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L'autorité de la norme constitutionnelle au Cameroun

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par Etienne KENFACK TEMFACK
Université de Douala-Cameroun - D.E.A. de droit public 2005
  

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II- LA CONFISCATION DU POUVOIR CONSTITUANT PAR LES POUVOIRS CONSTITUES

Les commodités pratiques de l'exercice du pouvoir constituant ont conduit à attribuer des rôles aux pouvoirs institués dans la procédure de révision. Mais il est loisible de constater qu'ils ont confisqué ce pouvoir. Cela se traduit par l'emprise présidentielle sur le processus constitutionnel (A) et la pleine souveraineté des représentants du peuple (B).

A) L'emprise présidentielle sur le processus constitutionnel

L'élaboration des Constitutions autant que les révisions constitutionnelles révèlent une présence hégémonique du président de la République. Cette emprise s'explique par un pouvoir discrétionnaire et exclusif de l'opportunité (1) et de la gravité (2) de toute initiative en matière constitutionnelle.

1- Juge de l'opportunité de l'élaboration et de la révision de la constitution

Nouvelles ou révisées, l'histoire des Constitutions camerounaises est celle des projets et des visions du chef de l'Etat (49). En effet, en mettant de côté la constitution de 1960 qui rentre dans la logique juridique de la naissance d'un nouvel Etat, "la dynamique constitutionnelle du Cameroun" porte l'estampille du Président. L'illustration la plus forte et la plus remarquable demeure cette phrase du président Ahmadou Ahidjo devant l'Assemblée nationale fédérale le 9 mai 1972: "ma conviction, mesdames et messieurs les députés, ma profonde conviction est que le moment est venu de dépasser l'organisation fédérale de l'Etat". Le même constat peut être fait pour la loi fondamentale du 18 janvier 1996, qui est selon l'auditoire du Président de la République tantôt une "nouvelle Constitution", tantôt une "révision" de la Constitution de 1972. A la fin, c'est un Président convaincu que le temps était "enfin" venu de concrétiser les choses qui fait déposer le 24 novembre 1995 un projet de loi portant sur la "révision de la Constitution du 2 juin 1972."

2- Juge de la gravité de toute réforme constitutionnelle

Cette gravité tient tant au nombre de dispositions qui feront l'objet de modification que la terminologie même de la réforme. Ainsi en 1961, alors que l'avènement de l'Etat fédéral

49 Voir à ce propos V. Miafo Donfack, "Le Président de la République et les Constitutions au Cameroun", in La reforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun, aspects juridiques et politiques, op cit. pp 252 et SS.

exigeait l'élaboration d'une nouvelle Constitution, le président décide que ce sera une "loi (...) portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la Constitution actuelle aux nécessités du Cameroun unifié". Le constat que nous pouvons faire ici est que la Constitution et les révisions constitutionnelles au Cameroun servent les desseins du chef de l'Etat. Ainsi en est-il par exemple de la révision du 18 novembre 1983 dont l'objectif, précise le Pr. Kamto, était de "se donner une légitimité populaire et républicaine et se débarrasser de cette légitimité monarchique" que le Président Biya avait hérité de son prédécesseur. La Constitution a depuis longtemps cessé d'être cet acte qu'on ne touche "qu'avec des mains tremblantes". Tournée, détournée et retournée afin de réaliser un voeu, le pouvoir absolu; servir une ambition, demeurer au pouvoir; justifier une pratique, le patrimonialisme; servir de "détergent" pour un régime contraint de démocratiser et de libéraliser. Mais ici encore, ces impératifs doivent être acclimatés afin que "l'équilibre de nos sociétés n'en soit pas bouleversé". Un équilibre mieux un statu quo qui rend l'ordre constitutionnel en servitude permanente.

B) La souveraineté des représentants du peuple

Le peuple a été évincé de sa place de souverain constituant par ses représentants. Ceux-ci sont en effet souverains dans l'élaboration (1) et la révision (2) de la Constitution.

1- La souveraineté dans l'élaboration.

Elle résulte de leur substitution au souverain constituant dans le processus constitutionnel de 1961 et de 1996. S'il est reconnu que lors d'un changement de Constitution le pouvoir constituant dérivé peut préparer le nouveau texte, le principe démocratique voudrait que la ratification définitive soit faite par le peuple souverain constituant. Mais érigée en assemblée constituante souveraine, l'Assemblée nationale s'est reconnue le droit de saisir toute la Constitution de 1972 et de réécrire chacune de ses dispositions, affirmant ainsi sa souveraineté dans l'élaboration de la Constitution, et cela en dehors de toute habilitation.

2- La souveraineté dans la révision

II est désormais établi que les règles de limitation du pouvoir constituant dérivé ne sont pas des barrières infranchissables. L'unité de la souveraineté et la qualité de représentant du

Souverain confère au Parlement-constituant un pouvoir inconditionné. Il peut modifier toute la Constitution, du moment qu'il ne change pas l'esprit des institutions. Le cas échéant, il s'agira de l'écriture d'une nouvelle Constitution par la procédure de révision, ce qui est une "fraude à la Constitution".

La question du souverain constituant ne peut être traitée aujourd'hui en occultant les modalités de la démocratie, particulièrement la représentation. "Le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple" est irréalisable sur le plan pratique. Aussi faut-il recourir aux principes. En l'espèce, il est que la souveraineté appartient au peuple, seul il en est le détenteur. Mais seize millions de camerounais ne peuvent pas s'asseoir pour réviser une constitution, plus encore pour l'élaborer. Et puisque l'élaboration d'une Constitution peut être faite, selon le principe démocratique, par une assemblée qui rédige et adopte, on doit pouvoir admettre que le recours au peuple souverain constituant n'est pas nécessairement une "sanction obligatoire de la Constitution". Bien entendu toute manifestation du pouvoir constituant doit procéder d'une délégation populaire et être conduite selon une procédure qui marque le caractère solennel du pacte fondamental. C'est l'élément indispensable de l'exclusivité du constituant en matière constitutionnelle, fondement de la suprématie de la norme fondamentale.

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