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L'autorité de la norme constitutionnelle au Cameroun

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par Etienne KENFACK TEMFACK
Université de Douala-Cameroun - D.E.A. de droit public 2005
  

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PARAGRAPHE 2: L'EFFECTIVITE DE LA DISTINCTION CONSTITUTION-LOI A L'AUNE DE LA CONSTITUTION DE 1996

Le droit constitutionnel camerounais a certainement connu une importante mutation avec la constitution du 18 janvier 1996. A la lumière de la procédure qui est prévue pour son éventuelle modification, on peut relever une totale rupture avec l'ordre constitutionnel de la Constitution précédente. Le désaveu de la souveraineté du Parlement (II) traduit alors la rupture avec l'égalité entre constituant et législateur sous l'empire de la Constitution du 02 juin 1972 (I).

I- L'EGALITE PREJUDICIABLE ENTRE CONSTITUANT ET LEGISLATEUR SOUS L'EMPIRE DE LA CONSTITUTION DE 1972

La souveraineté de la Constitution sous l'empire de la constitution du 02 juin 1972 était fortement contestée par la reconnaissance au législateur ordinaire d'un pouvoir constituant. Ceci à travers l'identité de la procédure législative et de la procédure constituante (A) que corroborait un contrôle de constitutionnalité "absurde" (B).

A) L'identité de la procédure législative et de la procédure constituante

Dès lors qu'il n'y a pas matériellement une définition de la Constitution, seul le critère formel permet alors de distinguer la Constitution de la loi. C'est tout au moins à cette conclusion qu'aboutit Charles Eisenmann qui affirme que "la possibilité d'une définition juridique matérielle de la Constitution tient en effet exclusivement au caractère particulier des lois de procédure."(37) Pourtant, cette particularité des lois de procédure n'est pas consacrée par la Constitution de 1972 qui fait de l'Assemblée nationale l'organe de ratification (1) et cela sans qu'il soit exigé une majorité qualifiée pour l'adoption (2)

37 Ch. Eisenmann, La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d'Autriche, op. cit. p 6.

1- L'Assemblée nationale, organe chargé de la ratification

Le pouvoir constituant dérivé est très souvent partagé entre le peuple et ses représentants, mais l'on admet que l'organe chargé d'approuver la révision soit différent ou indépendant de l'Assemblée ordinaire. Aucune de ces solutions ne retiendra la préférence du constituant de 1972, qui fera des représentants ordinaires du peuple et suivant la procédure législative le pouvoir constituant. Certainement l'existence d'un Parlement bicaméral (38) aurait permis de donner plus d'effectivité à l'autorité de la norme constitutionnelle. Mais par calcul politique ou par simple considération financière tenant à la difficulté d'assurer le fonctionnement de deux chambres qui, le cas échéant se seraient réunies en Congrès pour voter une révision constitutionnelle, le constituant de 1972 préféra confier à l'assemblée ordinaire le pouvoir de remplacer le souverain et cela selon la procédure ordinaire législative.

2- La non exigence d'une majorité qualifiée pour l'adoption du texte

Le droit constitutionnel bâti sous l'égide de la Constitution du 02 juin 1972 est un droit très éloigné des grands principes constitutionnels relatifs à la suprématie de la règle de droit fondamental. En confiant le pouvoir de réviser la Constitution à l'assemblée ordinaire, le constituant aurait pu lui imposer une majorité qualifiée pour l'adoption du texte. Mais la tradition de rigidité constitutionnelle posée par la Constitution du 04 mars 1960 et réaffirmée par celle de 1er septembre 1961 est totalement bafouée par la Constitution de 1972. Le texte soumis à l'Assemblée nationale est adopté comme la loi "à la majorité des membres composant l'Assemblée nationale." A cette identité de procédure s'ajoute un contrôle de constitutionnalité dont la logique est difficile à saisir.

B) L'absurdité d'un contrôle de constitutionnalité

Elle se justifie à deux points de vue: l'absence de suprématie de la Constitution sur la loi (1) et la reconnaissance d'un pouvoir constituant au législateur ordinaire (2).

1- L'absence de suprématie de la Constitution sur la loi

La suprématie de la Constitution a obligatoirement aujourd'hui la mise en place de garantie pour en assurer l'effectivité. Or il est admis que lorsqu'une Constitution est souple,

38 Le bicamérisme est considéré comme un élément de rigidification de la Constitution. L'image du Sénat "chambre de censure" tel qu'il s'est construit en France peut susciter quelques enthousiasmes relativement à sa capacité à tempérer les effets du fait majoritaire. Les représentants des collectivités locales, se présentent ainsi comme les véritables "défenseurs" des intérêts du peuple pris comme la masse populaire. Mais seule la pratique confortera ou démentira la thèse selon laquelle le bicamérisme camerounais est une garantie de la stabilité constitutionnelle.

elle n'est pas supérieure à la loi. D'où le paradoxe d'instituer un contrôle de constitutionnalité qui n'est que l'instrument de l'effectivité de la distinction Constitution - loi et de la supériorité de la première sur la seconde. Mais puisque la Constitution de 1972 affirmait sa souplesse, on se pose la question de savoir que garantissait le dit contrôle. Certainement pas la suprématie de la loi fondamentale, puisqu'on l'espèce elle n'était pas posée en tant que principe.

2- La reconnaissance d'un pouvoir constituant au législateur ordinaire

La science constitutionnelle envisage deux conséquences de la rigidité. D'abord l'impossibilité pour le législateur de modifier la Constitution interdit qu'il vote des lois qui lui sont contraires. Il s'agirait alors d'une "révision déguisée." Ensuite les pouvoirs constitués ne peuvent renoncer à exercer les attributions que la Constitution leur confie; il s'agit de "compétences" et non de "droits". Sous ce rapport, "abandonner un pouvoir inscrit dans la Constitution équivaut à une révision implicite de la Constitution." Tout ceci ne vaut que sous condition de rigidité, car pour une Constitution souple comme celle de 1972, l'Assemblée nationale pouvait très bien adopter une loi ordinaire dérogeant à un principe constitutionnel sans que cette loi soit inconstitutionnelle. En prévoyant une procédure constituante identique à la procédure législative, le constituant reconnaissait explicitement au législateur le pouvoir de porter atteinte régulièrement à l'autorité de la norme constitutionnelle.

Une révolution s'opère cependant avec la Constitution du 18 janvier 1996, qui revient au principe de la suprématie constitutionnelle.

II- LE DESAVEU DE LA SOUVERAINETE DU PARLEMENT PAR LE CONSTITUANT DE "LA NOUVELLE GCNERATION"

La suprématie constitutionnelle avec la loi fondamentale du 18 janvier 1996 retrouve toute sa pertinence. Il faut dire que son titre XI prévoit pour sa modification une procédure spéciale et contraignante (A) marquée par l'apparition d'un nouvel organe de ratification: le Congrès (B).

A) Une procédure de révision spéciale et contraignante

De son caractère spécial on retient qu'elle est différente de la procédure législative. C'est surtout son aspect contraignant qui marque sa différence. Celui-ci tient à un bicamérisme égalitaire (1) et au vote à une majorité qualifiée (2).

1- Un bicamérisme égalitaire

L'égalité entre le Sénat et l'Assemblée nationale lors de la révision de la constitution est une caractéristique de la procédure de révision. En effet le bicamérisme tel qu'il apparaît dans la procédure législative est inégalitaire. La préférence est accordée à l'Assemblée nationale qui statue "définitivement" sur un texte de loi lorsqu'il s'est révélé impossible pour les deux chambres de parvenir à un compromis. Mais en matière constitutionnelle le Sénat et l'Assemblée nationale sont au même pied d'égalité. Cette égalité est cependant moins marquée au Cameroun qu'en France, où le texte doit d'abord être voté en termes identiques par les deux chambres prises séparément, avant son éventuelle ratification par le Congrès.

2- Le vote à une majorité qualifiée

Le projet ou la proposition de révision n'est adoptée que s'il a réuni la majorité requise. Selon la Constitution, "le texte est adopté à la majorité absolue des membres le composant. Le Président de la République peut demander une seconde lecture. Dans ce cas, la révision est votée à la majorité des deux tiers des membres composant le Parlement." Faut-il le rappeler, l'Assemblée nationale tout comme le Sénat adopte les lois "à la majorité simple" des députés ou des sénateurs.

Cette ratification est faite par un organe tout aussi spécial.

B) Une assemblée constituante ad hoc pour la ratification: le Congrès

II succède à l'assemblée ordinaire de la Constitution de 1972. D doit son existence à la création d'un Parlement bicaméral (1) et c'est un organe souverain (2).

1- Un organe lié à la création d'un Parlement bicaméral

L'exclusion du législateur ordinaire du domaine de la Constitution fait émerger le Congrès en tant qu'organe chargé de la ratification du projet ou de la proposition de révision. Le Congrès qui est la réunion simultanée des deux chambres du Parlement doit donc son existence à l'avènement du bicamérisme dans le droit constitutionnel camerounais de la "nouvelle génération". Sa compétence est cependant concurrente à celle du peuple souverain car aux termes de l'article 63 alinéa 4 "le Président de la République peut décider de soumettre tout projet ou toute proposition de révision de la Constitution au référendum."

2- Un organe souverain

Cette souveraineté n'est pas usurpée. Elle s'intègre parfaitement aux principes constitutionnels relatifs à la révision de la Constitution. Le constituant de 1996 contrairement à celui de 1972 a opté pour une assemblée constituante différente de l'assemblée ordinaire. La réunion du Parlement en Congrès est en soi l'expression de ce symbolisme dont doit se revêtir l'élaboration autant que la révision de la Constitution. Surtout, elle fait renaître l'idée selon laquelle "on ne touche à la Constitution qu'avec des mains tremblantes". Ces mains sont celles du souverain.

Les règles de la législation constitutionnelles au Cameroun, qu'elles président à l'élaboration d'une constitution ou à la modification de celle existante ont démontré la particularité d'un droit constitutionnel construit sur des ambiguïtés et des principes trop vite remis en question. Pourtant il demeure une certitude, celle d'une autorité affirmée de la règle élaborée suivant la procédure de la législation constitutionnelle. En la matière, la science constitutionnelle du Cameroun affirme encore son attachement aux grands principes qui gouvernent le droit constitutionnel classique. Cependant cette autorité quoique posée peut très bien être bafouée en pratique, et l'est même. D'où la nécessité de lui donner pleine effectivité. Jadis reposant sur un contrôle politique, la suprématie constitutionnelle fait aujourd'hui l'objet d'une véritable protection. L'étude de celle-ci fera l'objet de la deuxième partie de notre travail.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery