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L'interprétation des conventions fiscales

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par Sabrine Arbi
Faculté des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis - Mastère spécialisé droit fiscal 2009
  

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Paragraphe 1: les fondements du pouvoir des juges fiscaux

L'ambiguïté des conventions fiscales (A) ne saurait enfreindre l'obligation de statuer (B) du juge fiscal.

A- L'ambigüité des conventions fiscales

Les conventions fiscales, comme tout texte juridique, peuvent comporter une part d'ambigüité. La signification des termes techniques employés n'est pas toujours claire surtout en l'absence de définition au-sein de la convention ; le terme bénéficiaire effectif (beneficial owner)66(*), par exemple, a été le théâtre de nombreuses controverses en jurisprudence française 67(*)aussi bien que canadienne.68(*) L'idée d'une interprétation littérale qui signifie l'absence d'interprétation 69(*)parait incongrue étant donné la complexité des conventions fiscales, mettant en jeu les intérêts de plus d'un Etat, dépassant largement celle des lois fiscales ne concernant qu'un seul Etat. Un terme technique, non défini dans une convention fiscale, même précis selon le droit interne d'un Etat contractant peut avoir un sens différent selon le droit interne de l'autre Etat contractant. Un terme même défini dans une convention fiscale est susceptible d'imprécision et d'ambiguïté. Une mauvaise rédaction peut ne pas traduire la volonté réelle de l'auteur. L'ambigüité est d'autant plus accentuée que les conventions fiscales peuvent être rédigées et authentifiées en plus d'une langue.70(*) Ces obstacles passés en revue ne libèrent pas le juge de l'obligation de statuer.

B-L'obligation de statuer

Le juge, une fois saisi, se trouve dans l'obligation de statuer sous péril d'être accusé de déni de justice. 71(*)L'absence de texte ou encore l'obscurité des textes en présence ne constituent pas des motifs pour refuser de statuer. M. Arfaoui, rappelant le droit français, affirme avec perspicacité : « Rompant avec les vues irréalistes de la période révolutionnaire qui croyait à la perfection de la loi, les rédacteurs du code civil, conscients « qu'il est impossible au législateur de pourvoir à tout », ont inséré dans le code les dispositions de l'article 4 dont les termes énoncent que « le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » Ce délit sera ultérieurement sanctionné par l'article 185 du code pénal. »72(*) Le C.O.C ne prévoit pas d'équivalent à l'article 4 du code civil français.73(*) M. Arfaoui s'interroge sur le besoin d'un fondement légal pour le pouvoir d'interprétation du juge.74(*)Certes, M. Arfaoui se penche sur l'interprétation de la loi ; mais les conventions fiscales constituent elles aussi des normes juridiques et le juge est dans le devoir de trancher les litiges y afférents. A cet égard, l'article 108 du code pénal tunisien dispose : « Est puni de deux cent quarante dinars d'amende, tout juge qui, sous quelque prétexte que ce soit, même du silence ou de l'obscurité de la loi, refuse de rendre justice aux parties, après en avoir été requis, et qui persévère dans son refus, après avertissement ou injonction de ses supérieurs. »75(*) En pratique, ni des juges tunisiens ni des juges français n'ont été attaqués pour déni de justice.76(*)L'obligation de statuer ne signifie pas l'obligation d'interpréter. Les juges fiscaux, même en cas d'un texte lacunaire et laconique, n'ont pas toujours été enclins à dépasser l'application littérale des conventions fiscales.

* 66 66Kandev (M.N) « Tax treaty interpretation: Determining Domestic Meaning under Article 3(2) of the OECD Model», Revue Fiscale Canadienne, Vol.55, n°1, 2007, pp.46 à 47. disponible dans http://www.dwpv.com/images/Publication « Under the OECD model, the notion of beneficial ownership is important for determining whether a person qualifies for tax treaty benefits in respect of dividends, interest, and royalties. Specifically, the expression «beneficial owner» and its variant «beneficially owned» are used in articles 10, 11 and 12, but without being defined for those purposes. «Beneficial owner», «beneficial ownership» and «beneficially owned» are used in several provisions of the ITA, however, none of those provisions deal with the taxation of dividends, interests, or royalties. The ITA does not define those of expressions.»L'auteur explique que dans le cadre du modèle de convention de l'OCDE le terme bénéficiaire effectif est important pour déterminer la personne bénéficiant des dividendes, des intérêts et des royalties. La version française ne parle que de bénéficiaire effectif sans pour autant le définir selon ces buts, c'est ce que critique également l'auteur dans la version anglaise ainsi que dans l' acte canadien sur l'impôt et le revenu (ITA) qui ne définit même pas les expressions dividendes, intérêts et royalties. La complexité et l'incertitude, que peut receler une expression dans une convention fiscale, est ici bien perceptible. 67La décision de la CAA Paris du 23 mai 2005 Banque d'Ecosse à propos de la convention fiscale liant la France et le Royaume-Uni, citée par Kandev, ibid, p. 70.

* 67

* 68 68Dans l'affaire Ayerst (citée par Kandev, op cit, note 68, p.47.) le bénéficiaire effectif est défini comme suit « My Lords, the concept of legal ownership of property, which did not carry with it the right of the owner to enjoy the fruits of it or dispose of it for his own benefit, owned its origin to the court chancery. The archetype is the trust. The «legal ownership» of the trust property is in the trustee, but he holds it not for his own benefit but for the benefit of the cestui que trustent or beneficiaries. On the creation of a trust in a strict sense as it was developed by equity the full ownership in the trust property was split into two constituent elements, which became vested in different persons: the «legal ownership» in the trustee, and what came to be called the «beneficial ownership» in the «cestui que trust».» Le bénéficiaire légal ne jouit pas des fruits et n'en dispose pas à son profit mais au-profit d'une autre personne : le bénéficiaire effectif. L'archétype est la fiducie. Plus récemment la cour d'appel fédérale canadienne s'est penchée sur la notion de bénéficiaire effectif dans un arrêt capital : The Quenn v. Prévost Car Inc rendu le 26 février 2009. Il s'agissait en l'espèce d'une société de portefeuille fondée au Pays-Bas par deux sociétés indépendantes : Henlys Group plc (société britannique) et Volvo Bussar Corporation (société suédoise), la société britannique détenait 49% des actions de la société portefeuille, la société suédoise en détenait 51%. La société de portefeuille a été fondée afin que soient détenus les actions de Prévost Car Inc, le contribuable canadien, dans ce qui constituait pour l'essentiel une coentreprise. La société de portefeuille a été fondée pour permettre aux sociétés Henlys et Volvo de mener de nombreux projets en Amérique du nord même si, Henlys éprouvant peu de temps après des difficultés financières, aucune autre société n'a pu ensuite être acquise. La convention d'actionnaires conclue entre Henlys et Volvo comportait une politique de distribution en vertu de laquelle 80% des profits des sociétés de la coentreprise (à savoir la société de portefeuille, le contribuable canadien et toute autre filiale qui pourrait être fondée ou acquise) seraient distribués chaque année sous la forme de dividendes, de remboursements de capital ou de remboursements de prêts. La distribution des profits était subordonnée à ce que le groupe commercial dispose des ressources financières requises pour combler ses besoins immédiats et prévisibles en matière de fonds de roulement. Ni la société de portefeuille, ni le contribuable canadien n'étaient partie prenante à la convention d'actionnaires. La société de portefeuille n'avait aucun bureau physique ni aucun employé au Pays-Bas ou ailleurs. Tous les membres du conseil d'administration de la société canadienne étaient également membres du conseil d'administration de la société de portefeuille. L'acquisition de Prévost Car Inc a été réalisée en 1995. Des dividendes ont été versés chaque année de 1996 à 2001. L'impôt a été retenu sur les dividendes au taux qui s'appliquait en vertu de la convention (c'est-à-dire 6% ou 5% selon l'année). Les dividendes versés par Prévost car Inc concordaient avec les dividendes correspondants qui ont été déclarés par la société de portefeuille. L'ARC a fait valoir que la société de portefeuille des Pays-Bas n'était pas le bénéficiaire effectif des dividendes qu'elle recevait puisque la société de portefeuille était un mandataire ou un intermédiaire pour les dividendes. L'ARC a déterminé que les retenues d'impôt s'établissent plutôt comme suit : à 15% (en vertu de la convention de 1996 entre le Canada et la Suède) sur 51% des dividendes ; à 10% sur 49% des dividendes (en vertu de la convention fiscale de 1978 entre le Canada et le Royaume-Uni). L'ARC a par la suite soutenu que ces taux représentaient en fait une concession et que la retenu d'impôt devait plutôt être calculée et remise au taux de 25%. La cour d'appel fédérale, confirmant le jugement de la CCI, a décidé que « l'on ne peut pas lever le voile de la personnalité juridique sauf si la société est le mandataire d'une autre personne et qu'elle n'exerce aucun pouvoir discrétionnaire sur l'utilisation ou l'usage des fonds qu'elle reçoit à ce titre, et elle a soutenu cette approche puisqu'elle considère qu'elle caractérise l'essence même du concept de bénéficiaire effectif (« bénéficial owner » en anglais) tel qu'il se dégage des sens généraux, techniques et juridiques de l'expression. », voir « L'arrêt de la CAF dans l'affaire Prévost Car Inc : le bénéficiaire effectif dans le cadre des conventions fiscales » disponible dans http : // www.ca.taxnews.com/tnnnews .nsf/ PwCWEB/ .

* 69 69 M. Marchessou souligne la confusion ambiante, tant au niveau de la doctrine que de la jurisprudence, entre interprétation littérale, interprétation stricte et interprétation restrictive et l'explique « Cette confusion dans l'emploi des termes n'est pas délibérée, mais elle dénote une conception très élémentaire de l'activité du juge, voire même une négation de la démarche interprétative elle-même. » Voir, Marchessou, ibid, p.141.

* 70 70Makhlouf, ibid, pp.34 et 35. « Les questions d'interprétation sont très nombreuses et difficiles lorsqu'elles ne concernent que les législations nationales ; les problèmes  d'interprétation des textes fiscaux sont encore plus nombreux et plus difficiles quand ils affectent des conventions internationales. Les conflits d'interprétation trouvent maintes raisons dont les principales sont l'imprécision des termes techniques dont la signification varie selon les régimes fiscaux, non seulement entre les divers Etats, mais aussi au sein d'un même Etat ; ce sont les rédactions souvent obscures et presque toujours bilingues des conventions fiscales. Il est très rare qu'elles soient rédigées en une seule langue. La rédaction bilingue d'une convention fiscale laisse parfois subsister des doutes sur l'acception d'un mot, même lorsqu'il est défini de façon claire et précise dans chacune des langues qui l'emploient. A côté de ce problème classique de la qualification des faits ou des situations (détermination du domicile, de l'établissement stable, qualification des revenus...), on trouve le problème relatif aux malfaçons dans la définition des situations visées par les conventions fiscales (exemple : la réintégration des bénéfices dans les résultats d'un établissement stable à raison de transferts illicites des bénéfices au siège du groupe sans que celui-ci obtienne une diminution du bénéfice imposable). Il est assez rare que la convention fiscale (y compris les protocoles qui en font partie intégrante) donne des définitions suffisamment claires et précises pour éviter toute difficulté ultérieure d'interprétation. »

* 71 71 « le délit qui consiste dans le refus ou la négligence de juger ou, plus généralement de prendre une décision de la part de ceux qui sont appelés à rendre la justice ou à se prononcer à un titre quelconque sur les intérêts qui sont soumis à leur compétence. » définition du répertoire Dalloz citée par M. Arfaoui, op cit, p.70.

* 72 72Arfaoui, op cit, p.62.

* 73 73 Ibid.

* 74 74 Ibid, p.63. « Faut-il rechercher un fondement textuel au pouvoir interprétatif du juge ? L'opération d'interprétation n'est- elle pas inhérente à la fonction naturelle du juge de trancher les litiges et de dire le droit ? »

* 75 75 Code Pénal, Publication de l'Imprimerie Officielle de la République Tunisienne, 2006, p.43.

* 76 76 Arfaoui, ibid, p.70.

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