au Maroc). Aujourd'hui, ces établissements n'enseignent plus la religion catholique. Mais à l'origine, ils regroupaient en grande majorité des enfants européens ; les parents marocains qui y mettaient leurs enfants acceptaient un enseignement de type français.

Jusqu'au début des années 90, l'Ecole Charles de Foucault, qui fait partie des écoles d'ECAM, comptait encore parmi son corps d'enseignants, des instituteurs français chrétiens, ainsi qu'une infirmière, deux inspecteurs pédagogiques, et le directeur - qui était un père - de même confession. Il est vrai que ces personnes n'ont jamais invoqué ni leur appartenance à leur religion ni une quelconque allusion à la religion. Toutefois, l'école rappelle fortement l'aspect religieux chrétien du fait de l'existence de la chapelle des cloches un peu partout l'architecture même de l'école...23(*).

Les enseignements juifs et chrétiens ne sont pas les seuls susceptibles de constituer du prosélytisme. Mais, au sein même de l'islam, des courants tentent de rallier de nouveaux adeptes. Il en est ainsi de certains membres de la communauté chiite marocaine qui professent des enseignement clandestins. « J'ai connu un Imam Marocain Chiite diplômé en science politique, qui m'a donné des cours traitant de l'Islam pendant plusieurs années. Dans son garage transformé en bibliothèque, il égara les gens pour les emmener petit à petit vers la croyance peu connu des chiites. Mais pour cela, il utilisa la Takia. A chaque fois qu'on lui posait une question sur la religion, il mettait du temps avant de répondre en touchant son bouc afin de réfléchir sur la formule de Takia qu'il allait utiliser. Cet Imam ne propageait pas trop son idéologie dans la mosquée, ni dans les cours qu'il donnait les soirs ou pendant les khoutba (sermon). Il diffusait méthodiquement sa croyance chez lui, en privé, dans son garage en effectuant des soirées spirituelles et en privilégiant les nouveaux convertis ou tous ceux qui avaient une tendance vers le soufisme »24(*), explique un blogger25(*).

Hormis l'enseignement dans les écoles privées et l'enseignement clandestin, les instituts d'enseignement supérieurs semblent être des endroits propices pour le prosélytisme. L'université Al Akhawayn d'Ifrane et l'Ecole supérieure Roi Fahd de traduction de Tanger sont deux instituts particulièrement visés. L'université Al Akhawayn se veut par vocation un lieu où les trois religions monothéistes (l'Islam, le Judaïsme et le Christianisme) peuvent coexister. Elle se veut aussi comme un espace de dialogue et d'échange entre les trois religions. Au sein de l'Université, une église, une mosquée et une synagogue ont été bâties.

L'atmosphère qui règne dans les enceintes de l'Université a fait d'elle une parfaite base pour l'Eglise baptiste (Église chrétienne évangélique), selon un certain nombre d'étudiants et de professeurs. Les missionnaires de ce mouvement évangéliste se servent des activités sportives ou autres comme couverture.

Leur seul but est de créer une communauté chrétienne marocaine dans la région de Fès. « Une fois arrivés, notre priorité était d'établir une communauté chrétienne dans le campus», affirme Karen Thomas Smith «ambassadrice» d'Alliance Of Baptists dans un infobulletin du mouvement évangéliste datant d'avril 2000. Karen Thomas Smith reçoit de l'église baptiste un fonds d'aide pour pouvoir faire du prosélytisme religieux. Durant leur séjour au Maroc, les missionnaires du mouvement détectent les étudiants qui peuvent faire l'objet de conversion. Résultat : plusieurs étudiants marocains de confession musulmane, dont on ne connaît pas le nombre exact, ont déjà basculé... La conversion touche aussi bien les filles que les garçons. Un autre moyen privilégié de ce mouvement d'évangélisation est les programmes d'échanges d'étudiants qui entrent dans le cadre des conventions signées par Al Akhawayn avec d'autres universités.

À l'Ecole supérieure Roi Fahd de traduction, l'évangélisation se fait mais avec plus de discrétion. Dans cette école, un prêtre âgé d'une quarantaine d'années qui enseigne la traduction mène une action d'évangélisation en toute discrétion. Ce prêtre d'origine écossaise parlant l'arabe avec un accent égyptien est connu pour être une personne très réservée. Selon des témoignages, ce dernier promet aux étudiants qui se convertissent au christianisme une bourse d'Etudes à l'étranger. Toujours discret, l'homme cible ses «victimes» avec une grande précision.

Bien que ce genre de prosélytisme puisse être fondé sur la liberté d'expression et la liberté de religion, il n'en reste pas moins sanctionné par la loi pénale sur la base de l'alinéa 2 de l'article 220, chaque fois qu'il est adressé à un musulman. Cependant, le prosélytisme connaît d'autres formes qui sont sanctionnées non seulement par l'article 220 du code pénal, mais également par d'autres textes légaux.

* 22 Juifs et Musulmans aux mêmes pupitres : l'interculturel dans les écoles juives de Casablanca (Maroc) par Annick Mello http://www.unige.ch/fapse/SSE/groups/aric/Textes/Mello.pdf

* 23 Nous avons été élève à l'école Charles de Foucauld de 1988 à 1996

* 24 Chiites, Bahaïstes, Évangélistes : Les pratiques religieuses occultes au Maroc par B. Mokhliss et M. El Hamraoui in Le Reporter du 19 février 2007

* 25 http://chiite.over-blog.com/

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