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Les voies d'exécution OHADA et le droit à  un procès équitable

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par Alain Brice FOTSO KOUAM
Université de Dschang/ Cameroun - DEA 2009
  

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§.1. LES LIMITES OBJECTIVES : LES INSAISISSABILITES

Selon les articles 2092 et 2093 du code civil, le patrimoine entier du débiteur est le gage commun de ses créanciers.

De ces dispositions, il résulte que tous les biens qui composent le patrimoine du débiteur sont censés garantir ses engagements. A partir de là, ils devraient pouvoir faire l'objet des différentes saisies au cas où il ne s'exécute pas, à la condition tout au moins de lui appartenir et d'être disponibles entre ses mains339(*). Car autrement, le débiteur disposerait de la faculté d'initier des contestations fondées sur la propriété340(*). Tel est le principe de la saisissabilité des biens du débiteur.

Toutefois, et par dérogation à ce principe, certains biens, pour des raisons d'humanité, de dignité, de décence et même d'intérêt général, sont pourtant exclus de la saisie et déclarés insaisissables. L'insaisissabilité, pour reprendre un auteur341(*), est la situation juridique d'un bien qui est exceptionnellement soustrait au droit du créancier d'agir en exécution forcée. De façon plus prosaïque, c'est le caractère de ce qui ne peut être saisi c'est-à-dire mis sous main de justice.

Le point de départ de cette dérogation en OHADA est l'article 50 de l'AUPSRVE aux termes duquel : « Les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu'ils seraient détenus par des tiers, sauf s'ils ont été déclarés insaisissables par la loi nationale de chaque Etat partie ». Et l'article 51 d'ajouter à la suite : « Les biens et droits insaisissables sont définis par chacun des Etats parties ».

Cet article laisse la détermination de ces biens à la discrétion des Etats parties. Ce qui, comme n'a pas manqué de relever un auteur, ferait mentir l'uniformité de l'Acte uniforme du fait de la disparité entre les différentes catégories des biens insaisissables définis par les différentes lois des Etas parties342(*).

Par ailleurs, de telles lois peuvent diminuer l'effectivité du droit à l'exécution du créancier, voire le rendre illusoire si d'aventure aucun autre bien ne peut répondre des dettes343(*). Or, nous savons depuis l'arrêt Hornsby que le droit à l'exécution des jugements est devenu une garantie du procès équitable344(*).

Qu'à cela ne tienne, en droit camerounais, l'insaisissabilité tant des biens (A) que de certaines créances (B) du débiteur a été consacrée par des textes épars. Sans prétention à l'exhaustivité, il conviendra de les déterminer tour à tour.

A- LES BIENS INSAISISSABLES

Pour mémoire, rappelons que l'Acte uniforme laisse la détermination des biens et droits insaisissables au pouvoir souverain de chaque Etat partie345(*). Ainsi, dans la législation camerounaise, il s'agit principalement de l'article 315 du CPCC qui dispose que : « Seront insaisissables :

1. les choses déclarées insaisissables  par la loi ;

2. les provisions alimentaires adjugées par justice ;

3. les sommes et objets disponibles déclarées insaisissables  par le testateur ou donateur ;

4. les sommes et pensions pour aliments encore que le testament ou l'acte de donation ne les déclarent pas insaisissables ».

De cette énumération, il en ressort que, hormis les provisions alimentaires adjugées par justice, et les sommes et pensions pour aliments, l'insaisissabilité peut résulter soit de la loi (1) soit de la volonté de l'homme (2).

1. Les insaisissabilités légales

Selon l'ordre de la loi, certains biens essentiels à la personne seront déclarés insaisissables. Cela repose sur des raisons humanitaires et de dignité. Il s'est agi de laisser à la disposition du saisi le minimum vital devant lui permettre sinon de revenir à meilleure fortune, du moins de continuer à vivre après la mise sous main de justice de ses biens346(*). Ce qui n'est qu'une manifestation de la protection accrue dont bénéficie le débiteur dans les procédures d'exécution.

Sont ainsi concernés par cette catégorie de biens insaisissables les biens et objets mobiliers corporels nécessaires à la vie quotidienne et au travail du débiteur et de sa famille. Le code de procédure civile et commerciale en son article 327 nous en fournit une liste. Il s'agit entre autres du coucher nécessaire du saisi et de ses enfants347(*), des vêtements, des effets appartenant à la femme lorsqu'elle n'est pas commune en biens, des farines et menus denrées nécessaires à la consommation du saisi et de sa famille pendant un mois au moins ainsi que les ustensiles indispensables à la préparation des aliments et aux repas, d'une vache ou trois brebis ou deux chèvres avec des pailles, fourrages et grains nécessaires pour la laitière et la nourriture desdits animaux pendant un mois.

Rentrent également dans cette catégorie les livres et objets nécessaires à la poursuite des études, ainsi que les instruments de travail348(*) du débiteur, fût-il un syndicat349(*). Comme on peut s'en apercevoir, il s'agit de biens et objets insaisissables parce qu'indispensables à l'exercice de son activité professionnelle par le saisi, livres, meubles et immeubles nécessaires au fonctionnement des syndicats.

S'agissant spécifiquement des syndicats, l'insaisissabilité a également pour fondement la protection de l'intérêt général. Dès lors, sont aussi concernés sur cette même base les biens des collectivités publiques nécessaires au fonctionnement des services publics ou encore les biens appartenant au domaine public de l'Etat350(*).

Il en va également ainsi pour les chèques, les lettres de change et les billets à ordre. Leur exclusion de l'assiette de saisie trouve sa justification dans l'intérêt du crédit qui s'accompagne mal avec l'immobilisation de ces effets de commerce censés circuler librement et dont l'importance dans le monde des affaires n'est plus à préciser. On peut y ajouter l'insaisissabilité des navires en partance.

Enfin, des dispositions légales, ou parfois simplement la nature même de certains biens, s'opposent à la possibilité de les mettre en vente. Ceux-ci sont alors inaliénables et partant insaisissables. On peut citer à titre d'illustration les différents droits de la personnalité ou encore d'autres biens exclusivement attachés à la personne du débiteur tels les droits d'usage et d'habitation, l'usufruit légal des parents sur les biens des enfants, les souvenirs de famille. En réalité, il s'agit de biens exclus de l'assiette de la saisie en raison de leur extrapatrimonialité ou en vertu d'une clause d'inaliénabilité laquelle émane généralement de la volonté d'une personne. Dans ce cas l'insaisissabilité est alors stipulée par le donateur ou testateur.

2. Les insaisissabilités résultant de la volonté de l'homme

Le donateur ou le testateur peut, en faisant une donation ou un legs mobilier ou immobilier, déclarer la chose donnée ou léguée insaisissable. Cette disposition se retrouve à l'article 315 du CPCC qui dispose en son alinéa 1-3° que « seront insaisissables  (...) les sommes et objets disponibles déclarées insaisissables  par le testateur ou donateur ».

Cette insaisissabilité est souvent le résultat d'une clause d'inaliénabilité insérée dans certains actes juridiques tels que les contrats de mariage, les donations ou les legs. L'idée en est que le donateur ou le testateur ne pouvait ne rien donner ou léguer. Dès lors, de telles clauses empêchent les créanciers du débiteur de saisir les biens ainsi écartés de l'assiette de la saisie par la seule volonté du donateur ou testateur. Le but ici est de protéger le débiteur ou sa famille, le plus souvent en assurant la conservation de certains biens dans la famille.

Toutefois, la jurisprudence ne valide de telles clauses qu'à certaines conditions. Ainsi donc, la clause d'inaliénabilité a vocation à faire échec à toute saisie dès qu'elle concerne les biens dont l'auteur en avait la propriété et dès qu'elle est temporaire et justifiée par un intérêt légitime et sérieux351(*).

A propos des biens, sont concernés, nous dit l'article 315 précité, les sommes et objets disponibles déclarés insaisissables  par le testateur ou donateur. Etant entendu que le domaine de prédilection de ces clauses d'insaisissabilité est constitué par les régimes matrimoniaux ou encore le droit des successions et des libéralités, il peut s'agir par exemple des biens donnés dans le contrat de mariage par l'un des époux à son conjoint. Il peut s'agir aussi des sommes et pensions pour aliments (encore que le testament ou l'acte de donation ne les déclarent insaisissables) qui ne sont rien d'autres que des créances alimentaires insaisissables. C'est dire que la liste des biens insaisissables inclut aussi les créances.

B- LES CREANCES INSAISISSABLES 

A l'opposé des autres catégories de biens insaisissables,  les créances insaisissables ne sont pas très nombreuses. Pour l'essentiel, il s'agit des provisions alimentaires adjugées par justice et des sommes et pensions pour aliments prévues par le CPCC ou par divers textes épars352(*).

Ainsi en est-il des rentes dues à un conjoint à la suite d'un divorce, des prestations relevant du domaine de la prévoyance sociale telles les pensions retraite, invalidité, décès ou encore d'indemnités journalières et des rentes versées dans le cadre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Bref, il s'agit de toutes les créances ayant un caractère alimentaire en général parce qu'indispensable à la survie du débiteur, fussent-elles versées sur un compte. C'est qu'en effet, l'article 52 de l'Acte uniforme précise que : « Les créances insaisissables dont le montant est versé sur un compte demeurent insaisissables »353(*)

Quoi qu'il en soit, l'exemple le plus achevé reste le salaire. Celui-ci étant pratiquement le seul moyen de subsistance de milliers de travailleurs et de leurs familles, la loi uniforme a entendu prémunir le débiteur d'une appréhension anarchique par ses créanciers. Dans un contexte de pauvreté ambiante dans une Afrique où ledit salaire est relativement très bas, il prévoit que celui-ci ne peut être saisi en totalité en renvoyant aux lois nationales quant à la détermination de la fraction saisissable du salaire. A cet effet, l'article 177 dispose que : «Les rémunérations ne peuvent être cédées ou saisies que dans les proportions déterminées par chaque Etat partie ».

Au Cameroun, ces proportions sont définies par le décret n°94/197/PM du 9 Mai 1994 relatif aux retenues sur salaires -pris en application des articles 75 et 76 du code de travail- dont l'article 2 fixe la quotité saisissable du salaire et ce, en fonction du montant de celui-ci. Cette quotité correspond soit au 1/10e lorsque le salaire est inférieur ou égal à 18.750 francs par mois, soit au 1/5e sur la fraction supérieure à 18.750 francs et inférieure ou égale 37.500 francs, au 1/4 sur la portion supérieure à 37.500 francs et inférieure ou égale à 75.000francs par mois, au 1/3 de la portion supérieure à 75.000 francs et inférieure ou égale à 112.500 francs par mois. Cette quotité équivaut à la moitié sur la portion supérieure à 112.500 et inférieure ou égale à 142.500 francs par mois et à la totalité de la portion supérieure à 142.500 francs. Cette quotité précisée, nous noterons simplement avec M. SOH354(*) que la fraction du salaire insaisissable est d'autant plus élevée que la rémunération est faible.

Prenant en compte l'hypothèse où il pourrait s'agir des gains et salaires d'une personne mariée sous le régime de la communauté alimentant un compte même joint faisant l'objet d'une mesure d'exécution pour le paiement ou la garantie d'une créance née du chef de ce conjoint, le législateur prescrit qu'il doit être laissé à la disposition de l'autre époux une somme équivalent à son choix au montant des gains et salaires versés au cours du mois précédent la saisie ou au montant moyen mensuel des gains et salaires versés dans les douze mois qui la précèdent355(*).

De tout ce qui précède, le constat majeur qui se dégage est que l'insaisissabilité ne concerne qu'une partie précise du patrimoine de la personne qui en bénéficie, limitant par là l'ampleur de l'exécution forcée à son encontre. A l'inverse, l'immunité d'exécution fait plus que mettre à l'abri de toutes mesures d'exécution forcée non pas une partie, mais l'ensemble des biens composant le patrimoine du débiteur, il empêche que lui soient appliquées de tells mesures. Elle aurait ceci de particulier qu'elle protège de l'exécution moins que les biens, la personne même du débiteur. Elle présenterait ainsi un caractère personnel. C'est en cela qu'elle constitue plutôt une limite subjective à l'exécution forcée.

* 339 Il y a indisponibilité lorsque les biens ont déjà été précédemment saisis ou qu'ils appartiennent à un débiteur en état de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.

* 340 V. supra.

* 341 LEBORGNE (A.), Droit de l'exécution, décembre 2006 - Janvier 2008, Rec. Dalloz n°17, 24 avril 2008, p. 1170.

* 342 SOH (M), Insaisissabilités et immunités d'exécution dans la législation OHADA ou le passe-droit de ne pas payer ses dettes, Juridis Périodique n°51, 2002, p.91.

* 343 LEBORGNE (A.), op. cit., p.1170.

* 344 V. supra.

* 345 Art. 51.

* 346 KUATE TAMEGHE (S.S.), op. cit., n°110, p.99.

* 347 Le « coucher » s'entend du lit, du matelas, des draps, couvertures ; bref la literie en général.

* 348 On peut citer à titre d'illustration le matériel médical, la machine à coudre des tailleurs et des cordonniers etc... Art. 327-3 et 327-8 CPCC.

* 349 Cf. articles 17 et 18 Code du travail. A propos de la controverse sur l'applicabilité de cette faveur aux sociétés commerciales, V. KUATE TAMEGHE (S.S.), op. cit., pp. 102 à 104.

* 350 L'article 2 al. 2 de l'ordonnance n°74/2 du 6 juillet 1974 modifiée sur le régime domanial prévoit que les biens du domaine public sont inaliénables, imprescriptibles et insaisissables

* 351Pour plus de détails, V. KUATE TAMEGHE (S.S), op. cit., n°118 pp 105 et 106.

* 352Cf. art. 315. En France, une loi n°2003-775 du 21 Août 2003 a mis un terme à l'insaisissabilité des pensions cessibles et saisissables dans les mêmes conditions que les salaires du privé.

* 353 Art. 15 de la loi française n°91-650 du 9 juillet 1991 préc.

* 354 SOH (M.), La situation des créanciers du salarié..., op. cit., p.92.

* 355 Cf. art. 53 AUVE

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