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L'assistance médicale au décès en Suisse

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par Garin Gbedegbegnon
Université de Fribourg - MA Politique sociale, analyse du social 2006
  

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2.2.5. La qualité de vie et la détermination du potentiel de santé.

La « qualité de vie » en tant que concept est omniprésent dans les discours relatifs à l'euthanasie. Elle désigne tout à la fois le bien-être du mourant, la qualité de ses relations, son appréciation subjective de son existence, le rapport entre son état de santé, son espérance de vie et sa survie quotidienne. Cette notion est en quelque sorte un véritable « fourre-tout », malléable selon le contexte de son utilisation et la visée militante de l'interlocuteur. De ce fait, nombre de médecins la jugent simplement impraticable au quotidien.

Un médecin ayant suivi une formation en soins palliatifs exprime son doute quant à l'objectivité de son expertise à ce propos. « On n'a pas beaucoup d'outils pour décider de la qualité de vie, donc cette question intuitive « est-ce qu'à sa place je... ? Est-ce qu'à la place du patient en évaluant ma qualité de vie, je n'aurais pas envie de me suicider ? C'est en effet un moyen intuitif aussi bon que les moyens objectifs soi-disant, d'ailleurs qu'on n'a pas vraiment, pour évaluer une qualité de vie. C'est très subjectif de toute façon ... mais c'est quand même très individuel et intuitif, donc c'est de l'empathie ...138(*) ».

Ce témoignage montre que la qualité de vie suppose une vision plus large que ne le permet la seule expertise clinique. La vision holiste du patient et de sa situation que nécessite le maniement d'une telle notion n'est donc pas une évidence. Si le médecin ne dispose pas des outils d'évaluation sociale adéquats, la projection personnelle et l'identification se substituent à l'expertise que suppose la notion de qualité de vie.

La qualité de vie, telle qu'elle est perçue par l'opinion publique, de façon commune, et le concept, tel que le médecin est censé le comprendre, ne sont pas équivalents. En effet, dans le premier cas, elle désigne finalement l'appréciation personnelle des conséquences de la morbidité sur la vie quotidienne, dans le second, elle consiste en une tentative d'objectivation. Il s'agit de déterminer les paramètres indicateurs du moment où la renonciation aux soins curatifs est possible. Cette préoccupation permanente de la médecine, en particulier d'urgence, est bien illustrée par les explications que donne un médecin au sujet d'une recherche à laquelle il a participé et qui lui a permis de mieux appréhender le moment où une assistance au décès est envisageable, voire nécessaire.

« En fait le but de cette thèse était de voir un certain nombre de paramètres qui permettaient de déterminer qui allait mourir, qui allait survivre bien et moins bien et à partir de quand on pouvait se faire une idée à partir d'un certain nombre de paramètres. Parce que à la base de cette réflexion, il y avait l'idée que si on sauve quelqu'un de la mort, mais que l'on en fait quelqu'un qui sera décérébré et qui sera dans un état végétatif persistant, qui va survivre quelques mois, quelques années, mais en étant toujours dans le coma, pour cette personne, pour la famille de cette personne, ce n'est pas forcément un bien, globalement pour la société cela n'apporte rien, et c'était de voir à quel moment, à partir de quels critères on pouvait se dire et bien stop, là il devient légitime de s'arrêter car l'on va vers la catastrophe, ou bien là non, il faut faire un effort soutenu poursuivi et maximum car l'on va pouvoir récupérer, et de clairement essayer de voir les différents groupes.139(*) »

Dans son acception médicale, la qualité de vie est mise en relation avec l'espérance de vie pour définir le « potentiel de santé140(*) ». Cette notion décrit l'état de santé du patient. Si une maladie apparaît, il diminue en conséquence et peut conduire à une mort prématurée, sans aucune intervention. Les moyens curatifs visent à restaurer ce potentiel ou à le stabiliser. Par contre, les soins palliatifs visent à atténuer la douleur à améliorer le bien-être, ce qui peut retarder quelque peu la mort prématurée, mais qui n'est pas équivalent à une mort naturelle. Le témoignage d'un médecin assistant illustre cette logique d'accompagnement du patient : « Il y a différentes choses dans la médecine. Il y a la chose de guérir. La chose principale et puis si on n'arrive pas à guérir, c'est d'augmenter la qualité de vie. La troisième chose est d'augmenter la qualité de mourir. Ce n'est pas ma branche, ce n'est pas ce qui m'intéresse surtout, mais c'est surtout une branche importante, en fait.141(*) ».

Il est vrai que les acceptation commune et médicale de la qualité de vie sont proches, car le potentiel de santé du patient et son état sont une donnée qui est propre à chaque individu. Toutefois, comme le relève Guy Llorca, le concept de qualité de vie permet d'individualiser l'approche médicale, mais ce n'est pas pour autant qu'il faut y voir un alignement sur l'appréhension subjective que peut avoir une personne de sa situation142(*).

En fin de compte, malgré la complexité, la malléabilité et le flou épistémologique qui caractérisent la notion de qualité de vie, celle-ci semble pourtant avoir un intérêt : celui de provoquer la discussion et d'inciter les acteurs à se confronter au sujet des conditions auxquelles il peut être admis que le mourant peut disposer de sa propre existence. La qualité de vie constitue un enjeu en cela qu'elle représente un élément du consensus recherché afin de pouvoir mener à bien le projet thanatologique. Posée comme nécessité, elle conduit en somme les transactions menées autour du mourant et sert de trame à la construction du compromis entre les différents mondes.

* 138 P9 050902(514 : 521)

* 139 P3 192573 (54 : 66)

* 140 LLORCA G., Du raisonnement médical à la décision partagée. Introduction à l'éthique en médecine, Paris, Editions Med Line, 2003, p. 26-27.

* 141 P10 269386 (431 : 436)

* 142 LLORCA G., ibid., p. 24.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus