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L'assistance médicale au décès en Suisse

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par Garin Gbedegbegnon
Université de Fribourg - MA Politique sociale, analyse du social 2006
  

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2.2.3. Le choix du produit et l'état de conscience du patient

Le choix médical du produit nécessaire à la réalisation de l'assistance au décès ne constitue pas un enjeu en soi. En effet, selon la pathologie et l'état général du patient, un produit antalgique d'utilisation courante en milieu hospitalier peut devenir létal à partir d'une dose peu importante. L'expertise médicale consiste en une connaissance approfondie de la posologie et des effets nocifs de différentes substances conjuguées entre elles.

Sans pour autant revenir sur une typologie exacte des antalgiques, l'idée que l'on peut retenir ici est que certains antalgiques agissent en périphérie sur les terminaisons nerveuses et d'autres directement sur le système nerveux central. Le choix est déterminé par le type de douleurs induits par la maladie et selon la pathologie. Selon l'état psychologique du patient, le traitement antalgique est accompagné par la prescription d'antidépresseurs, de somnifères ou de calmants.

Dans ce contexte, c'est moins le produit en lui-même et son dosage, que son utilité qui constitue un enjeu pour le médecin. Le témoignage du généraliste accompagnant des mourants en home et à domicile concernant son usage de la morphine est parlant : « Lorsque qu'un être humain supporte bien la morphine, il n'y a pas de limites, dans la mesure où les douleurs sont massives. On a eu des patients, aussi de façon ambulatoire qui ont eu plusieurs centaines de milligrammmes par jour129(*). ». Pour ce médecin le but recherché idéalement est que la douleur soit circonscrite de façon à ce que le patient puisse maintenir un niveau de communication avec son entourage qui soit assez satisfaisant, mais il ajoute que ceci n'est pas toujours possible. Les phases finales de certaines pathologies conduisent à des états de somnolence ou à des démences.

Le médecin, face au profane qu'est le patient, peut choisir de l'impliquer ou non dans la démarche antalgique. Le plus souvent, il y est obligé, car son jugement de l'évolution de la douleur dépend étroitement des dires du patient et, lorsque celui-ci est inconscient des observations des soignants ou de la famille. Selon la relation qu'établit le médecin avec le patient, l'implication de ce dernier peut aller au-delà de la simple vérification de l'adéquation du traitement antalgique et consister en une participation active dans le choix de l'élaboration du traitement antalgique.

Dans ce cas cependant, il s'agira le plus souvent d'obtenir son adhésion, car de la confrontation entre la vision de l'expert et les appréhensions du profanes, les premières sont le plus souvent plus convaincantes, comme l'illustrent les propos d'un médecin assistant relatant une discussion liée à une demande de retrait thérapeutique venant d'une patiente âgée :

« Ce qu'on a discuté, c'est les médicaments. Parce qu'elle a dit que cela ne faisait pas de sens. Là on explique que c'est beaucoup plus dur pour mourir, si on laisse tomber le médicament cardiaque par exemple, parce que c'est tout à coup le coeur qui arrête de battre. Mais en ce moment, vous êtes en pleine forme dans le cerveau. Et vous remarquez encore que le coeur ne bat plus, que c'est fini, et vous avez encore quelques minutes durant lesquelles vous savez que c'est fini. Et c'est un moment qui je pense n'est pas très agréable. Mais si vous prenez le médicament cardiaque, ce sont les reins qui travaillent mal. Et les produits toxiques augmentent gentiment, ils vous endorment et vous vous en allez. Alors c'est beaucoup plus agréable pour vous.130(*) »

Le produit sert avant tout à modifier l'état de conscience du patient dans le but de lui rendre la maîtrise de son corps en atténuant la douleur ou de lui ôter la sensation de souffrance durant son agonie. En dernier recours, il peut servir aussi à tuer le patient. L'usage de barbituriques combinés à des produits à base de morphine peut aider à masquer l'intervention médicale dans une euthanasie active, car le cocktail létal diffère l'instant du décès, de telle façon qu'un lien direct ne puisse être établi entre l'acte médical et le décès.

« Comme je l'ai dit avec ce patient, je lui ai donné une haute dose de barbiturique et il est mort dans la nuit. Ce qui m'a permis de rentrer (ndlr : chez lui !), et l'on m'a annoncé son décès durant la nuit. Si j'avais fait l'injection avec le barbiturique et le curarisant, je serais sorti de la chambre et il serait mort. Donc ce que j'ai fait là, c'est une euthanasie clandestine en sachant qu'il allait mourir dans la nuit et puis comme cela j'ai pu dire, il est mort des complications de ...131(*). »

Contre toute attente le produit peut même servir de moyen de contrôle par la procédure y donnant accès. C'est le cas par exemple dans le cadre de l'assistance au suicide, où l'accès au produit létal, le pentobarbital, est remis sous ordonnance médicale. Or, les décisions médicales en la matière doivent être justifiées et les dossiers médicaux des mourants y ayant recours sont soumis au contrôle du médecin cantonal. Ce qui fait dire à un médecin-conseil d'Exit que « c'était beaucoup plus simple qu'aujourd'hui où nous utilisons le pentobarbital de sodium. Tout doit aller par nous, par Exit ou par le médecin traitant. C'est plus compliqué. Et je ne suis pas mécontent, parce que ça donne un contrôle un petit peu sur toute la ... comment dirai-je... sur les abus. Parce que chaque fois que j'accompagne un malade, je dois faire un rapport et ce rapport, il est là. C'est contrôler plus tard.132(*) ».

Le produit en lui-même n'est pas un enjeu. Au fur et à mesure des témoignages, il apparaît que ce sont les même substances dont il est fait usage dans les différentes formes d'assistance au décès (mise à part l'assistance au suicide prodiguée par les associations). Les propos du Dr. Marylène Filbet mettent en évidence la proximité entre la sédation totale, qui consiste à induire un coma chez le patient présentant des symptômes réfractaires à tout traitement et des signes aigüs de morbidité, et l'euthanasie active133(*). Ces deux pratiques reposent sur l'usage des même produits, à des dosages différents. Finalement, que les formes d'assistance médicale au décès soient clandestines ou officialisées importe peu du point de vue de la substance active. Par contre, l'utilisation du produit et l'effet escompté permettent de dire si l'acte médical était conforme ou non à la loi et au code déontologique. De ce fait, seules les déclarations des médecins peuvent faire foi dans ce domaine.

* 129 P8 090802 (186 : 188)

* 130 P10 269386 (253 : 266)

* 131 P3 192573 (308 : 315)

* 132 P6 947129 (54 : 60)

* 133 FILBET M., « Les situations extrêmes en soins palliatifs. La sédation a-t-elle une place? », in

Gérontologie et Société, no 108, mars 2004, p. 129-136.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand