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L'assistance médicale au décès en Suisse

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par Garin Gbedegbegnon
Université de Fribourg - MA Politique sociale, analyse du social 2006
  

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1.1.3. Le rapport institutionnel

La dimension institutionnelle de la relation thanatologique renvoie au niveau formel du rapport que le médecin entretient avec son patient. Le médecin ne considère plus seulement son identité et celle de patient, mais aussi leur position vis-à-vis des institutions. Ces dernières, qu'elles soient hospitalières, judiciaires ou sociales constituent le cadre objectif indépendamment de la qualité et de l'intensité du lien interpersonnel préétabli.

Dans le cadre d'un hôpital public, le médecin ne peut pas orienter l'accompagnement médical du mourant ou une assistance au décès sans tenir compte de la mission publique de son établissement. Le témoignage suivant est en ce sens éloquent. Évoquant la nécessité pour l'équipe soignante d'avoir un credo pour survivre en quelque sorte au patient, afin que la continuité du service puisse être assurée aux autres patients, un chef de clinique précise pourtant que «  ce credo, il doit être autant que possible en conformité avec la mission d'un établissement public. Si vous êtes une entreprise privée, vous faites ce que vous voulez. Si vous êtes une clinique privée, vous faites ce que vous voulez, je veux dire, ce que vous avez envie de proposer, ce que vous avez le droit ou pas le droit c'est égal, vous êtes votre entreprise.101(*) ».

Sachant que le credo de l'équipe soignante et médicale définit sa position vis-à-vis des différentes pratiques d'assistance au suicide, il est aisément compréhensible, en suivant le raisonnement du médecin, que dans le cadre d'un établissement public dont la mission est de tenir compte de l'intérêt publique, la pratique de formes illégales d'assistance au décès est vivement déconseillée.

Cela ne veut pas dire pour autant que le médecin soit totalement soumis au cadre institutionnel. Le rôle médical et la mission de l'établissement se confondent en effet dans la fonction de médecin-chef, de sorte qu'une décision médicale devient aisément une prise de position institutionnelle. Cela est illustré par l'issue d'une violente discussion entre un médecin-chef et un représentant d'une autorité religieuse qui soutenait la démarche d'une patiente voulant bénéficier d'une assistance au suicide à l'hôpital.

« Et on a donc expliqué notre point de vue, qu'on n'avait pas le droit de le faire dans cet hôpital, et qu'il n'y avait pas à se fâcher pour faire changer les choses, ça ne servirait à rien du tout, on a expliqué nos soins palliatifs et puis, la personne a renoncé à l'idée de partir avec Exit. Mais on a eu une discussion assez véhémente avec cette personne qui militait pour une personne qui n'était même pas convaincue, puisque la personne a choisi autre chose. C'est à la suite de quoi, l'institution s'est positionnée en fait. Nous n'adhérons pas à cette technique. C'est une décision d'institution.102(*) »

Dans le cas de l'assistance au suicide, le contexte objectif de la relation thanatologique joue un grand rôle. En effet, le médecin pratiquant dans un établissement médicosocial ou dans un institution hospitalière ne s'inscrit pas dans le même contexte qu'un praticien exerçant en cabinet ou d'un médecin conseil auprès d'Exit, où le cadre de son activité est plus libéral. La considération de ce contexte et de la marge de manoeuvre dont il dispose vis-à-vis de l'institution joue donc aussi un rôle dans la décision médicale de soutenir ou non cette pratique.

Eu égard à la volonté du mourant, mais également à ses droits légaux, certains médecins n'hésitent pas à dénoncer ce qu'ils désignent comme un abus de pouvoir institutionnel. « A propos de l'article du Temps concernant cette femme qui avait du quitter l'EMS pour aller dans un camping pour qu'Exit puisse, disons remplir son contrat. Bon, j'ai énormément de critiques à faire à l'égard de l'EMS qui est un lieu de vie, donc qui est sensé être le domicile de cette dame, et je ne vois pas pourquoi quelqu'un d'adulte, de majeur et de vacciné qui est à son domicile ne peut pas bénéficier de l'aide d'Exit par exemple. C'est un abus de pouvoir de l'institution sur la personne.103(*) »

L'opposition de ce médecin n'est pas sans fondement. Le rapport institutionnel entre le médecin et le mourant implique effectivement non seulement de tenir compte du champ thérapeutique en tant qu'entité institutionnelle et instituante, mais aussi de considérer les droits spécifiques du malade et de la personne en tant que citoyen.

Selon que le mourant est hospitalisé ou résident dans un établissement médicosocial, ses droits ne sont pas tout à fait identiques. En principe, pris en charge par un hôpital, il est soumis aux règles et aux normes hospitalières, autrement dit à la mission de protection de la vie de l'institution, sous réserve cependant des directives anticipées qu'il pourrait avoir remises à son médecin de famille, un proche ou une association104(*). S'il est résident dans un EMS, c'est son statut de citoyen qui prévaut, étant donné que l'établissement est son domicile légal. Il y dispose de tous ses droits, notamment de celui de pouvoir disposer de sa personne105(*).

Les trois formes de relation thanatologique mises en évidence montrent finalement que selon leur nature, les éléments de réalité pris en considération divergent. Et par conséquent la prise de position médicale vis-à-vis d'un projet d'assistance au décès ou d'assistance au suicide ne se déroule pas du tout de la même façon et n'implique pas les mêmes interactions. Le rapport de force entre le médecin et le patient n'est pas le même selon la qualité, l'intensité et le cadre de la relation thanatologique.

Considérant que la position du mourant n'est pas la même, il peut être déduit que sa capacité d'agir ne le sera pas non plus. Par conséquent la marge de manoeuvre dont il disposera pour accéder à son voeu ne sera pas la même. Il ressort des différents témoignages recueillis que l'acception médicale de la dignité du mourant varie fortement. Au vu de ce qui précède, il paraît légitime d'établir un lien entre non seulement les modalités de la signification du projet thanatologique et la nature de la relation thanatologique, mais également entre cette dernière et la façon dont le médecin perçoit la dignité du mourant.

* 101 P11 169632 (770 : 782)

* 102 P11 169632 (690 :702)

* 103 P4 249192 (365:371)

* 104 Les auteurs J. M. Forges et J. F. Seuvic font une analyse approfondie du statut du patient hospitalisé du point de vue juridique essentiellement, montrant les implications sociales du cadre légal. Ils démontrent entre autre que le statut d'hospitalisé prévaut sur celui de mourant et qu'en conséquence ce dernier est soumis au règles et aux normes hospitalières. FORGES (de) J. M. & SEUVIC J. F., L'hospitalisé, Paris, Editions Berger-Levrault, 1983, p. 193 et p. 235.

* 105 A ce propos la lecture de l'expertise du Prof. T. Jaag de l'université de Zurich est très instructive. Le professeur montre comment du droit légal à la liberté personnelle, à la préservation de la sphère privée, au respect de dignité de la personne peut découler un droit à disposer de soi. Cf. JAAG T., Expertise juridique concernant l'assistance au suicide dans les hôpitaux et les homes médicalisés de la ville de Zurich, commune de Zurich, ZBl 102/2001, mars 2003.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius