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L'autorité de la norme constitutionnelle au Cameroun

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par Etienne KENFACK TEMFACK
Université de Douala-Cameroun - D.E.A. de droit public 2005
  

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II- LES INCIDENCES DE LA DISTINCTION

L'idée est sans doute que la norme fondamentale ne doit pas être "touchée" par n'importe qui. Celle-ci est le domaine réservé du pouvoir constituant. Dans la mise en oeuvre de cette proposition, on aboutira au refus du pouvoir constituant aux pouvoirs constitués (A). En même temps les nécessités de la stabilité du pacte social conduiront le "pouvoir d'improvisation des Constitutions" à instituer des garde-fous à l'exercice du pouvoir de révision (B) car, faut-il le rappeler, la stabilité de la Constitution participe de sa suprématie.

A) Le refus du pouvoir constituant aux pouvoirs constitués

L'exclusivité du souverain en matière constitutionnelle est loin d'être une simple affirmation de principe. En tenant compte à la fois de la qualité du peuple, détenteur exclusif de la souveraineté et des implications de la théorie de la souveraineté nationale, on peut véritablement prescrire que seul le constituant traite de la matière constitutionnelle. Il en

15 Article 2 alinéa 1° Constitution du 18 janvier 1996

résulte un refus du pouvoir constituant aux pouvoirs constitués. Pas très marqué dans les précédentes constitutions camerounaises, ce refus se manifeste désormais par la distinction entre Parlement-législateur et Parlement-constituant (1), et par l'indispensable reconstitution de la souveraineté dans la procédure de révision (2).

1- La distinction Parlement-législateur - Parlement-constituant

Le Parlement dans son rôle de législateur est limité, car la Constitution énumère les matières qui ressortissent de sa compétence. De plus, le vote des lois est fait par les deux chambres prises séparément. Il n'en est pas de même du Parlement lorsqu'il joue le rôle de constituant. Il faudrait noter qu'en la matière il s'agit d'un organe peut être pas indépendant mais tout au moins différent de celui qui adopte les lois "ordinaires". Le droit constitutionnel attribue à cette instance le nom de "congrès".

2- La reconstitution de la souveraineté pour la révision de la Constitution

Le refus du pouvoir constituant aux pouvoirs constitués signifie l'interdiction de confier "entièrement" le pouvoir de réviser la norme suprême à l'un des organes de l'Etat. D n'interdit pas, comme le précise Georges Burdeau, "de leur attribuer un rôle dans la procédure de révision. "(16) Le droit constitutionnel camerounais consacre l'idée selon laquelle la révision de la constitution passe par la reconstitution de la souveraineté (17), "partagée" entre les différentes autorités de l'Etat. Ainsi, le Président de la République intervient en amont pour l'initiative de la révision et en aval pour la promulgation de la loi constitutionnelle. Entre ces deux moments, il y a le Congrès constitué des représentants du peuple qui procède au vote du texte. La révision de la Constitution est donc de la compétence du souverain.

Cette entreprise de modification fait toutefois l'objet de beaucoup de controverse relativement à la conditionnalité du pouvoir mis en oeuvre.

B) La conditionnalité du pouvoir de révision

Indépendamment de toute autre considération, la simple lecture des Constitutions camerounaises laisse entendre qu'il existe des contraintes à l'exercice du pouvoir constituant dérivé. La doctrine demeure cependant divisée sur la valeur de ces contraintes. Mais il serait intéressant d'identifier ces limites qui sont à la fois formelles (1) et matérielles (2)

16 Georges Burdeau et al. Droit constitutionnel, op cit. p 40

17 L'idée est que le souverain étant seul constituant et la souveraineté étant indivisible, il faut que chaque autorité de l'Etat qui détient une parcelle de cette souveraineté intervienne dans la procédure de révision afin que la loi constitutionnelle soit l'expression d'une action conjointe du représentant de la nation et des représentants du peuple.

1- Les limitations de forme

Elles résultent de ce qu'il est prévu dans la Constitution la procédure qui doit être suivie pour sa modification. Le pouvoir de révision apparaît ainsi comme un pouvoir déterminé dans sa procédure. Contrairement à lui, le pouvoir constituant originaire se présente comme un "phénomène métajuridique". Il est, selon l'expression de Maurice Kamto, un "pur fait", "a-juridique". Disons simplement que le pouvoir constituant originaire est un pouvoir qui se manifeste comme il veut. D'ailleurs et suivant en cela la thèse de la conditionnante du constituant institué défendue notamment par M. Kamto, "le pouvoir constituant est un pouvoir initial, autonome et inconditionné", mais il "est tenu par les conditions qu'il a lui-même fixées"(18) lorsqu'il s'agit de modifier la Constitution. Mais ces limites ne valent qu'autant qu'elles peuvent être sanctionnées par le juge constitutionnel. En l'état actuel de notre droit constitutionnel, il ne nous est pas possible de faire une appréciation objective. La position actuelle du juge constitutionnel français va dans le sens de l'incompétence en la matière.

2- Les interdictions de fond à la révision

Certaines dispositions de la loi fondamentale sont soustraites en principe au pouvoir du constituant institué. Ce dernier ne peut porter atteinte à "la forme républicaine, à l'unité et à l'intégrité territoriale de l'Etat et aux principes démocratiques qui régissent la République."(19) La valeur de cette interdiction est contestée en droit et en fait. Certains auteurs font en effet valoir qu'elles sont "peu démocratiques", car aboutissant à faire prévaloir "l'opinion du constituant d'il y a peut être des décennies sur l'opinion éventuellement contraire du peuple d'aujourd'hui." De plus insiste D.G. Lavroff, le constituant "n'est pas tenu pour l'éternité, puisqu'il a toujours la possibilité d'abroger ces limites pour retrouver la totalité de sa libre détermination. "(20) Le Conseil constitutionnel a consacré la souveraineté du pouvoir de révision en considérant qu'il peut "tout faire"(21), freinant ainsi l'ardeur des défenseurs d'une certaine idée de supra constitutionnalité (22), doctrine qui postule l'existence de règles supérieures au constituant et qui s'imposent à lui.

18 D.G. Lavroff, Droit constitutionnel de la Vè République, op cit.

19 Cette interdiction de fond au pouvoir de révision qui figurait déjà dans le texte de 1960, disparaît de la Constitution de 1961 pour resurgir dans la Constitution du 02 juin 1972. Elle est reprise par l'article 64 de la Constitution du 18 janvier 1996.

20 D.G. Lavroff, op cit.

21 CC n° 03^69 DC, 26 mars 2003, organisation décentralisée de la République

22 La question de la supraconstitutionnalité paraît remettre en question la souveraineté du pouvoir constituant et donc la suprématie de la Constitution. Pour ses défenseurs, il existerait "un ensemble de règles de droit positif d'un rang plus élevé que la Constitution, dont le contenu s'imposerait au constituant et dont une autorité pourrait assurer le respect". Il est d'abord apparu que ses règles étaient contenues dans les limitations au pouvoir de revision, et le juge constitutionnel français a posé que l'exercice du pouvoir de révision n'était pas sans réserve. Mais alors que l'on s'attendait à ce qu'il se reconnaisse compétent le cas échéant pour contrôler le respect de ces limites, il a estimé dans une décision du 26 mars 2003 que le pouvoir de révision est souverain au même titre que le constituant originaire. Au demeurant "rien n'empêche, argue le Pr. Louis Favoreu, qu'il y ait des normes supérieures à la Constitution, pour autant qu'elles ne fassent pas partie du système juridique en question". Et même la tentative de voir en ces normes supra constitutionnelles les droits fondamentaux se heurte en droit au Préambule de la Constitution qui reconnaît aux dits droits et aux textes qui les posent la valeur constitutionnelle, qui est en soi la plus haute valeur qu'on puisse conférer à une règle en droit interne.

La théorie générale reprise par le droit constitutionnel camerounais consacre donc la dualité du pouvoir constituant. Avec une sorte de division entre le peuple et ses représentants relativement au constituant originaire et au constituant dérivé. Toutefois, cette distinction et les conséquences qui s'y rattachent ne résistent pas à une unicité pratique se traduisant déjà par l'utilisation de l'expression "pouvoir constituant" pour qualifier tant l'auteur de l'élaboration que celui de la révision.

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