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La puissance quasi-illimitée du parlement et la fragilité de la suprématie de la constitution de 1987

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par Destin JEAN
Université d'Etat d'Haà¯ti (Faculté de droit et des sciences économiques de Port-au-Prince).  - Licence 2009
  

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A. LA DOUBLE RESPONSABILITÉ POLITIQUE DU GOUVERNEMENT

Le principe de la responsabilité politique du Gouvernement traduit l'obligation pour ce dernier de jouir de la confiance du Parlement qui, en la lui refusant, le contraint à démissionner. Donc, lorsque Premier Ministre, Ministres et Secrétaires d'Etat n'ont plus la confiance du Parlement, ils doivent quitter le pouvoir116.

En effet, dans le régime constitutionnel de 1987, le Gouvernement procède du Parlement dont il reçoit l'investiture.117 Le Gouvernement reçoit, séparément, l'investiture des deux (2) Assemblées par un vote de confiance qui sanctionne favorablement la déclaration de

116 Voir idem, page 822, puis GUILLIEN, VINCENT 2001, op. cit., page 489.

117 Voir les articles 137 et 158 de la Constitution.

politique générale du Premier Ministre. Par voie de conséquence, les articles 129-2, 129- 3, 129-4 et 156 de la Constitution organisent la responsabilité du Gouvernement devant les Assemblées parlementaires. En d'autres termes, le cadre constitutionnel fait dépendre des Assemblées l'existence et la survie du Gouvernement. En outre, on comprend bien que la responsabilité, comme moyen de contrôle, constitue une technique de sanction pour les Assemblées.

Comme le prévoit la Constitution dans sa lettre et son esprit, le Gouvernement est responsable à la fois devant le Sénat et devant la Chambre. Donc, il doit s'assurer d'avoir une majorité de soutien à la fois au Sénat et à la Chambre. En un mot, le Sénat, comme la Chambre des Députés, peut engager la responsabilité politique du Gouvernement par la motion de censure pour le faire chuter. C'est le cas de dire que le Gouvernement est doublement responsable sur le plan politique. Dans ces conditions, il est ici question d'une arme politique redoutable dont dispose le Parlement sur l'action gouvernementale.

En effet, il n'est pas facile qu'un même parti politique soit majoritaire à la fois au Sénat et à la Chambre. Il peut donc arriver que le parti majoritaire au Sénat diffère du parti majoritaire à la Chambre. Or, la majorité parlementaire doit soutenir l'action du Gouvernement pour que ce dernier puisse subsister. C'est cette évidence qui a conduit l'historien Claude MOISE à avancer : « Quiconque a lu cette Constitution doit savoir qu'on ne peut gouverner sans une majorité parlementaire. »118 Qu'adviendrait-il dans l'hypothèse où le Gouvernement s'assure du soutien de la majorité à la Chambre et fait face, en cours de route119, à une majorité hostile au Sénat ?

La réponse est presqu'évidente. Il est théoriquement possible et constitutionnellement correcte que la responsabilité du Gouvernement soit mise en cause par la majorité hostile au Sénat. Donc, quoique soutenu par une majorité numériquement plus forte à la Chambre, la Constitution ne l'empêche pas de tomber par la seule volonté de la majorité numériquement plus faible au Sénat. En clair, il peut arriver que le Gouvernement soit soutenu par le parti le mieux représenté au Parlement (parti majoritaire à la Chambre) et fait face en même temps à l'hostilité d'un parti moins bien représenté qui peut le faire chuter. Or, les deux Assemblées ont la même légitimité démocratique. Peut-on permettre à une minorité de parlementaires

118 Claude MOISE, Le Pouvoir Législatif dans le système politique haïtien, 1999, page 121.

119 Suite à un renouvellement partiel du Sénat, par exemple.

d'imposer sa volonté à une majorité quand pourtant cette minorité et cette majorité ont le même fondement démocratique ?

Nous devons aussi faire remarquer que même dans l'hypothèse où le parti majoritaire au Sénat serait le même à la Chambre, les jeux ne seraient pas pour autant faits pour le Gouvernement. C'est que ce parti majoritaire dans chacune des deux (2) Assemblées devrait faire montre d'une cohésion et d'une discipline éprouvées.120

Au cas où aucun parti ne disposerait de la majorité ni au Sénat ni à la Chambre, il peut être très difficile de doter le pays d'un Gouvernement. Pour être investi, le Gouvernement devra bénéficier de la confiance d'une majorité ou coalition composite au Sénat et à la Chambre. Or, toute majorité composite est, par essence, faible121. Dans ces conditions, le Gouvernement n'est pas certains de pouvoir « conduire la politique de la Nation » sans être sans cesse inquiété par la menace d'interpellation. D'où, sa responsabilité politique peut être facilement engagée pour n'avoir pas pu satisfaire aux intérêts divergents et multiples des partis desquels il tient son investiture.

Qui plus est, une majorité composite ou de circonstance peut être dégagée, suite à des tractations politiques, au niveau de l'une ou l'autre des deux Assemblées, sans qu'on ne puisse arriver à persuader les deux Assemblées de voter en faveur du choix ou de la politique générale du Premier Ministre et de son Cabinet. Pour ainsi dire, dans le cas où aucun parti ne disposerait de la majorité ni au Sénat ni à la Chambre, le Premier Ministre désigné par le Président de la République ainsi que ce dernier devront montrer toute leur mesure dans l'art difficile de la négociation pour arriver à faire en sorte que le Gouvernement soit mis en place.

Quant à présent, considérons l'hypothèse dans laquelle un Gouvernement serait soutenu par un parti majoritaire à la Chambre et qu'aucun parti ne disposerait de la majorité au Sénat. Dans ce cas de figure, la minorité peut encore « imposer sa loi » à la majorité. C'est qu'en dépit du soutien du parti majoritaire à la Chambre, le Gouvernement devra constamment faire face aux exigences des différents courants politiques -avec des intérêts divergents- représentés au Sénat pour pouvoir subsister. En un mot, le Gouvernement devra constamment négocier.

120 Or, pour ne pas tenir compte uniquement du cadre constitutionnel, Haïti est jusqu'ici une démocratie émergente. C'est pourquoi nous n'avons pas encore une culture de parti. Disons que notre réflexe institutionnel n'est pas encore parvenu à un stade très développé. Alors, il peut paraître normal, au stade où nous en sommes, que la discipline et la cohésion à l'intérieur des partis politiques ne soient pas une évidence.

121 Voir LEROY 1992, page 51.

En définitive, toutes ces hypothèses montrent bien la fragilité de la stabilité ministérielle et le poids réel du Parlement en matière de contrôle de l'action gouvernementale.

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