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L'assistance médicale au décès en Suisse

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par Garin Gbedegbegnon
Université de Fribourg - MA Politique sociale, analyse du social 2006
  

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2.2.4. Le lieu de la prise en charge du mourant

La recherche d'un compromis entre les différents acteurs du projet thanatologique implique aussi la détermination du lieu de prise en charge du mourant. En effet, à chaque monde considéré correspond aussi un espace social, institutionnel, dans lequel les transactions entre les acteurs sont réglées de façon spécifique, en fonction de leur position institutionnelle, de leur pouvoir et des normes de conduite. La détermination du lieu est donc décisive, en cela qu'elle détermine la marge de manoeuvre dont dispose le médecin dans sa conduite du projet thanatologique.

La mort médicalement accompagnée peut survenir en différents lieux : dans les hôpitaux ou les centres de soins palliatifs, dans les établissements médicaux sociaux, à domicile, ou dans les chambres des associations comme Exit ou Dignitas. Dans chacun de ces espaces, l'activité médicale s'organise différemment de sorte que le médecin y jouit d'une marge de manoeuvre différente et que son rapport au patient y diffère.

Le choix du lieu de prise en charge dépend de plusieurs facteurs. A la question de la différence entre la prise en charge des mourants qu'il suit en EMS ou à domicile, un médecin généraliste répond de la façon suivante :

« Il s'agit d'organiser et de considérer dans quelle mesure les parents, si c'est à domicile, le personnel soignant, si c'est dans un home, peuvent être mis à contribution. Il faut identifier les possibilités, les ressources de la parenté. Peuvent-ils voir leurs limites. J'observe que même si la volonté est là souvent ils ne voient pas leurs limites. Je ne peux pas être présent tout le temps 365 jours par année, 24 heures sur 24. donc de façon prophylactique, il faut déterminer qui sont les personnes disponibles, pour combien de temps, à quelle fréquence des relèves, les possibilités de repos. Ceci peut prendre plus de temps que l'accompagnement du mourant en lui-même.134(*) »

Il apparaît que le souhait du mourant de mourir à domicile n'est pas le facteur décisif. Le médecin évalue au préalable l'état physiologique du mourant et en conséquence évalue les ressources disponibles, voire à mobiliser. Les ressources considérées sont autant financières, psychoaffectives, matérielles (lits, appareillage), qu'humaines (en personnel soignant, en soutien et en disponibilité horaire). Dans la mesure où le lieu constitue le cadre objectif du suivi médical, il a une incidence sur la position du médecin vis-à-vis des autres acteurs et sur son implication dans le suivi du mourant, comme en témoigne un des médecins faisant de l'euthanasie active à domicile.

« Le médecin entre et sort de la famille. Il est dedans et il est dehors. Et il est clair que c'est un espèce de continuum. Il est évident que le médecin va s'en aller à un moment donné, car il y aura encore une partie qui sera tout à fait privée de la famille. Mais c'est à géométrie variable. Le médecin que je suis, je suis assez impliqué émotionnellement avec mes patients et leurs proches, mais j'entre et je sors de leur histoire. Il y a des limites. Vous voyez. Et ces limite, elles vont être très souples en fonction des besoins.135(*) »

Le domicile du mourant, dans le cas présent, est présenté comme un espace relationnel particulier dans lequel le médecin se meut et nourrit des rapports privilégiés. Il participe activement de ce monde. Cette implication est d'autant plus facile que, dans le cadre familial, il dispose d'une certaine autorité, car il est en principe le seul médecin présent auprès du mourant. Il dispose donc de plus de marge de manoeuvre médicalement parlant, mais en même temps tout acte de sa part suppose qu'il établisse un consensus avec la famille et le mourant, si ce dernier est conscient. Néanmoins, l'envers du décor est que la présence à domicile du mourant suppose une présence et une participation intense des proches. « De ce fait à la maison, c'est plus simple, par le simple fait que l'on a alors plus d'autorité. Cela existe encore. En tant que médecin on a une autorité, même sous-jacente. Mais on peut aussi agir de façon différente, car on a à faire avec le patient et la parenté, et on peut obtenir dans ce contexte plus facilement un consensus. Mais il y a aussi eu des situations où j'ai dû hospitaliser le patient, non pas pour des raisons médicales, parce que l'accompagnement et les soins à domicile étaient possibles, mais simplement parce que la parenté ne l'a plus supporté, elle était dépassée. Cela je le respecte, ce n'est pas une question.136(*) »

L'évaluation médicale des ressources disponibles dans le monde domestique peut mener à la décision médicale d'une hospitalisation pour que le mourant y décède. Dans un univers hospitalier, le suivi médical n'est de loin pas le même. La prise en charge hospitalière du mourant est fortement collectivisée. Le médecin y partage la responsabilité et l'autorité avec le collège des médecins, en fonction de sa position de son statut, de son champ de responsabilité. La phase terminale correspond aussi au terme de la chaîne thérapeutique, de la trajectoire du malade au sein de la structure. Selon que le médecin soit le médecin de famille ou le médecin hospitalier, la position auprès du mourant n'est pas la même. Ainsi certains généralistes ou psychiatres représentent les intérêts de leur patient au sein de la structure, pour ce qui est de leurs directives anticipées. Toutefois l'implication du médecin traitant auprès de son patient, en milieu hospitalier, dépend en général de la qualité de la compagnie d'investissement sur laquelle repose leur relation thanatologique. Il faut en effet que la demande du mourant ait été explicite ou que l'attachement du médecin au patient soit telle que ce dernier le soutienne.

« Quand je vais à l'hôpital en visite, je ne vais plus tellement comme médecin, c'est par amitié que j'y vais. Ça dépend de la relation que l'on avait avant et puis des discussions qu'on avait avant. C'est clair que si l'on avait des discussions d'un certain niveau, ça se prolonge quand je vais faire des visites à l'hôpital, pour autant que je ne tombe pas juste au milieu du repas, pas quand il y a d'autres personnes, enfin. Je n'ai pas forcément les moments privilégiés que j'ai au cabinet, quand je sais que je peux parler avec elle et que je sais qu'il n'y a personne qui va me déranger, peut-être de temps en temps un téléphone137(*). »

Les transactions considérées dans chacun des lieux sont donc de différentes natures (économiques, symboliques, relationnelles, etc.) mais leur régulation diffère selon les espaces considérés. Le choix du lieu de prise en charge du mourant est donc décisif pour la réalisation du projet thanatologique. Ce choix traduit et matérialise en quelque sorte le monde que les différents acteurs ont choisi comme référence pour fonder leur compromis. Il détermine en effet le contexte objectif de la relation thanatologique.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry