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L'offre éducative primaire au Burkina Faso. Approche économique et anthropologique

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par Julie Rérolle
Université Aix - Marseille 1 - Master 2 Langues Etrangères Appliquées "Intelligence économique, culture et organisation" 2007
  

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I.2) Un taux de scolarisation très bas et hétérogène

Comme nous l'avons vu, le taux brut de scolarisation au Burkina Faso est faible, se situant parmi les plus bas de la sous-région ouest-africaine. Cependant, depuis les années 1960, on assiste à une élévation du taux de scolarisation dans les pays en développement et tout particulièrement au Burkina Faso, qui démontre un engouement pour les politiques d'éducation de la part des gouvernements dans le processus de développement.

Au lendemain de la décolonisation, la décennie 1960 a connu un taux de croissance des effectifs de 16%. Puis, avec Sankara et sa politique « à chaque village, son école », la décennie 1980 a encore connu de fortes hausses de scolarisation. L'amélioration est exponentielle, car en 10 ans (1960-1970), le TBS a augmenté de 7 points de pourcentage et puis de plus de 20 points entre 1996 et 2006 (Cf. tableau 16)70(*). Cependant, on peut noter qu'à l'aube de l'an 2000, c'est seulement 44% des enfants burkinabé âgés de 7 à 12 ans (tranche d'âges légale pour le primaire) qui sont scolarisé.

16) TBS au niveau primaire (%)

1960

1970

1980

1990

1996

1999

2006

8

15

29

33

39,9

44

60,7

Données : le PNUD et le FMI

Comme le confirme le tableau 17) sur les taux nets de scolarisation, qui ne tiennent pas compte des redoublants, l'amélioration est surtout récente : 10 points de pourcentage en 8 ans (de 1991 à 1999) et puis 13 points en 7 ans, sur la période 1999-2006. C'est une amélioration considérable quand on sait que le taux net était de 6,5% au moment de l'indépendance (1960). Les différences entre taux bruts et nets (47,8 contre 60,7 en 2006) révèlent la part des redoublants, un problème que nous étudierons plus loin.

17) Taux net total de scolarisation dans le primaire, filles et garçons au Burkina Faso

1991

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

24,5

34,7

35,8

36,6

37,6

37,6

40,3

44,3

47,8

Source : indicateurs officiels des OMD71(*)

Cela prouve un effort de la part du gouvernement burkinabé pour améliorer l'accès à l'éducation. Malgré ces efforts, le taux de scolarisation au primaire est estimé à seulement 57% en 2005 et le taux d'alphabétisation de la tranche de la population âgée de plus de 15 ans est de 24%.

Tout comme au niveau international, les taux de scolarisation du Burkina Faso se caractérisent par de fortes disparités aussi bien géographiques (selon les régions, les provinces et entre villes et campagnes), que selon le sexe et l'origine sociale72(*). Ces disparités s'expliquent par une demande plus faible selon ces mêmes paramètre, et, surtout, par une offre éducative et un système inadapté et déconnecté des réalités et des besoins locaux.

I.2.1) Les disparités géographiques

Tout comme les taux de rendement de l'éducation, la scolarisation dépend de la zone géographique. L'Est et le Nord-est sont les régions où le taux de scolarisation est le plus bas (à peine 25%) et l'écart entre filles et garçons est d'environ 20%.

18) Taux de scolarisation par sexe et par province (année scolaire 1997-1998)

 

Comme le montre le graphique 18)73(*), les taux de scolarisation sont très éparpillés entre les provinces. Ainsi, la province de Kadiogo, au centre (où se trouve la ville de Ouagadougou) a un taux de scolarisation de 88% tandis que celui de la province de Komandjari, à l'Est est de 7% seulement. Pour les années scolaires 1990-1991 et 1994-1995, 7 des 45 provinces que compte le Burkina Faso n'atteignent pas le taux de 20%.

Source : MEBA (1999)

Il existe aussi un écart important entre milieu rural et milieu urbain. En campagne, le taux de scolarisation dans le primaire atteint à peine 20% alors qu'il se situe à 67% dans les villes. Les ménages urbains scolarisent donc trois fois plus leurs enfants qu'en milieu rural. L'urbanisation est donc favorable à l'école. Les trois plus grandes villes du pays, Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Koudougou accueillent à elles-seules le tiers des effectifs scolarisés, alors qu'elles n'abritent qu'un cinquième de la population scolarisable.

Cela s'explique notamment par le fait que i) les familles pauvres, qui vivent avant tout dans les régions rurales, n'ont pas les moyens de scolariser leurs enfants (ils allouent moins de 1% du budget total à l'éducation, comparé à plus de 3% pour les ménages urbains) ; ii) les structures éducatives sont mieux implantées dans les villes, si bien que la population scolaire y est concentrée, et iii) en raison des différences de perception de l'institution scolaire et de sa nécessité (bien souvent, les fils de paysans deviennent paysans) et aussi à cause du préjugé contre la scolarisation des filles - plus présent en milieu rural - et d'autres raisons socioculturelles. Ainsi, les disparités géographiques s'expliquent simplement par la centralisation de l'offre éducative et par le fait que la non-scolarisation est étroitement liée à la pauvreté - un phénomène avant tout rural.

I.2.2) Les disparités par sexe

Comme nous l'avons vu précédemment, les filles sont moins scolarisées que leurs camarades masculins. Selon les estimations du Bureau international du travail, 104 millions d'enfants ne sont pas scolarisés dans le primaire dont 56% de filles. De multiples facteurs que nous avons déjà cités (d'ordre historique, politique, économique, culturel, religieux ou encore liés à l'offre scolaire), sont responsables d'une moindre demande de scolarisation et donc de la sous-scolarisation des filles, mais nous ne nous y attarderons pas. Le tableau 19) ci-dessous montre le taux de scolarisation de trois années scolaires différentes.

19) Taux brut de scolarisation selon le genre au primaire au Burkina Faso

Années scolaires

Garçons

Filles

Total

1992-1993

40,6

27,0

33,9

1997-1998

48,0

33,4

40,9

2002-2003

53,6

41,0

47,5

Source : annuaire statistique du MEBA

Grâce à ce tableau, on peut faire deux remarques importantes : i) tout d'abord, les filles sont moins scolarisées que les garçons ; et ii) ensuite, l'écart de scolarisation n'a pas tellement évolué en 10 ans, il a même commencé par augmenter (le différentiel est passé de 13 à 15 entre les rentrées scolaires 1992-1993 et 1997-1998) ; puis cet écart de scolarisation est tombé à 12 points de pourcentage entre 1997-1998 et 2002-2003. Cette évolution est peu prometteuse et fait douter quant à la possibilité d'atteindre la parité dans le primaire au Burkina Faso. Ce graphique (n° 20) confirme que les filles sont bien moins scolarisées que les garçons et ce sur les quatre périodes représentées. En 2005, 39% des filles d'âge primaire sont scolarisées en comparaison avec 49% des garçons. Comme nous l'avons dit plus haut, l'écart entre les deux taux reste plus ou moins constant sur la période 1991-2005. Mais ces disparités par sexe varient aussi par région, avec des écarts de plus du double dans certaines provinces.

20) Taux nets de scolarisation au primaire par sexe (%). 1991-2005

Source : UNESCO74(*)

Malgré les interprétations des données ci-dessus75(*), le ratio filles/garçons, comme il apparaît dans le tableau 21), a progressé continument sur la période, notamment depuis 1998. Il a progressé de 33% en 25 ans (en passant de 0,583 à 0,777). Selon la Banque Mondiale, il serait de 0,82 pour 200676(*). Selon ces dernières informations, l'amélioration est notable mais cela reste inférieur à l'objectif de parité.

21) Ratio filles/garçons dans le primaire au Burkina Faso entre 1980 et 2001

1980-1986

1986-1989

1989-1991

1991-1996

1996-1997

1997-1998

1998-1999

1999- 2000

2000-2001

2004-2005

0,583

0,603

0,623

0,638

0,650

0,665

0,679

0,690

0,701

0,777

Données : statistiques du GRETAF77(*)

I.2.3) Selon l'origine sociale

L'économie domestique, qui étudie la demande et les stratégies familiales, a remarqué que le taux de scolarisation dépend aussi de l'origine sociale et familiale de l'élève. La demande d'éducation des familles dépend de sa composition. En effet, un peu moins d'un tiers des ménages (32,4 %) scolarisent au moins un enfant, environ les deux tiers n'en scolarisent aucun, et seulement un sur six (16,7 %) les scolarisent tous, ce dernier chiffre diminue en fonction du nombre d'enfants. Moins les familles ont de membres scolarisables et plus leurs enfants vont à l'école. En moyenne, c'est donc à peine un « demi-enfant » (0,48) qui est scolarisé par ménage.

La religion est aussi un déterminant important de la demande. En effet, certaines familles de confession musulmane assimilent l'enseignement à la christianisation, qui « fabrique de mauvais musulmans »78(*). Certains sont hostiles à l'Ecole publique et ce qu'elle représente et préfèrent se tourner vers des écoles religieuses (coraniques ou médersa).

Becker pense que les couples font un choix entre la quantité et la « qualité » (volume du capital humain incorporé) des enfants. Plus ils ont d'enfants, plus ils devront limiter l'éducation qu'ils leur donnent. En général, il existe une corrélation négative entre le niveau de formation de l'ascendance (surtout de la mère) et la taille de la descendance. En effet, le coût d'opportunité de chaque enfant, calculé par le temps sacrifié, augmente avec l'éducation de la mère, ce qui rend l'enfant moins « rentable ». C'est un des arguments pour une augmentation de la scolarisation des filles car cela peut faire baisser la fécondité dans les pays en développement (en grande partie responsable des situations de "trappe à sous-développement").

Les stratégies familiales de scolarisation

Pour comprendre les différences en termes de scolarisation, il est important de s'attarder sur les stratégies familiales de scolarisation. Chaque ménage (en fonction de son revenu, de ses convictions religieuses, de sa représentation de l'école, de son lieu de résidence et son activité etc.), opte pour une stratégie de scolarisation particulière. Selon E Gérard (1997), il existe trois « stratégies diachroniques de scolarisation » : la stratégie de scolarisation continue (les enfants sont scolarisés les uns après les autres) ; alternée (les enfants sont tour à tour scolarisés et maintenus au domicile) ; et sporadique (scolarisation sans périodicité précise), qui est la plus courante. Il existe aussi quatre types de stratégies dans le choix des écoles : la stratégie de scolarisation « simple » : tous les enfants sont scolarisés dans la même structure ; la stratégie « simple et mixte » : au moins deux individus envoyés sur les bancs privés, l'un dans une médersa et l'autre à l'école coranique ; la stratégie de scolarisation « mixte » : inscription dans les établissements laïcs et religieux ; et enfin la stratégie de scolarisation « plurielle », des enfants sont envoyés à l'école publique, d'autre à la médersa, d'autres encore à l'école coranique. Mais la plupart n'ont pas de « programme » ou tactique précise de scolarisation dans le temps, obéissant d'avantage à la conjoncture, à des événements ponctuels aléatoires, qu'à un projet éducatif précis et fixe.

Certaines familles optent aussi pour une stratégie d'évitement de l'institution scolaire, dû au « sentiment d'une école à double vitesse, où les chances de réussite de l'élève démuni sont réduites ou même nulles. »79(*) Parfois même, elles cachent leurs enfants afin de leur épargner les "méfaits de la colonisation", en jurant sur l'honneur, « qu'aucun de leurs enfants ne suivra, de quelque manière que ce soit, et sous peine de malédiction et de mort, la "voie des Blancs", la "mauvaise voie des étrangers" ».

Et enfin, certaines adoptent « une stratégie de substitution en faveur d'un modèle d'éducation différent, parce qu'il correspond d'avantage à leurs attentes (c'est-à-dire à leur représentations mais aussi aux conditions de production de celles-ci et des attitudes éducatives). »80(*)

Ainsi, si le contexte burkinabé est celui d'une scolarisation croissante, notamment dans le primaire, il existe d'importantes disparités dans le pays. « Il semble peu probable qu'à ce rythme l'objectif d'EPU soit atteint en 2015 »81(*). La problématique de la démocratisation de l'enseignement se pose donc en termes d'accès. Nous allons donc désormais analyser la qualité du système en termes d'efficacité et d'équité.

* 70 Les OMD au Burkina Faso selon le PNUD http://www.pnud.bf/FR/OMD.HTM et le FMI http://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2002/03/pdf/mingat.pdf

* 71 http://millenniumindicators.un.org/unsd/mdg/Data.aspx?cr=854

* 72 Les disparités peuvent être vues sous des angles très différents que nous ne verrons pas de manière exhaustive.

* 73 http://www.solidarite-en-action.com/Docs%20sur%20le%20Burkina/Education/politiques_ducatives_et_syst_scolaire_actuel.pdf

* 74 ISU Statistiques - En bref  http://stats.uis.unesco.org/unesco/TableViewer/document.aspx? ReportId=120&IF_Language=fra&BR_Country=8540&BR_Region=40540

* 75 Cela jette un doute sur la qualité des informations disponibles, ce que nous développerons plus loin dans l'analyse.

* 76 http://ddp-ext.worldbank.org/ext/ddpreports/ViewSharedReport?&CF=1&REPORT_ID= 1336&REQUEST_TYPE=VIEWADVANCED&HF=N/IDGProfile.asp

* 77 Groupe d'Etudes sur l'Education en Afrique

http://www.solidarite-en-action.com/Docs%20sur%20le%20Burkina/Education/stats_du_GRETAF.pdf

* 78 Idem

* 79 Gérard Etienne (1997), La tentation du savoir en Afrique. Politiques, mythes et stratégies d'éducation au Mali. Karthala, Paris, page 36

* 80 Idem

* 81 Educating All Children: A Global Agenda, Joel E. Cohen, David E. Bloom, Martin B. Malin (2007) page 2

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery