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Genre & mobilisations sociales: étude de genre des mobilisations féministes radicales et LGBT à  Istanbul

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par Adèle PRUVOST
Université Rennes 1 - Master 2 Sciences Politiques 2011
  

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Introduction

« On ne naît pas femme, on le devient »

(( On ne naît pas femme on le devient )). Ecrite par Simone de Beauvoir dans le (( Deuxième Sexe )) en 1949, cette phrase constitue l'un des prémices des études de genre. Le concept de genre est pluriel et complexe à définir. Au départ il naît de sa différenciation avec le concept de (( sexe )). (( Sexe )) caractérisant les différences hommes/femmes de type biologique, c'est-à-dire faisant référence aux appareils génitaux et autres différences organiques propres au corps de sexe féminin ou au corps de sexe masculin. Le concept de genre, lui fait référence à la construction sociale des individus selon le genre féminin ou masculin ou autre (personnes intersexués ou transgenres), construction qui se fait de manière plus ou moins relative au sexe biologique. Simone de Beauvoir introduit donc dans sa critique féministe une première rupture entre le (( biologique )) et le (( social )) ; (( si le (( biologique )) et le (( social )) sont deux domaines distincts, alors l'idée que les inégalités de pouvoir entre hommes et femmes découlent des différences anatomiques ou de la capacité des femmes à enfanter perd de son évidence )). 1 Le concept de genre permet donc d'expliquer, et donc d'étudier les mouvements féministes et critiques du genre. Car si le (( biologique )) semble acquis, le (( social )) peut être changé par le biais d'actions individuelles ou collectives. Les mouvements féministes et critique du genre ne formulent pas tous les mêmes critiques, certains luttent contre la hiérarchie des normes de genre (féminisme radical a Amargi), d'autres vont plus loin et remettent en question ces normes de genre en créant des alternatives, et en refusant d'entrer dans une des catégories binaires de genre (mouvement transgenre et Queer à Lambda). Si la rupture entre le (( social )) et le (( naturel/biologique )) a servi de tremplin aux mouvements féministes dans les années 70, il semblerait aujourd'hui que le (( biologique )) ne soit en réalité pas non plus un (( acquis )), et que le (( genre précède le sexe )). 2Ainsi le terme (( sexe )) lui-même n'est pas facile a définir. Et ce que de nombreux travaux scientifiques démontrent aujourd'hui c'est que le (( sexe )) engloberait plusieurs éléments : les marqueurs chromosomiques et hormonaux, la présence de gonades, des organes génitaux internes et externes, mais aussi des caractéristiques physiques secondaires (poitrine, pilosité..) et de capacités particulières

1 Simone de BEAUVOIR, Le deuxième Sexe : Partie 2 « Formation», Folio Essais

2 Laure BERENI, Sébastien CHAUVIN, Alexandre JAUNAIT, Anne REVILLARD, Introduction aux Gender Studies : Manuel des études sur le genre, Collections Ouvertures politiques, édition de Boeck, (2008)

(porter des enfants, pénétrer un orifice...) Ce ne serait pas « soit l'un soit l'autre mais un ensemble complexe de caractéristiques » (Anne Fausto-Sterling dans Laure Bereni3) Ainsi si nos corps sont sexués ce serait du fait de nos perceptions normées, et du sens que nous donnons à nos corps pour les rendre physiquement conformes au caractéristiques que nous définissons comme étant du sexe féminin ou du sexe masculin.

Le genre, les mobilisations critiques du genre, et le contexte turc

Le genre en tant que construit social influe sur nos perceptions, nos représentations, nos comportements et nos rôles dans tous les domaines de nos vies. Encore trop peu reconnus dans les sciences sociales, il est pourtant nécessaire de le prendre en compte autant que le concept de « rapport de classe » en sociologie par exemple. L'objectif de ce mémoire est triple, prouver que l'utilisation du genre dans l'étude des mouvements sociaux est essentiel, qu'il l'est d'autant plus dans l'études des mouvements féministes et critique du genre (LGBT) afin de rendre compte au mieux de la spécificité de ces mouvements, mais aussi dans l'étude politico-culturelle de la Turquie, car le genre permet de rendre compte des hiérarchies sexuées ancrées dans les schémas culturels. Ce travail est donc basé sur trois aspects : le genre, en tant que catégorie analytique, mais aussi en tant que revendication, les mouvements féministes et LGBT, et le contexte politico-culturel turc. Avec le concept de genre et la façon dont nos comportements, nos perceptions, nos rôles sont normés par l'intériorisation de cette division sociale en deux parties hiérarchique, le masculin dominant le féminin, nous pouvons étudier les mouvements critiques de cette division. Le genre apparaît dés lors comme l'outil analytique le plus approprié pour l'étude des mouvements féministes et LGBT, que nous qualifierons de « critique du genre », car lucides sur la construction sociale de genre, les premières cherchent a s'en émanciper, c'est-à-dire à pouvoir choisir de ne pas subir la hiérarchie des rapports de genre, tandis que les seconds cherchent a s'en défaire et a ne rentrer dans aucune logique de genre. L'outil du genre permet donc d'étudier le contexte d'émergence de ces mouvements, le contexte culturel turc étant complexe, à la fois aspirant à la « modernité » européenne et revendiquant à la fois ses traditions, sa culture, son unicité. La situation des femmes y étant loin d'être satisfaisante, avec des agressions physiques et sexuelles fréquentes notamment dans le cadre de la vie conjugale. La société turque est empreinte de la ségrégation hommes/femmes à tous les niveaux, et dans toutes les sphères. La hiérarchie de genre du « masculin » sur le « féminin » s'observe dans les représentations populaires du féminin au travers des mythes nationalistes, des interprétations vestimentaires islamiques, et du projet politique de Kemal. Ceci fera l'objet de la deuxième section de ce mémoire. Ces représentations populaires peuvent s'avérer très utiles car elle reflètent la société d'une part, et se traduisent

3 Laure BERENI, Sébastien CHAUVIN, Alexandre JAUNAIT, Anne REVILLARD, Introduction aux Gender
Studies : Manuel des études sur le genre
, Collections Ouvertures politiques, édition de Boeck, (2008)

concrètement ensuite dans le rôle normé des femmes et des hommes, ainsi que dans leurs manières de penser, dans leurs émotions..Il est donc nécessaire d'étudier ce contexte afin de pouvoir comprendre le cadre dans lequel émergent, puis évoluent les mobilisations sociales critiques du genre.

Objet d'étude : Amargi et Lambda deux organisations critiques du genre

Dans ce travail, nous nous intéressons à deux organisations critiques du genre : Amargi et Lambda. Amargi est une organisation féministe, que nous qualifierons de radicale, non pas dans le sens de ces actions qui sont loin d'être extrémiste, mais dans son projet politique, qui est de prendre conscience des normes de genre et de s'en émanciper que ce soit dans la sphère privée ou publique. Son projet peut donc être qualifié de radical dans le sens oü il remet en question l'ordre social établi, c'est-à-dire sur un rapport hiérarchique des normes de genre. Amargi a donc un double objectif, le premier est la critique aux normes de genre et son émancipation, c'est-à-dire le choix d'en faire ce que l'on veut, et son deuxième objectif est plus pragmatique, celui de lutter avec d'autres organisations de femmes et/ou féministes sur des questions urgentes comme la violence domestique faîte aux femmes. Lambda est une organisation pour la défense des droits LGBT (Lesbiennes Gays Bisexuels et Transexuels). Lambda a aussi un double objectif, le premier de défendre concrètement les LGBT et leurs droits dans un contexte où les discriminations et les agressions à leurs égards sont nombreuses. Le deuxième but de l'association est de, comme Amargi, encourager les gens à prendre conscience des normes de genre, mais à la différence des féministes, les militantes de Lambda vont plus loin, car elles remettent en cause ces normes, en ne s'identifiant ni à la catégorie du masculin, ni à la catégorie du féminin, pour le mouvement transgenre, ou Queer. Les deux organisations se rejoignent souvent, notamment dans l'organisation d'évènements tels que la « Pride March » ou le Feministival. Si ces deux organisations sont critiques des normes de genre, nous verrons dans une troisième section qu'elles mobilisent des répertoires d'action et des discours qui ont avoir avec l'identité sexuée des participantes. Ayant dans le cadre de Lambda, pris parti de faire un travail d'observations a partir des entretiens des militantes femmes et trans, et non des hommes, (ce que j'ai regretté plus tard), ce travail porte donc exclusivement sur les mobilisations de femmes. Il est donc abordé dans la troisième section le fait que ces organisations ont, au de là de leurs revendications critiques du genre, un répertoire d'action, une structure organisationnelle, un rapport a l'engagement que nous pouvons qualifier de « genré » car suivant une « logique identitaire féminine », en rapport avec la construction identitaire des participantes en fonction de leur « sexe féminin ~. Il n'est donc pas si facile de se « libérer » des normes de genres intériorisées. Nous aborderons aussi que, ces organisations Lambda et Amargi jouent un rôle non négligeable dans la diffusion de modèle alternatifs à « l'idéal féminin de chasteté, de soumission, et de vertu » diffusé majoritairement par la société turque. Et qu'en cela les organisations Lambda et

Amargi ont un impact sur la construction sociale du genre au présent et a l'avenir. L'objectif ici est bien de démontrer que l'étude de genre dans les mobilisations sociales mixtes ou non mixtes est nécessaire, et qu'elle rend d'autant plus compte de la spécificité des mobilisations sociales de femmes et LGBT jusque là plutôt invisibles ou rares dans les travaux d'étude des mouvements sociaux. Nous commencerons donc d'abord ce travail en faisant un point sur les théories des mouvements sociaux et leurs failles, ainsi que ce que le genre comme outil analytique peut apporter à ces études.

Plan du mémoire et problématique

L'objet d'étude de ce mémoire est donc «Le genre comme approche des mobilisations critiques du genre (féministes radicale et LGBT) à Istanbul ~, cet objet s'articule autour de la problématique suivante « En quoi l'utilisation de l'approche du genre dans l'étude des mouvements sociaux est-elle nécessaire ? Comment étudier les mobilisations de femme critiques du genre dans le contexte particulier de la Turquie au travers le genre ? »

Ce travail va donc se développer en trois sections, la première sur l'apport du genre dans l'étude des mobilisations sociales, la deuxième section abordera la représentation du Féminin dans la, religion, le nationalisme et l' idéologie kémaliste, ces trois cadres culturels reflétant la société turque, mais jouant un rôle en tant que réflexif et de diffusion de l'image d'un « idéal de féminin », influant de manière puissante la construction sociale genré, et la hiérarchie du « masculin » sur le « féminin » dans la société. Nous aborderons aussi dans cette section en quoi la conjoncture économique et politique des années 80 a pu jouer un rôle sur l'émergence de la société civile, et donc en son sein des mouvements de femmes, et féministes, et LGBT. (En Turquie, la distinction entre mouvement des femmes et féministe est assez floue, « féministe » comporte une connotation idéologique politique, alors que les mouvements des femmes non, mais les deux luttent souvent ensemble pour des causes pragmatiques comme la lutte des violences physiques et sexuelles faîtes aux femmes). Et en troisième section, nous étudierons donc les organisations Lambda et Amargi, leurs idéologies critiques des normes de genre (transgenre, Queer, antipatriarcal), ainsi que leur mode d'action, leurs structures organisationnelles, mais aussi le rapport des militantes à leur engagement.

Méthodologie

En ce qui concerne la méthodologie pour ce travail, le cadre théorique comporte à la fois des apports des théories « classiques » des mouvements sociaux, mais aussi les apports des études de genre, et des travaux sur la combinaison des deux, c'est-à-dire l'étude des mouvements sociaux par le genre. Les sources bibliographiques ont donc été des articles anglophones sur le féminisme en Turquie, sur la situation des femmes, le contexte culturel et politique, avec des articles de chercheurs et chercheuses turcs,

traduites en anglais, Sirin Tekeli, Nilüfer Gôle, Yesim Arat, Ayse Saktanber...ainsi que l'appui des rapports de Human Rights Watch, de l'ONU, ainsi que des sources plus théoriques en français et en anglais sur les théories des mouvements sociaux (Erik Neveu, Cécile Péchu, Olivier Filliuele, Gaxie), sur les études de genre (Laure Bereni, Christine Guionnet, Judith Butler), et sur les études des mouvements sociaux par la catégorie analytique du genre (Olivier Fillieule, Verta Taylor, Judith Taylor, Mya Marx Ferree, Guionnet, Kergoat, Cheryl Hercus, Jean-Gabriel Contamin, Laure Bereni). Je me suis également appuyées sur une série d'entretiens, 5 en Turquie, 3 a Lambda, deux à Amargi, et un entretien préparatoire à Mix Cité à Rennes. Les entretiens se sont déroulés en anglais sauf pour une militante en Turquie, française d'origine, et pour l'entretien a Rennes. Les militantes étaient âgées de 21 a 35 ans, d'ancienneté variable (de 9 ans d'ancienneté a 1 an et demi). Tous les entretiens durent entre 40 minutes et une heure. Pour ma recherche, et en ce qui concerne la troisième section du mémoire, sur les structures organisationnelles, répertoire d'actions, rapport a l'engagement et coûts et rétributions du militantisme, je me suis inspirée de tous, essentiellement des entretiens en Turquie.

Limites du travail de recherche :

Les difficultés de ce travail de recherche sont nombreuses. D'une part le fait que l'objet d'étude soit a l'étranger, ce qui rend difficile l'appréhension du contexte culturel. Les féministes turques ne sont pas les mêmes que les françaises même si il y a des points de convergences, de part le contexte politique, religieux, culturel, social, et économique qui n'est pas le même, les causes de mobilisations sont donc différentes, ainsi que les revendications. Et appréhender en un an tous les paramètres d'un contexte aussi complexe et riche que la Turquie n'est pas évident. D'autre part ne pas parler turc est une difficulté supplémentaire, pour la recherche de sources écrites sur le féminisme en Turquie, elles sont quasi inexistantes en Français, et très rares en anglais. Les sources théoriques d'études de genre dans les mobilisations sociales sont aussi en plus grand nombre en anglais (Verta Taylor, Mya Marx Ferree, Cheryl Hercus) et sont donc non traduites, la difficulté est alors de comprendre tous les concepts et idées théoriques défendues en anglais, et de comprendre le texte en profondeur. Mais aussi pour les entretiens, trouver des militantes qui savent parler anglais et qui acceptent de faire l'entretien en anglais n'est pas simple, et ce dernier est peut être moins « profond )) que si il se déroulait en langue maternelle, pour l'interviewée comme pour l'intervieweuse. Nous pouvons d'ailleurs l'observer aisément avec le fait que les entretiens en français sont beaucoup plus longs (environ 10 pages, alors que plutôt 5, 6 pages pour les entretiens en anglais). L'observation des activités militantes se retrouve aussi nettement amoindrie, les meetings, réunions, divers évènements, ainsi que les slogans des manifestations étant en turc. D'autre part être une chercheuse étrangère rend plus difficile l'intégration au sein des organisations féministes, et à acquérir la confiance des militantes, qui avaient du mal à me prendre

au sérieux et a m'accorder un entretien. Elles avaient peur d'être jugées par une « occidentale ». Pour acquérir leur confiance j'ai du mentir et dire que je faisais moimême parti d'une organisation féministe et/ou LGBT en France, ainsi que participer à certains de leurs ateliers. D'autre part, le fait d'étudier une mobilisation féminine et de l'étudier au travers du genre, peut être dangereux, car il faut toujours tenter d'être le plus objectif possible, étant moi-même du genre féminin. Mes propres questions furent d'ailleurs inconsciemment genrées, puisque je m'intéressais davantage au ressenti des militantes, et à leurs vécus. Ce qui a pu peut être orienté ce travail de recherche. Néanmoins je me suis efforcée tout au long de ce travail de recherche de faire attention a la neutralité axiologique, et j'espère y être parvenue. De plus le travail sur le genre peut s'avérer difficile et flou puisque novateur, ou au contraire on peut avoir tendance à trop facilement appliquer des « évidences », telles que « les femmes agissent suivant une logique féminine, et les hommes selon une logique de la masculinité ~, or il y a des femmes qui n'agissent pas forcément selon « la logique féminine ~. C'est aussi l'intérêt d'un travail sur un mouvement LGBT : regarder si des mobilisations autres que suivant une logique féminine ou masculine sont possibles. Au final malgré ces difficultés, faire un travail de recherche sur un objet d'étude a l'étranger renforce l'immersion dans la culture turque et s'avère particulièrement enrichissant, d'autres part les recherches en anglais furent tout autant intéressantes, car pouvant apporter un point de vue, ou une perspective différente aux travaux français.

Espérant que les triples objectifs de ce mémoire seront atteints, c'est-à-dire dans la démonstration de l'outils de genre en tant que nécessaire dans l'étude des mouvements sociaux, particulièrement les mobilisations de femmes et LGBT jusque là oubliés des études de mouvements sociaux, et qui sans le genre n'auraient pu être étudiés de manière satisfaisante, et enfin dans la démonstration de l'utilité de l'outils de genre dans l'étude d'un contexte, politique, culturel, social, historique et religieux de la Turquie, contexte dans lequel les catégories hiérarchiques de genre se retrouvent sans cesse. Contexte permettant aussi d'expliquer les causes des mobilisations critiques des normes de genre.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"